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Presquevoix...
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10 novembre 2011

La vie de bureau (3)

Quand j’arrivais au bureau, il était toujours là. On aurait dit qu’il m’attendait, exprès.

-    Bonjour Madame Duclos, me disait-il avec un sourire forcé, comment allez-vous ?

Et je lui répondais sur le même ton.

-    Très bien M. Michaux, merci, et vous-même ?

En réalité, nous nous détestions. Il faut dire que deux ans plus tôt, nous avions divorcé après un mariage passablement raté…

9 novembre 2011

Les escarpins

Elle s'était acheté des escarpins louboutin, non pour les mettre – elle était bien incapable de marcher avec de tels talons – mais au cas où. Il y avait beaucoup de choses qu’elle avait ainsi acheté au cas où. Combien de tailleurs ou de robes n’avait-elle pas achetés au cas où. Ses armoires étaient pleines de ravissantes tenues au cas où. Mais elle attendait toujours que le cas se présente…

 

 

 

8 novembre 2011

La garde à vue

Quand le policier avait gueulé « Les clous ! », il n’avait pas compris, ou trop tard. Il était déjà à terre, maintenu au sol par trois policiers. En garde à vue, comment aurait-il pu imaginer qu’on transformerait ses testicules en ballons de football, lui qui détestait le sport ? Pourtant ce fut le cas, en deux temps trois mouvements, avec toute l’habileté dont les policiers savent faire preuve. Il eut même droit à quelques claques bien senties qui laissèrent sur sa joue des trainées bleutées.

Un an plus tard, le tribunal a tout de même considéré, non sans pertinence,  que les claques données au gardé à vue « ne sauraient correspondre aux préconisations des cours de secourisme »

Texte écrit à partir de cet article de Libération : « un policier, des clous et des claques »

7 novembre 2011

Le retard

Le train était immobilisé depuis une heure sur la voie et finalement l’information tomba : un homme s’était suicidé. L’une des passagères, hors d’elle, s’écria : « J’ai vraiment pas de chance avec les trains ! C’est la deuxième fois que ça m’arrive. Il aurait pas pu attendre le train suivant ! »

6 novembre 2011

La parisienne

P7230742C’est dans ce village qu’elle était venue s’enterrer et bien mal lui en avait pris : le curé ne venait même plus dire la messe. Il lui restait le bruit de la rivière et le grondement de l’orage dans la montagne.

Pour les gens du village, elle était l’étrangère, la parisienne, celle qui se levait tard et se couchait tard, celle qui ne parlait pas comme eux, celle qui ne faisait rien – pas même son jardin -, celle qui disait juste bonjour, celle après qui les chiens aboyaient, celle qui se promenait seule dans les bois, celle qui  avait eu une liaison avec le boucher de Castillon alors que sa femme venait juste de mourir…


PS : fiction écrite à partir de cette photo de C. V. prise en Ariège

5 novembre 2011

Tu veux faire quoi ?

Quand elle lui a demandé ce qu’il voulait faire plus tard, il a répondu sans hésiter.

-    Retraité.

Elle a refreiné le " Quoi ? à ton âge ! " qu'elle avait sur le bout de la langue et elle a souri. Après tout, ne rêvait-elle pas de la retraite, elle aussi ? Seulement, elle avait 35 ans de plus que lui !

4 novembre 2011

Les vases communicants

Le Tiers livre   et Scriptopolis  sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. La liste complète des participants se trouve ici  grâce à Brigitte Célérier.

Aujourd'hui, l’échange a lieu entre  Le Tourne-à-gauche, avec l'accueil ci-dessous de D. Hasselmann, et Presquevoix, reçu là-bas.

 

Les monstres ont-ils la nausée ? (2/2)

Où se trouvait la frontière ? Les barrières avaient été abolies, mais la circulation devenue libre se heurtait aux contrôles de la douane volante (ceux qui revenaient de Hollande). Les interdits, le nombre de cartouches de cigarettes tolérées – ces Craven A et leur bout de liège – n’étaient pourtant qu’un lointain souvenir pour le parfum des lèvres et l’écarquillement des yeux.

Dans le sous-sol du garage, je mettais la dernière main à mes productions. Il existait un marché pour ça, l’étude l’avait montré, chacun cherchait la « distinction » par rapport aux autres ; l’image de la puissance montrait l’impact de l’imagination.

La course en avant ne pouvait s’arrêter car elle reposait sur la compétition instaurée par la société elle-même : il fallait être le plus grand, le plus fort, le premier. Sortir de la masse, de la norme, de l’uniforme, ne ressembler à personne, créer un modèle auquel les autres viendraient, attirés comme des mouches par le miel, s’agglutiner, puis s’identifier, se fondre et se dissoudre.

Ce logiciel que j’avais inventé s’implantait facilement sous la peau – j’avais tout simplement copié le système des puces RFID : il détruisait tout ce qui dans la personnalité du porteur pouvait le faire apparaître hors normes. Les comportements « déviants » étaient ainsi supprimés automatiquement (nul besoin de détecter les enfants « à risque » dans les écoles maternelles).

Certains journalistes, mis au courant de mon projet par une « fuite » malencontreuse, avaient écrit qu’il s’agissait d’une « monstruosité » digne de George Orwell, et que je devrais être enfermé ; mais personne ne savait où je logeais et mon pseudonyme à nom de revolver me laissait de la marge.

Parfois, je me demandais d’ailleurs pourquoi la langue française n’avait pas inventé un mot pour ce qui relevait purement de la tératologie : moooooooooooooooooooooooooooooonstruoooooooooooooooooooooooooooooosité, cela aurait pu faire peur et dissuader, qui sait, quelques apprentis sorciers.

Tandis que je sortais sur la chaîne de montage mes puces iMonster®, au rythme d’une centaine par jour, j’étais pris parfois d’une étrange nausée : était-ce bien raisonnable de vouloir faire passer sous la toise et raboter d’autorité toute une partie de la population (les immigrés, les SDF, les chômeurs, les homos ou les lesbiennes, les parents adoptifs, les gauchistes ou les anti-G20, certains « socialistes », les anarchistes, les indignés et les écoeurés, les poètes chevelus ou les artistes chauves…) ?

De temps en temps, j’interrompais ma tâche (j’avais gardé quelques scrupules moraux) et j’allais dégobiller dans la bassine en plastique, puis j’avalais une gorgée de Jack Daniel’s avant de me remettre au turbin. La commande était claire et son terme fixé précisément : approvisionner le ministère de l’Intérieur avant le 6 mai 2012.

 

Monster 20

 (Photo prise le 20 octobre vers Neuilly-sur-Seine. Cliquer pour agrandir.)

Texte et photo : Dominique Hasselmann

3 novembre 2011

Que fait la pluie ?

Quand elle lui avait demandé pourquoi il lui mentait toujours, il lui avait posé une question saugrenue, comme à son habitude.

- Et que fait la pluie ?

Elle répondit qu'elle faisait des claquettes. Pourtant, elle n'avait pas le coeur à sourire.

- Non, la pluie tombe, comme nous tombons amoureux, lui répondit-il solennel.

Elle palit.

- Alors c'est fini ?

- Tout de suite les grands mots !


Elle ne se satisfit pas de sa réponse et le somma de lui dire la vérité, toute la vérité.

- Ça ne durera pas.
- Mais encore ? Ajouta-t-elle.

Il lui prit le visage entre les mains et, après avoir embrassé délicatement le bout de son nez, il conclut.

- Une semaine, tout au plus.

Elle fut rassurée. La dernière fois que la pluie était tombée, cela avait duré 6 mois.

PS : texte écrit dans le cadre des “impromptus littéraires”

2 novembre 2011

Les Anglais

On était au rayon surgelé du supermarché et elle m’avait demandé où je partais pendant mes vacances ; je lui avais répondu simplement.

-    En Angleterre.

C’est à ce moment-là qu’elle m’a servi sa diatribe sur l’Angleterre et les Anglais.

-    Comment ? Me dis pas que tu vas filer du fric à ces égoïstes qui  veulent même pas de l’euro et qui  sont même pas capables d’aligner deux mots en français ! Ya pas pire qu’un anglais ! Enfin si, deux anglais !

Et en plus, elle se trouvait drôle. Je savais que, deux ans plus tôt, elle s’était séparée de son mari qui était anglais. J’imagine qu’elle lui en voulait encore et que l’Angleterre servait à épancher sa poche d’humeur maritale. J’ai voulu passer au rayon « produits frais », mais elle  a bloqué mon chariot de son corps et a rajouté.

-    Et tu sais qu’en plus ils baisent mal, les Anglais ?

J’ai rétorqué, gênée.

-    Mais, mais … j’y vais pour faire du tourisme !
-    Je me doute, a-t-elle répliqué, mais si l’envie te prenait, je te les déconseille formellement.

A ce moment-là, j’ai empoigné fermement mon chariot  et j’ai commencé à faire mine de partir, mais elle n’avait pas fini.

-    Tu sais que j’ai été mariée à un Anglais ?
-    Oui, bien sûr, puisque vous étiez venus manger à la maison tous les deux.
-    C’est pour ça que je peux en parler en connaissance de cause ! Il n’y a pas de peuple plus autiste et plus coincé que les Anglais. Et puis leurs hôtels ! Leurs hôtels c’est de la merde, sans parler de leurs transports en commun…

La situation devenait on ne peut plus embarrassante ; elle parlait de plus en plus fort en faisant de grands moulinets avec ses bras. J’ai soudain trouvé une porte de sortie.

-    Tu sais que je vais me remarier ?
-    Non, je l’ignorais. Et avec qui ?
-    Avec un anglais !

J’ai vu son corps se ratatiner et son visage se décomposer ; j’en ai profité pour battre en retraite !

1 novembre 2011

Les essuie-glaces

Depuis un an, Il volait des essuie-glaces. Il se demandait ce qui le poussait à arracher, de nuit comme de jour, des essuie-glaces dont il ne faisait rien, sinon les stocker dans une remise au fond du jardin. C’est sa femme qui lui donna la clef du mystère en découvrant le pot aux roses.

-    Tu es cinglé ou quoi ? Tiens, tu devrais bien t’en servir pour  chasser toutes les saloperies qui encombrent ton cerveau !

Mais oui, c’était bien ça, il devait chasser ses mauvaises pensées. Mais comment, concrètement, pouvait-il se débarrasser de toute la rancœur qu’il nourrissait contre sa femme ?

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