Duo d'octobre
Toujours Tom Jones et " Love is in the air " pour le deuxième texte du duo, le mien.
Où est l’amour ?
« Love is in the air », sa fille se passait en boucle cette vieille chanson que Carole ne pouvait plus supporter.
- Diminue le son s’il te plaît ou je fais un malheur !
C’est sur cette chanson qu’elle avait rencontré son premier amour. « Love is in the air, tu viens danser ? » lui avait-il dit, et Carole l’avait suivi sur la piste improvisée de la place du village.
Il était beau et la regardait droit dans les yeux. Il la changeait des lourdauds du village, tous promis à la ferme de leurs parents. Ceux-là, elle n’en voulait pas. Non. Elle, elle vivrait à Paris, là où les gens se pressaient dans des avenues de lumières, des cinémas, des théâtres, là où l’attendait la vie, la vraie.
« Love is in the air »… la voix grave de Tom Jones avait accompagné leurs tours de piste et elle l’avait aimé, bêtement, simplement.
Il avait maintenu son étreinte à la fin de la danse et lui avait murmuré à l’oreille « love is in the air ». Carole avait voulu qu’il connaisse le champ où elle aimait rêver - celui où, allongée dans l’herbe haute, elle écoutait les cloches des vaches se répondre de vallée en vallée. La fin d’après-midi était belle, le vent léger et ils avaient monté le chemin de terre main dans la main.
Ils avaient fait l’amour derrière un bouquet de noisetiers. Sur le chemin du retour, il lui avait annoncé qu’il repartait le lendemain. Des examens à la fac d’anglais, s’était-il justifié, en ajoutant qu’il avait raté la session de juin. Et nous ? Avait-elle eu envie de dire, mais ses lèvres étaient restées closes.
Il lui avait demandé son adresse. Pourquoi ? Jamais plus elle n’avait eu de nouvelles de lui.
Allongée sur la banquette, sa fille continuait d’écouter la chanson de Tom Jones en chantonnant les paroles. Ressemblait-elle à son père ? Sans doute, mais comment se souvenir d’un homme absent depuis 18 ans ? « Love is in the air », répétait la jeune fille de façon têtue, oui, l’amour est toujours quelque part, pensa Carole rêveuse, mais où ?
Dans un mois, sa fille rentrerait en fac d’anglais et quitterait le foyer familial…