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Presquevoix...

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10 octobre 2015

Les chaussures

20150624_123048-1Muriel s’étonna du choix de Léa.

-          Tu ne trouves pas que ça fait un peu travelo ?

Léa l’avait regardée d’un air méprisant.

-          Tu me fais de la peine avec tes clichés.

Elle faillit sourire. Sans doute avait-elle des clichés plein la tête, mais qui n’en avait pas ?

-          Après tout, ce n’est pas moi qui les mettrai, tu as raison.

-          En plus je ne te demandais même pas ton avis.

-          C’est vrai, concéda-t-elle. Bon, tu essaies ?

Léa refusa d’essayer les chaussures en sa présence. Elle lui demanda de la laisser seule pour l’essayage. Elles se reverraient le lendemain. Tiens, elle lui enverrait un SMS pour lui fixer un nouveau rendez-vous dans l’après-midi.

Muriel ne reçut jamais de SMS, ni le lendemain, ni les jours suivants.

Elle revit Léa trois mois plus tard, de dos, dans la queue d’un cinéma parisien. Elle ne  l’avait reconnue que lorsque celle-ci s’était légèrement tournée pour parler à sa voisine de droite. Instinctivement, Muriel avait regardé ses chaussures, et c’est là qu’elle avait compris : Léa avait plusieurs facettes.

 

PS : photo prise par moi-même

8 octobre 2015

Le professeur

Quand elle avait demandé à ce professeur si elle n’avait pas peur de laisser son vélo à l’extérieur du garage à vélo, celle-ci lui avait répondu.

-          Moi, les élèves m’aiment bien.

Elle s'était contentée de lui dire.

-          Ah bon, et tu les crois ?

Le lendemain, le même professeur racontait que ses élèves de seconde n’avaient pas attendu  qu’elle revienne de photocopier l’interrogation écrite à l’étage supérieur ; ils étaient tous partis, sauf trois. Elle n’avait pu s’empêcher de lui dire.

-          Ah bon ? Pourtant tu m’avais dit qu’ils t’aimaient bien !

6 octobre 2015

Le vélo

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Elle aurait voulu l’enfourcher et partir le plus loin possible ; jamais elle ne l’avait  fait.

Le vélo était là, chaque matin, comme une tentation, avec son panier fleuri promettant mille merveilles et son antivol rose qu’elle aurait pu accrocher a un nuage.

Elle aurait pu… chez elle, le conditionnel passé était une seconde nature, la nature de ceux qui ont peur de la vie, peur du monde insolent, peur d’être, tout simplement…

 

PS : photo prise à Lille, par mes bons soins.

4 octobre 2015

La langue de bois

Quand son patron  - un élu d’un parti en perte d'électeurs et d'idées  -  parlait, elle ne pouvait s’empêcher de penser à Franck Lepage*.

Elle se demandait parfois si,  avant chaque intervention dans les médias, il ne s’entraînait pas devant la glace  : six cartes tirées au sort, inlassablement, et des phrases qu’il enfilait comme des perles ternes sur le collier de ses idées creuses.

 

*Franck Lepage : la langue de bois décryptée avec humour !

 

 

2 octobre 2015

Danser

20150809_114651C’est en voyant ce tutu dans la vitrine qu’elle avait décidé de devenir danseuse. Un rêve de petite fille qui était resté remisé dans sa valise aux rêves car à 14 ans, elle s’était mise à grossir plus que de raison. Le médecin avait dit que c’était nerveux.

-          Mais qu’est-ce qu’on peut faire aux nerfs ? Avait-elle demandé.

-          Rien, avait répondu le médecin, rien du tout. Il faut attendre qu’ils se calment.

Cela faisait trois longues années qu’elle cachait ses 80 kilos dans des tuniques XL et des pantalons larges.

Puis un beau jour elle dégonfla, d’un seul coup, juste à cause d’une lettre envoyée à son nom dans une enveloppe verte :

«  On me dit que vos nerfs vous tourmentent. Pourquoi leur accorder une si grande importance ? Sachez que si vous êtes responsable de vous, vous n’êtes pas responsable des autres. Je vous conseille d’esquisser quelques pas de danse et vous verrez, tout ira mieux.

Quelqu’un qui vous veut du bien. »

 Cette lettre datait d’il y a 10 ans. Jamais elle ne sut qui la lui avait envoyée, mais depuis, elle n’avait jamais cessé de danser…

PS : photo prise par mes bons soins.

 

30 septembre 2015

Le parfum

Ne supportant plus son absence, elle s’imprégnait de son odeur, jour après jour, et ce parfum lui apportait une jouissance que sa présence ne lui avait jamais donnée.

 

 

 

28 septembre 2015

Dieu

20150814_121149Elle avait rencontré Dieu sous l’horloge de la cathédrale de Beauvais, elle qui avait toujours clamé haut et fort que Dieu était une création de l’homme et qu’il fallait être stupide pour se laisser prendre  aux manipulations d’églises qui ne recherchaient que profit et pouvoir afin d’asseoir la domination de quelques-uns sur la foule.

Mais ce jour-là, sous l’horloge, elle avait changé d’avis ; et il avait suffi de deux  minutes.

Elle contemplait la beauté de l’horloge quand « il » lui était apparu. Son discours qui ressemblait à un vol d’oiseaux sur les blés mûrs.

-          Je suis celui qui a ouvert les eaux de la mer rouge, celui qui purifie du péché et prend pitié de vous. Invite-moi dans ton cœur et tu reconnaîtras le bon grain de l’ivraie.

Stupéfaite, elle leva les yeux vers l’horloge et découvrit qu’en lieu et place du cadran, il y avait Dieu. Elle eut juste le temps de lui poser une question, une seule, et il disparut après lui avoir donné la réponse.

Quand son mari la retrouva à la sortie, il ne put s’empêcher de lui demander.

-          Eh bien, tu en as mis du temps. Tu as rencontré Dieu derrière un pilier ?

-          Non, sur le cadran de l’horloge, répondit-elle très sérieusement, le visage pénétré.

Il l’observa et elle enchaîna.

-  Dieu s’est invité dans mon cœur.

Il se rendit compte qu’elle avait perdu tout sens de l’humour. N’était-ce pas ainsi que l’on reconnaissait  ceux qui faisaient partie du « troupeau » ? Ce changement le laissa pantois. Comment cela pouvait-il lui arriver à elle, athée comme elle l’était ! Il lui dit clairement.

-          Moi, mon royaume sera toujours le même : ma maison. Et pas de place pour Dieu, on est déjà à l’étroit !

Elle hocha gentiment la tête et se surprit à rétorquer : « Ce n’est que l’orgueil qui parle en toi. Un jour, toi aussi tu reconnaîtras la parole de Dieu. »

Une heure plus tard, alors qu’il conduisait sur une petite route qui serpentait, il rata un virage, la voiture fit un tonneau, deux tonneaux,  et se retourna lamentablement dans un champ de blés mûrs.

Il n'y eut pas de survivant.

 

PS : photo prise par moi-même à l'intérieur de la cathédrale de Beauvais.

26 septembre 2015

Gibert

Elle était au rayon philosophie, chez Gilbert et, par curiosité, elle fit un petit tour des étals pour prendre la mesure de tous les livres qu’elle ne lirait jamais. Un homme lui adressa la parole.

-          Je peux vous aider ?

Elle tourna la tête et vit un escogriffe d’une cinquantaine d’année, une coupe de cheveux au carré imparfait,  la mine étrange, et un costume d’un autre temps ; sans doute un professeur de philosophie. Qui d’autre ? En tout cas, ce n’était pas un vendeur.

-          Non, merci, répondit-elle poliment.

Il ajouta.

-          Alors vous faites un tour des rayons et ça vous suffit ?

Elle lui sourit et rétorqua.

-          Exactement, je tourne donc je suis.

Il hocha la tête, dubitatif, et marmonna quelque chose qu’elle ne comprit pas avant de partir à grandes enjambées. Elle remarqua qu'il avait fait tomber une petite feuille qui semblait arrachée d'un carnet. Curieuse elle la ramassa. Elle y lut, écrites en rouge, les phrases suivantes : " Deviens qui tu es! Fais ce que toi seul peut faire. F. Nietzsche "

Elle suivit le programme au doigt et à l'oeil.

24 septembre 2015

La maison

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Elle observait la ville et la ville l’observait. Qui aurait pu imaginer que la maison veillait sur le corps d’une femme qu’aucun prince charmant n’avait jamais pu réveiller.

Elle n’ouvrit un œil que lorsque la première grue éventra le toit, mais il était trop tard…

 

PS : photo prise à Rouen par mes bons soins

 

22 septembre 2015

Narcisse

Elle ne savait que parler d’elle et toute tentative d’aborder un autre sujet était vouée à l’échec. Epuisé par ses ressassements perpétuels, son fils prit une sage décision qu’il mit en application la fois suivante.

Ce jour-là, alors qu’elle se gorgeait d'elle tout en buvant un verre de mousseux auquel elle avait donné l’appellation « champagne »,  il sortit un miroir de son sac à dos et le cala devant son visage. Sa mère s’étonna de cette « guignolade »

De derrière le miroir, son fils articula.

-          Narcisse, tu connais ?  

-          Oui, et alors ?

-          Alors voilà.

-          Voilà quoi ?

-          C’est toi !

Et il fit la douloureuse expérience d’une explication avec sa mère, la première, sans doute, depuis 40 ans…

 

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