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Presquevoix...
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31 janvier 2010

L’auto-stoppeur

Le type s’était arrêté à trois mètres de lui. Un coupé rouge, rutilant, avec des peaux de zèbres à l’avant et  l’arrière.
- Je vais à Avignon, lui fit-il en arborant son plus beau sourire dégoulinant de pluie.
- Moi aussi, montez !
Génial, il allait pouvoir se la couler douce pendant quatre heures. Finis le froid et la flotte. Après avoir mis son sac à dos à l’arrière, il s’installa confortablement sur le siège avant et le type démarra. Pas de bruit de moteur. L’impression, à 140 à l’heure, d’être à 90, une voiture extra. Après un quart d’heure de conversation poussive – personne n’avait vraiment envie de parler – le conducteur lui demanda s’il pouvait mettre de la musique. Il répondit que oui. Une grossière erreur. Le type commença à mettre en boucle Garou
« Aimer d’amour c’est aimer comme moi je t’aime/ Depuis que tu es là je ne pense qu’à toi/ tu prends tout mon temps, tu es tout ce que j’attends/J’ai besoin de t’aimer… » disait la première chanson ; la deuxième, tout aussi niaise énonçait « Vouloir tout voir et vivre /C'est plus fort que moi /Aimer ce qui me tue / C'est plus fort que moi / Cette ombre qui me suit / C'est plus fort que moi ..." Le conducteur fredonnait en même temps avec une voix de fausset qui lui vrillait le tympan gauche. Malgré tout, il  finit par s'endormir. Deux heures plus tard le type le réveilla. Ils étaient presque arrivés.
- Où je vous laisse ? lui demanda-t-il.
- N’importe où, répondit-il la voix ensommeillée alors qu’une vive douleur lui laminait la tête.
Il  remercia en grimaçant. Une fois la voiture partie, il regarda autour de lui l’air défait. Il devait être à la périphérie d’Avignon, un marteau piqueur lui défonçait le crâne et il recommençait à déluger.
- Putain de Garou à la con !!! gueula-t-il  en remettant son sac sur le dos et en marchant en direction du centre ville.

30 janvier 2010

Illusion

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Voilà une débutante,
juste une promesse.
Un silence à dos nu
sur un sentier d’été,
un mensonge de bonheur.

PS : photo de C.V. prise à Coimbra en juillet 2007

29 janvier 2010

Les excès de vitesse

C’est la troisième fois en un mois que j’ai une amende. Je crois que j’ai la poisse. Je respecte les limitations de vitesse, mais jamais assez. La dernière fois je roulais à 53 au lieu de 50 ! Les vicieux. Il faut être pervers pour être flic, j’espère que mon fils ne voudra jamais entrer dans la police. Quand mon mari a découvert le pot au rose en ouvrant l’enveloppe fatidique,  il a failli s’étouffer :
- Un comble, c’est moi qui prends le vélo et c’est moi qui ai les points en moins sur mon permis !
Pas de chance, on lui avait enlevé les points à lui, pourquoi ? J’ai essayé de négocier avec qui de droit mais rien à faire, ils sont inflexibles ces andouilles.  Mon mari m’en veut à mort, du coup il m’a retiré mon permis et les clefs de la voiture. Il m’a dit furieux :
- Maintenant à ton tour de prendre le vélo ! Quitte à avoir des points en moins, je préfère les perdre moi-même !
Depuis qu’il ne fait plus de vélo, il a grossi de 6 kilos. Moi, je ne dis rien, je me contente de constater les dommages collatéraux.

28 janvier 2010

Le jogging

Mercredi dernier, comme tous les mercredis je suis partie courir en forêt. C’est une toute petite forêt aménagée où les étudiants font leur jogging. J’y suis allée plus tard que d’habitude, il devait être 16 heures, et la lumière commençait à décliner. J’ai garé la voiture non loin de la cité universitaire et j’ai commencé mon parcours en trottinant. Je ne vais jamais très vite, l’âge je crois. Au bout de dix minutes de foulées poussives, je me suis retrouvée au cœur du petit bois et c’est à ce moment là que j’ai entendu un bruit suspect derrière moi, comme des feuillages qu’on aurait ouverts brutalement. Je me suis retournée et je l’ai vu, l’homme nu. J’ai poussé un hurlement et j’ai immédiatement détalé. Plus j’accélérais, plus le type accélérait, j’entendais presque ses pas derrière les miens. J’avais le souffle court et je sentais que ma cheville droite allait flancher ; ma dernière heure était venue. Je n’osais pas me retourner. Soudain,  le type s’est mis à pousser des cris de bêtes, de plus en plus fort ; mon cœur allait lâcher, c’était sûr, je ne pourrais pas tenir jusqu’à la route. Et c’est à ce moment là que j’ai pensé à ma bombe. J’ai brusquement pilé, j’ai fait volte face, j’ai poussé un cri à déchirer les tympans d’un sourd et je lui ai envoyé un coup de bombe lacrymogène dans la gueule. Quand j’ai vu le visage du type, le ciel m’est tombé sur la tête : c’était mon patron. Nu comme un ver, il s’agitait de façon démoniaque et déversait un flot d’injures à mon égard. Sous l’effet de la surprise, je n’ai pas su quoi dire à part :
- Mais… mais qu’est-ce que vous faites là dans cette tenue ?
- Qu’est-ce que ça peut vous foutre, a-t-il réussi à articuler, allez plutôt me chercher une couverture ou  je vous fous à la porte de la boîte.
Je n’ai pas demandé mon reste, j’ai couru jusqu’à la voiture, j’ai sorti la vieille couverture léopard que je garde toujours au cas où, et je la lui ai rapportée au pas de course. Il a enroulé son corps transi dedans et m’a dit d’un ton qui n’admettait aucune réplique :
- Et pas un mot au travail ou je vous fous dehors !
J’ai failli pouffer de rire en voyant le tableau pitoyable qu’il offrait, mais j’ai réussi à me contenir et je l’ai assuré qu’il pouvait compter sur ma discrétion. Seulement maintenant, à chaque fois que je le croise dans son costume trois pièces qui tombe impeccablement,  je ne peux m’empêcher de le revoir nu, enveloppé dans ma couverture léopard, et je me demande toujours ce qu’il faisait dans le bois, nu, à cette heure de l’après midi…

27 janvier 2010

Le bavard

C’était un bavard compulsif. Un jour, alors qu’il m’entretenait de problèmes futiles, comme à son habitude, la communication a coupé. J’ai bien essayé de le rappeler, en vain ; il continuait à parler sans moi… J’ai fait une deuxième tentative, occupé ; une troisième, toujours occupé.
C’est lui qui a fini par me rappeler. Il faut dire qu’au bout de 15 minutes il m’avait posé une question et s’était étonné de ne pas avoir de réponse !

26 janvier 2010

Le double de la moitié

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Chacun cherche l’autre
Porte-bonheur
du leurre

PS : photo de C.V. prise à Venise en Avril  2005

25 janvier 2010

Interdit de mourir

Sur le blog je-double,  un texte de gballand, illustré par un photomontage de Patrick Cassagnes

« Quand elle avait lu l’écriteau – "interdit de mourir" -  à l’entrée du chantier, elle s’était demandée qui avait bien pu placer ça là… » Pour lire la suite, c’est ici !

24 janvier 2010

Comment chanter juste ?

Il avait toujours chanté faux, d’ailleurs combien de notes avait-il au juste à l’arc de sa voix ? Ne reproduisait-il pas toujours le même son du début à la fin d’une chanson ? C’était sa plus grande souffrance, son drame. Le jour où il  rencontra Cécile, dans un cours de théâtre amateur, et où elle lui demanda de chanter avec lui une malheureuse petite ritournelle que le premier imbécile venu aurait pu chanter, il inventa une excuse stupide et partit à toutes jambes ; pourtant Cécile lui plaisait comme aucune femme ne lui avait jamais plu. Une demi-heure plus tard, quand il revint, elle était déjà avec un autre type de l’atelier théâtre, souriante, ses cheveux n’étaient plus attachés mais dénoués, et ils chantaient en duo. Les regards qu’ils échangeaient, il n’était pas prêt de les oublier…
Un mois plus tard il abandonnait le théâtre et s’inscrivait dans un cours de chant.

PS : texte écrit à partir de la chanson « desafinado » de Tom Jobim. Un « desafinado » est un homme qui chante faux. Une bossa qui a le charme du désespoir…

23 janvier 2010

Le doigt dans le bol de thé

Après avoir sorti le bol du four à micro ondes, elle avait trempé son doigt dans l’eau pour voir si elle était assez chaude, elle avait mis le sachet de thé dans le bol - comme si de rien n’était - puis elle lui avait posé le bol devant lui. Ecœuré, il s’était obligé à boire le breuvage, comme si de rien n’était. Il faisait souvent comme si de rien n’était. Elle aussi. Elle eut une gastro-entérite, lui aussi.
Il mit trois semaines à se rétablir, elle mit une semaine. Il pensa que décidément sa mère ne le laisserait jamais en paix.

22 janvier 2010

Le tiroir de la table de nuit

Le jour où elle décida de changer sa table de nuit, il lui fallut faire le vide. On ne se débarrasse jamais à la légère de 20 ans d’entassement.
Elle fit le tri et faillit se perdre ; il est toujours douloureux de gratter les fonds de tiroir. Une fois le tri achevé, elle revint à la lettre et aux deux articles jaunis qu’elle avait laissés de côté. Le papier à lettre était couvert d’une écriture illisible, elle lut juste l’en-tête :
Rouen, le 3 février 1995
A toi,

et la signature :
« Martin »

Martin qui ? Se demanda-t-elle. Quant aux coupures de journaux, la première énonçait, lapidaire « Le corps d’un homme inconnu a été repêché dans la Seine, non loin de La Bouille. » tandis que la deuxième précisait « Le corps repêché à La Bouille le 6 février a été identifié, il s’agit de M. Martin Lavergne, professeur de français au collège Barbey d’ Aurevilly à Rouen … »
Elle fut soudain secouée de sanglots interminables. Martin était enterré dans le tiroir de sa table de nuit depuis 15 ans et elle l’avait oublié.  C’était la première fois depuis 15 ans qu’elle pleurait Martin.

PS : texte inspiré par un commentaire de « caro-carito » du blog « les heures de coton ».

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