J’ai été visiteuse de prison de 2009 à 2016. J’ai souvent vu des hommes, les femmes perdaient rarement les liens avec leur famille. J’appartenais à l’ANVP. Nous avions toutes les trois semaines un groupe de « supervision » avec une psychologue.
En voulant supprimer certains fichiers de mon ordinateur, j’ai redécouvert la lettre qui suit, écrite à « Claude », le détenu à qui je rendais visite une fois tous les quinze jours à la maison d’arrêt de Bonne nouvelle. Il doit avoir 69 ans maintenant. J’ai vu ce détenu pendant 4 ans. Un an et demi après son procès, en 2013, il a été transféré au centre de détention de Douai pour purger sa très longue peine. Nous nous sommes écrits pendant un an, puis il ne m’a plus répondu, pour des raisons que j’ignore. En relisant l’avant dernière lettre que je lui ai écrite, je me suis demandée s’il s’était un peu apaisé et surtout, je me suis demandée s’il avait toujours autant de haine envers les blancs, lui-même était originaire de la Guadeloupe. Les vies sont parfois d’une telle violence – dès la naissance - que certains s’engagent sur des chemins où ils s’embourbent jusqu’à ne plus jamais pouvoir en sortir. Telle fut la vie de Claude.
Bonjour Claude,
Je suis contente que cette revue que vous m’aviez demandée – Amina - vous ait fait plaisir. Je l’ai trouvée assez facilement.
Aller à l’atelier est une bonne chose, comme vous le dites, cela vous vide la tête et vous pouvez ainsi gagner un peu d’argent que vous utiliserez pour vous ou pour vos enfants.
J’imagine que vous continuez toujours à aller au groupe de prière ; au fait, merci pour les chants que vous m’avez envoyés. Je ne suis pas croyante mais j’aime entendre de la musique religieuse.
Savez-vous que j’ai mis dans ma salle de classe une citation qui était sur l’un des calendriers que vous m’aviez donnés. Cette citation de Christian de Chergé, moine trappiste dit ceci : « J’apprends à ne pas figer l’autre dans l’idée que je m’en fais, ni même dans ce qu’il peut dire de lui actuellement ».
Je trouve qu’elle est belle et profonde. La voir ainsi chaque jour dans ma salle de classe m’aide à essayer d’appliquer ce qu’elle enseigne jour après jour, mais c’est loin d’être simple ! Parfois, d’ailleurs, des élèves posent des questions sur le sens que l’on peut lui donner et les lectures des uns ne sont pas toujours celle des autres.
Votre nièce a fait un beau parcours scolaire si elle a décroché son master en droit. J’espère qu’elle va trouver du travail rapidement.
Au fait, avez-vous des nouvelles de vos enfants ?
Sinon, en ce qui me concerne, c’est la fin de l’année scolaire. Hier, je suis partie à 5 h 30 de chez moi pour prendre le train à 6 heures car j’allais à Caen pour faire passer des oraux de baccalauréat à 15 candidats. Ce fut une journée fatigante, d’autant plus qu’il y avait peu de trains à cause des grèves à la SNCF.
Allez-vous toujours à la bibliothèque ? La lecture a de tels pouvoirs qu’il serait dommage de ne plus faire ce voyage dans le monde des livres.
En ce moment je lis un livre d’un auteur américain que j’aime beaucoup : Irvin Yalom. Il était psychiatre, psychothérapeute et maintenant il écrit des romans dont les sujets ont trait à l’écoute de soi, de l’autre, à la vie, la mort etc.
Fin juillet, nous partirons avec mon mari faire un tour à vélo de 10 jours : nous irons de Toulouse à Bordeaux en suivant le canal de la Garonne. Je crois que nous aurons très très chaud.
Je vous souhaite une bonne fin de semaine.
Prenez soin de vous et à bientôt,
Amicalement,
Ghislaine
PS : prochain texte, mardi.