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Presquevoix...
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31 octobre 2014

Le génie

Cinq ans plus tôt, ses parents lui avaient acheté le jeu « little Einstein » et l’enfant  se devait d'y jouer une fois par semaine. Les parents s’étonnèrent donc quand l’institutrice de CM2 leur demanda de venir afin de parler du parcours scolaire de leur fils chéri.

-  Une année de plus en CM2 serait peut-être nécessaire, leur dit-elle, votre fils n’a pas acquis la maturité nécessaire pour passer en sixième. Je pense qu’il sera très vite en difficulté.

Les parents se regardèrent le visage défait. Leur rêve d’avoir pondu un génie s’écroulait-il ? Mais ils reprirent vite le dessus et le père asséna, accompagné par les hochements de tête véhéments de la mère.

-  Inutile de continuer madame. Paul passera en sixième. Son niveau est tout à fait satisfaisant. D’ailleurs, au dernier QI, ses résultats étaient nettement supérieurs à la moyenne.

Puis ils partirent la tête haute, sans même dire au revoir à l’institutrice.

 

 

29 octobre 2014

L’éloge funèbre

Au moment où le curé faisait l'éloge de la défunte, son fils se leva spontanément et cria : " Ce n’est pas vrai ! ». L’assistance se tourna vers lui et le curé interrompit son discours. Le fils resta debout, le regard perdu, puis il se rassit l’air accablé. Le curé revint à son éloge et l’assistance reprit son écoute attentive, comme si rien ne s'était passé…

27 octobre 2014

Suspendues

suspenduesElles s’étaient perchées tout en haut, c’est là que la vue était la plus belle. L’ascension avait été moins dure qu’elles ne l’avaient cru. La tête dans le bleu du ciel, elles rêvaient à ce que pourrait être la vie si on la considérait avec recul et bienveillance. Drôle d’impression.

Un jour il leur faudrait redescendre, mais pour l’instant elles n’étaient pas pressées. Elles dominaient le monde, non pour l’assujettir mais pour le comprendre ; et ce qu’elles voyaient les faisaient sourire, comme si la distance anéantissait la peur.

Peut-être se prenaient-elles pour des anges ?

 

PS : photo prise par R. B.

25 octobre 2014

La bibliothécaire

Elle était bibliothécaire bénévole à la Maison d'arrêt et, ce qui l’étonnait le plus, ce n’était ni les conversations étranges qu’elle entendait ça et là, ni le nombre de détenus qui passaient par la bibliothèque sans jamais rien emprunter, ni les allures de somnambules de certains, assommés par les médicaments, mais  le nombre de livres policiers qu’on lui demandait. Rien d’autre ne trouvait grâce à leurs yeux, à part le code pénal, bien sûr.

 

23 octobre 2014

L’accordéoniste

Ce matin, dans le métro, un homme jouait de l'accordéon juste à côté de moi. Son « besa-me mucho » - faux à souhait -  me vrillait la tête. Il me restait encore dix stations avant d’arriver à Montparnasse et je n’avais nullement l’intention de perdre ma place assise pour partir ailleurs.

Inspirée, j’ai sorti un billet de 5 euros. Peut-être changerait-il de wagon ? Il s'est arrêté de jouer, m'a longuement regardée en souriant et m'a dit  calmement, comme s’il y voyait clair dans mon jeu : « Moi on ne m’achète pas. Je suis juste là pour faire chier le monde et visiblement, ça marche ! »

 PS : texte inspiré d’une anecdote lue sur « une vie de merde »

 

21 octobre 2014

Miss Ventre

C’était la fête du ventre et la joie régnait. Le ventre ne met-il pas tout le monde d’accord, sauf les anorexiques ?

La foule se pressait dans les allées où les « artisans » tenaient leurs stands revêtus à l’ancienne. Certaines mauvaises langues se demandaient pourtant si les produits vendus étaient aussi authentiques que les vêtements des vendeurs.

Cette année – une première -  La municipalité avait décidé de sacrer une Miss Ventre. La Miss gagnerait cinq saucissons secs, un rôti de veau de un kilo, quatre neufchâtels, deux pots de tripes à la mode de Caen et deux bouteilles de pommeau.

La Mairie n’était pas peu fière de son initiative, mais les critères de sélection de  Miss Ventre et la mise en place du jury avait créé de fortes tensions au sein de l’Equipe municipale et des représentants des commerçants. Il avait finalement été  décidé que le jury serait composé du maire, de l’adjoint à la culture, d’un conseiller municipal de l’opposition et de trois représentants des commerçants.

Cette année-là, le prix  avait sacré Aurélie, 18 ans, 75 kilos, 1 mètre 60, normande d’origine et détentrice d’un CAP boucher. La jeune Miss avait été immortalisée sur le podium par de nombreux photographes amateurs. La pauvre transpirait fort dans  son corselet qui comprimait sa poitrine opulente ; une  jupe de toile rayée et un bonnet serre-tête blanc complétait sa panoplie de Miss.

19 octobre 2014

Duo d'octobre

Toujours  Tom Jones et  " Love is in the air "  pour le deuxième texte du duo, le mien.

 

Où est l’amour ?

 

« Love is in the air », sa fille se passait en boucle cette vieille chanson  que Carole ne pouvait plus supporter.

-          Diminue le son s’il te plaît ou je fais un malheur !

C’est sur cette chanson qu’elle avait rencontré  son premier amour.  « Love is in the air, tu viens danser ? » lui avait-il dit,  et Carole l’avait suivi sur la piste improvisée de la place du village.

Il était beau et la regardait droit dans les yeux. Il  la changeait des lourdauds du village, tous promis  à la ferme de leurs parents. Ceux-là, elle n’en voulait pas. Non. Elle, elle vivrait à Paris, là où les gens se pressaient dans des avenues de lumières, des cinémas, des théâtres, là où l’attendait la vie, la vraie.

« Love is in the air »… la voix grave de Tom Jones avait accompagné leurs tours de piste et elle l’avait aimé, bêtement, simplement.

Il avait maintenu son étreinte à la fin de la danse et lui avait murmuré à l’oreille « love is in the air ». Carole avait voulu qu’il connaisse le champ où elle aimait rêver - celui où, allongée dans l’herbe haute, elle écoutait les cloches des vaches se répondre de vallée en vallée. La fin d’après-midi était belle, le vent léger et ils avaient monté le chemin de terre main dans la main.

Ils avaient fait l’amour derrière un bouquet de noisetiers. Sur le chemin du retour, il lui avait annoncé qu’il repartait le lendemain. Des examens à la fac d’anglais, s’était-il justifié, en ajoutant qu’il avait raté la session de juin.  Et nous ? Avait-elle eu envie de dire, mais ses lèvres étaient restées closes.

Il lui avait demandé son adresse. Pourquoi ? Jamais plus elle n’avait eu de nouvelles de lui.

Allongée sur la banquette, sa fille continuait d’écouter la chanson de Tom Jones en chantonnant les paroles. Ressemblait-elle à son père ? Sans doute, mais comment se souvenir d’un homme absent depuis 18 ans ? « Love is in the air », répétait la jeune fille de façon têtue, oui, l’amour est toujours quelque part, pensa Carole rêveuse, mais où ?

Dans un mois, sa fille rentrerait en fac d’anglais et quitterait le foyer familial…

 

 

17 octobre 2014

Duo d' octobre

Nous poursuivons, avec Caro, nos duos d'écriture, mais ils se feront désormais uniquement sur ce blog.

Pour le mois d'octobre, place à l'amour avec cette inoubliable chanson de Tom Jones - " Love is in the air " - qui a certainement marqué la jeunesse de certains.

Le texte de ce jour est de Caro, le mien paraîtra dimanche.

 

Les chaises musicales

 

— Alors le départ de Luc, ça va ? Tu t'en sors avec la nouvelle ? On ne te voit plus.

Je ne savais pas quoi dire. D’ailleurs, y avait-il quelque chose à commenter ? Je laissai la conversation se déliter, quelques remarques sur son physique, sur son étrangeté ; «  Une vraie rousse tu crois ? ». Et puis Laure la serveuse arriva avec son décolleté fatigué, ses 3 plats du jour et la tête de veau de Gérard.

— Elle s'appelle comment au fait la nouvelle ?

Un grand fracas à deux pas, bruits d'assiettes cassées et vociférations ; la discussion digressa à nouveau. Le prénom de ma nouvelle collègue, avec qui je partage mon bureau de manière intermittente, est Chloé.

Il paraît que je suis un gars plutôt cool. Je ne parle pas des autres, en bien et encore moins en mal. Je distille quelques anecdotes insignifiantes de ma vie pour noyer l'essentiel. « Tiens, je suis passé chez Ikéa la semaine passée, il y a des promos sur les bureaux. » Parfois, je prends un verre avec les collègues et je ne boude pas la soirée « Cochon à la broche » annuelle du CE. Pourtant Chloé, au début, je ne pouvais pas la supporter. Personne ne l'a su, même pas ma petite amie. En fait, rétrospectivement, surtout pas elle.

C’est que Chloé chante tout le temps. Elle arrive et elle a un truc en tête. Souvent quelque chose de moderne que je ne connais pas. Elle est très rock. Enfin, c'est ce qu'elle m'a annoncé, le jour où j'ai découvert Greenday. Et puis, je me suis mis à fredonner avec elle, je rentrais le soir et je m'engueulais avec ma copine qui ne supporte pas ma voix. C’est vrai, je ne suis pas Patriiiick Bruel, chant et physique et le poker. Le matin suivant, j’ai dit à Chloé d'arrêter. Elle s'est d'abord cabrée, a chanté de plus belle, je l'ai détestée. J'ai fui le boulot, les collègues parce que je sentais que je risquais de vraiment pourrir cette fille. Or je ne parle pas des autres, ni en bien, ni en mal.

Quand elle a vu que les engueulades de ma copine envahissaient ma journée à coup de sonneries ininterrompues, Chloé a fait un effort. Elle était là, tassée sur sa chaise, les lèvres serrées. Et je l'entendais. Je la voyais à peine, mais je sentais la musique caresser le silence et finalement le soir, je chantonnais un truc sans queue ni tête, un brouhaha de sons méconnaissable. Ça râlait toujours.

Un jour, je suis arrivé dans l'après-midi. Chloé était là, debout sur sa chaise, cherchant dans le haut de l'armoire un vieux dossier. Elle chantait et, le titre est idiot, pourtant j'ai souri et j'ai éclaté de rire. Le soir, on a dîné ensemble chez elle. « Love is in the air » c'est un peu con comme titre, non.

Après ça je ne suis plus parti en life avec ma copine puisqu'on s'est quitté. Je sors avec Chloé et on croirait que l'on joue aux chaises musicales dans notre bureau. Je ne parle jamais d'elle, ni en bien, ni en mal. Quand un collègue cherche à me tirer les vers du nez, je laisse la conversation mourir. C'est ce qui est bien dans la vie, et mal d’ailleurs, c'est que finalement, peu de gens s'intéressent aux autres. D'ailleurs moi à part Chloé en ce moment... Vous me direz quand on tombe amoureux...

15 octobre 2014

Le « liseur »

Il était assis dans le hall d’entrée du lycée avec un livre - sans doute un roman - ouvert sur les genoux. Il lisait, indifférent aux autres, et peut-être même à lui-même. J’ai failli m’approcher  pour lui demander si, en lisant ainsi au vu et au su de tout le monde, il n’avait pas peur d’être moqué ou harcelé,  mais je me suis retenue. Sans doute la peur de troubler un moment aussi précieux…

13 octobre 2014

Le danseur de flamenco

A force de marteler le sol de ses bottines nerveuses, il était devenu fou. C’était comme si la tête de ses talons résonnait dans son cerveau, jour et nuit, ne lui laissant aucun repos.

Il avait consulté divers spécialistes, aucun n’avait pu atténuer son mal. Un seul lui conseilla d’arrêter le flamenco, en ajoutant.

- Consacrez-vous à la natation, votre équilibre personnel y gagnera.

Il répondit à ce médecin ignare  qu’il ne savait pas nager, que le flamenco était toute sa vie, que son père, son grand-père et son arrière-grand-pères étaient danseurs de flamenco et qu’il n’avait pas vocation à jouer au crapaud.

C’est le mardi qui suivit cette visite qu’il décida d’en finir. On était le 7 octobre -   le jour de l’anniversaire de la mort de son père. A 23 h 30, revêtu de son costume noir, il monta sur le pont Flaubert, avança en martelant le macadam de son « zapateado » inquiet jusqu’à l’endroit choisi, enjamba la balustrade et se jeta dans la Seine.

Personne ne retrouva son corps, mais par moments, quand on s’approche tout près du fleuve gris, on entend des martèlements qui montent des flots.

 

 Daniel Navarro (Italia, Agosto 2012)

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