L’auto-stoppeur
Le type s’était arrêté à trois mètres de lui. Un coupé rouge, rutilant, avec des peaux de zèbres à l’avant et l’arrière.
- Je vais à Avignon, lui fit-il en arborant son plus beau sourire dégoulinant de pluie.
- Moi aussi, montez !
Génial, il allait pouvoir se la couler douce pendant quatre heures. Finis le froid et la flotte. Après avoir mis son sac à dos à l’arrière, il s’installa confortablement sur le siège avant et le type démarra. Pas de bruit de moteur. L’impression, à 140 à l’heure, d’être à 90, une voiture extra. Après un quart d’heure de conversation poussive – personne n’avait vraiment envie de parler – le conducteur lui demanda s’il pouvait mettre de la musique. Il répondit que oui. Une grossière erreur. Le type commença à mettre en boucle Garou « Aimer d’amour c’est aimer comme moi je t’aime/ Depuis que tu es là je ne pense qu’à toi/ tu prends tout mon temps, tu es tout ce que j’attends/J’ai besoin de t’aimer… » disait la première chanson ; la deuxième, tout aussi niaise énonçait « Vouloir tout voir et vivre /C'est plus fort que moi /Aimer ce qui me tue / C'est plus fort que moi / Cette ombre qui me suit / C'est plus fort que moi ..." Le conducteur fredonnait en même temps avec une voix de fausset qui lui vrillait le tympan gauche. Malgré tout, il finit par s'endormir. Deux heures plus tard le type le réveilla. Ils étaient presque arrivés.
- Où je vous laisse ? lui demanda-t-il.
- N’importe où, répondit-il la voix ensommeillée alors qu’une vive douleur lui laminait la tête.
Il remercia en grimaçant. Une fois la voiture partie, il regarda autour de lui l’air défait. Il devait être à la périphérie d’Avignon, un marteau piqueur lui défonçait le crâne et il recommençait à déluger.
- Putain de Garou à la con !!! gueula-t-il en remettant son sac sur le dos et en marchant en direction du centre ville.