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Presquevoix...

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8 juillet 2021

Entre la vie et la mort

Il lui avait dit, à la terrasse du café où ils s’installaient chaque matin, une chose bien étrange.

-          Cinq minutes avant de mourir, Marie vivait encore, c’est dingue !

-          Et alors ? Avait-elle répondu.

Il l’avait regardée l’air hébété, ce qui avait obligé sa compagne à lui dire.

-          Remets-toi Pierre, tu es vivant.

Et, comme d’habitude, Il avait enchaîné avec sa grande litanie  : aucune empathie, tu ne penses qu’à toi, la vie des autres ne t’intéresse pas, tu ne penses qu’à lire et à jouer du piano etc. A la fin de cette longue liste, elle avait conclu.

-          Bon, si on allait au cinéma, ça nous changerait les idées, non ?

Et là, il s’était levé et l’avait quittée sans lui dire aurevoir. Soudain elle s'était dit, effrayée : «  Et si cinq minutes après son départ il mourait ? »

PS : prochain texte, lundi.

5 juillet 2021

Le thanatopracteur

Un beau métier thanatopracteur, mais pourquoi l’avait-il choisi ? Il fallut attendre ses 50 ans pour le savoir. Certains auraient préféré ne rien savoir du tout ; hélas, un sordide fait divers peut parfois nous obliger à  commencer un voyage éprouvant dans l’intimité d’un proche.

William – appelons le ainsi – aimait les  défuntes et, il s’avéra qu’il avait une attention toute particulière pour leur corps. Certes, William n’était pas marié et n’avait pas d’enfants, mais qui aurait pu imaginer que sa vie sexuelle se limitait au plaisir qu’il ressentait  lors de ces curieuses étreintes vécues avec ces  vieilles dames disparues ?

PS : prochain texte, jeudi.

28 juin 2021

Souvenir

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Il avait dit à sa mère que cette année, ils iraient à l’Ehpad de la plage. Un petit cabanon pour l’après-midi, mais où elle serait bien. Sa mère avait souri. Il avait précisé que le cabanon était à Criel sur mer, une petite plage de Normandie où elle était déjà allée avec eux, lorsqu’ils étaient enfants.

-          Et on y fera quoi ? avait-elle répondu.

-          Rien, on regardera la mer et on écoutera les goélands, c’est tout. Tu verras, tu seras bien.

-          On ira tous les deux ?

-          Oui, mais pas longtemps, une semaine, juste pour que tu revoies la plage et que tu connaisses l’Ehpad.

Elle avait accepté car Criel lui rappelait son père ; pourtant jamais sa famille n’était partie en vacances. Seulement ce père n’aimait qu’elle, répétait-elle souvent. Son fils se demandait comment un père ne pouvait aimer qu’un seul enfant, mais jamais il ne le lui avait dit. Accepter qu’elle soit la seule aimer, la seule intelligente était une petite concession, si petite, qu’elle ne faisait de mal à personne.

Quand ils arrivèrent à Criel, le 25 juin, par une journée pluvieuse - comme elles le sont souvent en Normandie, même l’été - elle éclata de rire.

-          C’est là.

-          Là où ?

-          Là où mon père m’a dit que j’étais sa préférée.

-          Tu ne crois pas que c’était papa, plutôt, qui t’a dit ça ?

-          Ton père ? Tu plaisantes. Si j’étais sa préférée, il viendrait avec moi à Criel.

Il ne répondit pas. A quoi cela servait-il de lui dire que son mari était mort il y a 30 ans ?

 

PS : photo prise à Criel sur mer, vendredi dernier, et il bruinait. Prochain texte, lundi prochain.

24 juin 2021

Le jardin

 

-          Je peux aller faire pipi ? avait dit l’enfant dans le train.

-          Tu te fous de moi, avait répondu sa mère, t’as déjà fait il y a une heure !

L’enfant n’avait rien répondu. Il avait l’habitude. Tant pis, il ferait pipi dans sa culotte, comme cela lui arrivait parfois, mais là, sa mère lui dirait devant tout le monde que c’était un « trou du cul, comme son père » et elle continuerait jusqu’à la fin du voyage qui était long, très long, car la maison de son père était à 50 kms de celle de sa mère. Une maison qui ne ressemblait pas à une maison mais au moins, là-bas, il avait la paix. Son père travaillait non loin d’un très grand jardin, un jardin où les femmes ne ressemblaient pas à sa mère, un jardin où il faisait bon rêver à un autre monde…

 

 Prochain texte : lundi.

21 juin 2021

Il était une foi…

Abandonner son métier pour répondre à l’appel du seigneur, pourquoi pas ? Il faut dire que son métier- le même depuis trois ans - il le détestait. Peut être serait-il plus tranquille avec le seigneur qu’avec son patron ?

Cette idée lui était venue en entendant un prêtre dire sur une chaîne cathodique catholique : « Dieu continue à appeler, certains ont l’audace d’y répondre. » Oui, pourquoi n’aurait-il pas l’audace, lui ? Pourquoi ne quitterait-il pas son patron en lui annonçant – la paix en lui -  qu’il allait rencontrer Dieu pour en finir avec son travail d’esclave.

Il faut dire que la restauration – il travaillait dans un grand restaurant parisien – attirait certes de nombreux clients fidèles, mais faisait fuir les employés dont les salaires évoluaient moins vite que les menus proposés par la direction ; sans parler des horaires qui eux, décourageaient même les  irréductibles.

Dieu serait-il un bon restaurateur ? Et lui, saurait-il accueillir les paroissiens mieux que les clients, car c’est tout de même le reproche que lui avait fait son « chef spirituel », le directeur du restaurant « au plaisir des sens ».

-          Le jour où tu seras aimable avec les clients, je penserai peut-être à t’augmenter. Le plaisir des sens, c’est d’abord et avant tout le sourire !

Il n’avait rien répondu ou plutôt, il avait dit bouche mi-fermée : « le sourire est à la hauteur du salaire versé ».

 

PS : prochain texte, jeudi.

 

 

 

 

17 juin 2021

Le bonheur

Il prétendait vouloir le bonheur mais il était accroché au malheur et souhaitait accrocher sa « chère épouse »  dans le même radeau. Quand elle le lui a dit, il l’a immédiatement traitée de sale égoiste incapable d’écouter l’autre.

-          Egoïste, moi ? lui a-t-elle dit. Tu te souviens de ce que disait le Christ : « Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

-          Tu te fous de moi Mariane ? Voilà que tu te prends pour le Christ. Je te rappelle que Jésus était un homme, pas une femme.

-          Qu’en sais-tu ? Jésus aurait sûrement été trans aujourd’hui. Car il n’y a que les femmes pour pouvoir avaler autant de couleuvres qu’il en a avalées !

Et elle est partie en lui claquant la porte au nez.

Quel bonheur de marcher dans les rues sans lui. Profiter de l’instant présent, sentir l’air du soir, écouter les oiseaux et le bruissement de leurs ailes dans la ville qui se préparait à la douceur de la nuit…

 

PS : prochain texte, lundi.

14 juin 2021

Le grand marché

Assise dans la salle avec moi, cinq autres filles, en rang d'oignon, elles remplissent gentiment leur fiche, nom, prénom, numéro de téléphone, centres d'intérêts... sans intérêt tout ça, j'en suis plus que convaincue. Dommage, il est trop tard, j'ai payé. parfois, il suffit de payer pour se rendre compte que ce qu'on fait on ne devrait pas le faire. Un type nous distribue un badge où on mettra notre prénom et notre numéro d'identification, comme à la sécurité sociale ; d'ailleurs si je suis là, c'est par sécurité, pour guérir. Guérir de mon incapacité à rencontrer un homme. J'espère beaucoup. J'attends peu. Je me dis même : pourquoi vouloir rencontrer un homme ? L'habitude sans doute, c'est ce qu'on fait en général, à mon âge, quoique... J'observe les autres. Mignonnes, habillées avec leur goût qui n'est pas le mien, ça ne dépasse pas les 35, sauf une. J'arrête de les regarder, ce n'est pas le moment de me dévaloriser, le grand marché de l'amour va commencer...

 

PS : prochain texte, jeudi.

10 juin 2021

La gifle

Il l’avait giflée la veille, pour la première fois -  avoir été trompé vaut bien une gifle, non ? - et elle la  lui avait rendue.

-          J’aurais pu porter plainte, avait -elle dit.

-          Certes. Mais tu m’as trompé.

-          Et alors ? Nous ne sommes pas mariés que je sache.

-          Oui, mais tu m’as poussé à bout.

Pousser quelqu’un à bout ? Elle ? Il déraillait le pauvre. Peut-être avait-il des problèmes au travail ? Ou alors, pire, il devenait  parano. Il faudrait qu’elle demande à Pierre, l’ami d’enfance de son compagnon, ce qu'il en pensait. Mais impossible, parce que Pierre, depuis le mois dernier, était devenu son amant. Certes, elle aurait dû mieux choisir. Prendre pour amant le meilleur ami de son conjoint n’était pas la meilleure solution et il y en aurait eu tant d’autres à choisir. Mais Pierre était triste - si triste -  et il avait pleuré dans ses bras. Elle aurait juste pu le consoler, bien sûr, mais il avait fini par l’embrasser, ou était-ce elle ? Il est vrai qu’il y a bien longtemps qu’elle observait Pierre. Il ressemblait à quelqu’un – mais qui ? – et il avait de si jolies fossettes qui traçaient un chemin vers des secrets intimes…

PS : prochain texte, lundi.

7 juin 2021

Mais quand ?

Juste avant le repas du soir, avec un doigt de porto -  ce breuvage des Dieux qui parfois nous conduit sur le chemin des confidences - il lui avait dit.

-          Ma mère pourrait au moins avoir la décence de mourir rapidement, mais non ! En plus, elle fait semblant de mourir une fois par mois et ensuite, hop, elle repart comme si de rien n’était. Elle m’épuise, sans parler de sa maison de retraite qui me coûte la peau du cul !

Elle n’avait rien répondu. Que dire à un fils exaspéré par sa mère depuis la nuit des temps ?

Depuis cette confidence, il allait voir sa mère tous les quinze jours avec un faux test PCR. Sans doute une solution pour la faire disparaître afin qu’il puisse enfin courir des jours tranquilles…

3 juin 2021

Les soucis

Pour la nième fois du mois, une vendeuse lui avait répondu « pas de soucis » alors qu’il n’y avait aucune raison de le lui dire puisqu’elle demandait simplement une baguette en plus du pain au chocolat. Hélas pour la vendeuse, ce jour là – un très mauvais jour car elle avait eu une petite saute d’humeur avec un élève qui lui avait dit « gentiment » que son devoir n’avait pas été évalué comme il aurait dû l’être et qu’il valait bien plus que l’ « injuste » 10/20 donné – les soucis pleuvaient et elle répondit.

-          Eh bien, vous avez de la chance de ne pas avoir de soucis, parce que moi, j’en ai des tonnes !

Et elle fit la liste de tous ses soucis, une très longue liste que la vendeuse, malgré le masque qui cachait son visage, sembla très mal supporter. Une fois la liste terminée, elle lui répondit épuisée « Bon courage madame », ce qui la fit sourire et l’obligea à lui dire.

-          Excusez-moi mademoiselle de vous créer des soucis.

Oui, il fallait qu’elle se calme, vraiment, sinon elle ne terminerait pas cette merveilleuse année COVID 19 !

 

PS : prochain texte, lundi.

 

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