La couturière avait disparu du jour au lendemain. Le quartier ne s’était pas posé de questions. Elle, oui. Où était-elle, cette jeune-femme souriante qui donnait aux vêtements anciens la légèreté du présent ? Cette petite main qui façonnait et confectionnait à merveille avait-elle été enlevée ? Était-elle partie ailleurs, accrochant de longs fils colorés qui lui avaient servi de corde pour voyager au pays des tissus heureux ? Peut-être.
Elle se souvenait encore de l’ourlet classique piqué qu’elle lui avait fait au bas d’une robe en mousseline mauve qui avait surgi de la nuit des temps. Oui, c’était une artiste.
Elle ne fut pas surprise quand, neuf mois plus tard, elle reçut dans sa boîte aux lettres, une enveloppe où, au dos, on avait tracé en lettres d’or : « votre couturière ». Ce « votre » l’avait émue.
La lettre cousue main disait :
« Madame,
Je vous envoie, avec mon aiguille préférée, cette petite lettre pour vous dire que je pense à vous dans cet atelier qui met en scène les robes et dentelles des grandes de ce monde.
Surtout, continuez à garder ces vieilles robes que jamais vous ne vouliez jeter, et qui donnaient à mon quotidien la couleur des jours passés. Gardez-les pour moi, et pour vous. Un jour je passerai les chercher pour les faire vivre au présent.
Adèle. »
Adèle était partie il y a cinq ans. Elle n’était toujours pas revenue, mais elle savait qu'elle reviendrait...
PS : Photo prise à Paris en 2017