Le tiroir de la table de nuit
Le jour où elle décida de changer sa table de nuit, il lui fallut faire le vide. On ne se débarrasse jamais à la légère de 20 ans d’entassement.
Elle fit le tri et faillit se perdre ; il est toujours douloureux de gratter les fonds de tiroir. Une fois le tri achevé, elle revint à la lettre et aux deux articles jaunis qu’elle avait laissés de côté. Le papier à lettre était couvert d’une écriture illisible, elle lut juste l’en-tête :
Rouen, le 3 février 1995
A toi,
et la signature :
« Martin »
Martin qui ? Se demanda-t-elle. Quant aux coupures de journaux, la première énonçait, lapidaire « Le corps d’un homme inconnu a été repêché dans la Seine, non loin de La Bouille. » tandis que la deuxième précisait « Le corps repêché à La Bouille le 6 février a été identifié, il s’agit de M. Martin Lavergne, professeur de français au collège Barbey d’ Aurevilly à Rouen … »
Elle fut soudain secouée de sanglots interminables. Martin était enterré dans le tiroir de sa table de nuit depuis 15 ans et elle l’avait oublié. C’était la première fois depuis 15 ans qu’elle pleurait Martin.
PS : texte inspiré par un commentaire de « caro-carito » du blog « les heures de coton ».