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Presquevoix...
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31 octobre 2022

Aurore

Aurore, c’est le nom de ma femme de ménage. Si je la fais venir, Aurore, c’est pour une raison très simple : je ne réussis jamais à unir la poussière à mon chiffon. C’est juste pour ça que je la paie. A vrai dire, ses séances de ménage chez moi sont très rapides. En général, ça dure vingt minutes et comme elle n’a rien à faire pendant  une heure et 40 minutes, elle parle Aurore, elle parle, elle parle... mais moi je n’ai pas de chiffon pour essuyer la parole des autres, alors Aurore envahit mon espace mental. Oui, Aurore, pour moi, ce n’est pas l’aurore, non, pas du tout, c’est l’horreur de ma nuit cérébral…

PS : prochain texte, jeudi.

26 octobre 2022

Le presque fou

Il hurlait debout sur le banc en face de l’hôtel de ville.

-  Il nous faut un psychanalyste du monde !

C’est à ce moment-là qu’une vieille dame est arrivée.

- Vous voulez un psychanalyste, me voici.

- Oui, mais un psychanalyste du monde !

Elle l’a regardé un instant puis a ajouté.

-          Impossible, le monde met trop de temps à être psychanalysé.

-          Pourquoi ?

-          Réfléchissez. Mais vous par contre, je peux. Allongez-vous.

-          Moi, m’allonger, a balbutié le type en relevant son pantalon tombé  à ses chevilles.

-          Oui, allez – y.

Ce qu’il a  fait et elle a placé derrière lui son mini siège qui l’accompagnait partout.

-          Je vous écoute.

-          Rien à dire.

-          J’ai le temps. Respirez lentement et détendez-vous.

Cette étrange séance a duré une heure et autour du banc un cercle de gens s’est formé, puis deux, trois, quatre…  et, à la fin de cette heure étonnante, la vieille dame a juste dit.

- On va s’arrêter là, mais vous qui êtes autour de nous, pouvez-vous, après le son que je vous donnerai, mettre en place une multitude de sons qui nous permettront de voyager un temps ensemble à l’intérieur de nous et, lorsque nous serons fatigués, nous laisserons peu à peu entrer le silence en nous, et  puis nous partirons lentement vers l’endroit où nous souhaitons aller. Merci à vous.

C’est ainsi que tous ont fait. Même le presque fou, qui est passé de la position allongée à la position assise, étonné de voir ce cercle d’humains autour du banc.

Et vous, lecteurs, savez-vous où il est allé ? Non ? Eh bien, dans son lit où il s’est endormi comme un bébé pour faire une longue sieste, la plus longue qu’il ait jamais faite. Et, ensuite, il a téléphoné à la dernière survivante de sa famille, sa sœur, et il lui a dit tout simplement : Dix ans ans que nous ne nous sommes pas vus, pourquoi ne pas nous revoir ?

 

PS : prochain texte, lundi.

 

23 octobre 2022

Les coups

Cette fois, elle avait fait fort et elle en était fière. D’habitude, elle donnait un petit coup ici ou là, pour se mettre en forme et pour faire sortir d’elle cette haine du monde. Oui, pourquoi tant de haine jour après jour alors qu'elle n'avait pas trente ans ? Elle se demandait si tout n'avait pas commencé dès l’école primaire. La première fois, quand l’institutrice lui avait demandé d’arrêter de chanter parce qu’elle faisait des fausses notes. Elle lui avait dit exactement.

-          Quand on chante comme toi, on se tait. Tu nous gâches la chanson. Alors lis et ça suffira !

La deuxième fois, quand la même institutrice l’avait mise au piquet parce qu’elle avait coupé une mèche blonde de son amie Marie qui se moquait toujours d’elle. Une mèche, mais c’est quoi une mèche ? Un petit bout d’une touffe, rien de plus, et la touffe de Marie, c’était une très grosse touffe. Elle enviait ses cheveux longs, blonds et épais à l’opposé de ses baguettes de tambour à elle.

Depuis ce temps-là, elle avait détesté l’institutrice et peut-être aussi les femmes, surtout celles qui avaient de longs cheveux blonds.

La semaine dernière, elle avait décidé de s’acheter un fouet au magasin de farces et attrapes et, avec cet instrument, venu d’un autre temps, elle s’était entraînée à donner de petits coups. Elle avait d’abord choisi les murs, les chaises, les tables et, une fois que jambes et mains fonctionnaient bien, elle était sortie avec son fouet. Direction, les rues de la grande ville, et là, elle verrait bien ce qui lui passerait par la tête…

 

PS : prochain texte : mercredi.

18 octobre 2022

Le plan

Quand Marie a téléphoné à Séverine pour lui demander si elle pouvait passer pour bavarder, celle-ci lui a répondu.

-          Oui bien sûr, il est allé voir son plan cul.

Elles habitaient toutes deux dans la même rue, celle des hirondelles.

Marie lui a demandé.

-          Quand tu dis plan cul Séverine, tu veux dire que Mathieu a une maîtresse ?

-          Non, pas une, plusieurs.

-          Et toi ? Rien ?

-          Moi, je me repose. Tu comprends je préfère qu’il ait plusieurs plans cul plutôt que de le supporter tous les soirs. Il est fatigant, sexuellement parlant, et pas que.

Marie s’est étonnée de la réponse de son amie. Jamais elle n’aurait imaginé que Mathieu avait des plans cul. Lui toujours si classe dans son costume bleu avec sa chemise blanche. Mais oui, même les chefs du personnel pouvaient avoir de fréquents plans cul. Mathieu ne lui avait jamais rien proposé, à elle, et heureusement, car il n’est pas simple d’avoir pour amant de mari de sa meilleure amie. Et puis elle, les plans cul, elle les fuyait. Quand elle rentrait du travail – elle était professeur de management et s’occupait de formation pour adultes – elle s’affalait dans son canapé avec une bière et elle allumait la télé.

Une fin d’après-midi, alors qu’elles buvaient ensemble une petite bière, elle avait fini par dire à Séverine.

-          Tu as raison de te reposer. Mieux vaut une bonne bière qu’un plan cul.

-          N’est-ce pas ! avait répondu Séverine en prenant une deuxième bière.

Sauf, qu’un jour, Mathieu a sonné chez elle. Il l’a saluée, aimable comme à son habitude, et lui a demandé.

-          Excuse-moi de sonner chez toi Marie, mais Séverine m’inquiète.

-          Ah bon, pourquoi ?

-          Elle boit beaucoup de bières et…

Marie a souri et a conclu.

-          Tu préfères qu’elle boive de la bière ou qu’elle ait des plans cul ?

Mathieu l’a regardée, interloqué et a fini par dire.

-          Je ne comprends pas.

-          Eh bien parles-en à ta femme et elle t’expliquera. Moi, je ne peux pas, je suis célibataire et les couples, je n’y comprends rien.

-          Justement.

-          Justement quoi ?

-          Je peux rentrer ?

-          Euh, pour quoi faire ?

-          Pour qu’on parle de ce petit problème, lui a-t-il dit en lançant un regard qui lui a presque semblé lubrique.

Mathieu n’a pas insisté. Il l’a tout de même longuement regardé Séverine, puis a dit.

-          Bon, je ne veux pas t’embêter, mais quand même, ce cul qui revient en permanence, ça m’inquiète ; vous cultivez l’absurde toutes les deux, c’est ça ?

-          On cultive le jardin qu’on peut Mathieu. Certains préfèrent les cucurbitacées, d’autres le curcuma ou le curry ; je crois qu’il vaut mieux ne pas être trop curieux du goût des autres, si tu veux mon avis.

Mathieu lui a souhaité une bonne soirée et est reparti, dépité. Le lendemain, Séverine lui a téléphoné pour la remercier.

-          Bravo. Après être allé chez toi, Mathieu s’est couché et n’a même pas mangé. J’ai même pu suivre ma série « En thérapie » en silence. Je ne sais pas ce que tu lui as dit, mais bravo, vraiment. Après le management tu devrais te reconvertir dans le coaching, je t’assure, tu as un don. A demain, si tu veux, car il aura son plan cul.

Séverine lui a souhaité une bonne journée et s’est dit que oui, le coaching, pourquoi pas, parce que le management, elle n’en pouvait plus, vraiment plus ; mais elle s’est aussi dit que Séverine devait filer un mauvais coton et que ces histoires de cul lui montaient à la tête…

PS : pochain texte, dimanche.

14 octobre 2022

L’héritage

Elle avait décidé de léguer son héritage à son chien, le seul qui méritait son bien. Sauf que son notaire lui avait dit que ce n’était pas possible car son chien n’était pas une personne juridique.

-          Et alors ? avait-elle répondu d’un ton agressif.

-          Alors, il ne peut pas détenir de patrimoine financier ou mobilier.

Elle en aurait pleuré. En voyant le mur de silence qu’était devenue sa cliente, le notaire finit par lui dire.

-          Pourquoi ne pas faire un don à une association ?

-          Quelle association ?

-          Je ne sais pas, moi : les petits frères des pauvres, la lutte contre le cancer, SOS femmes battues, SOS amitié...

-          L’amitié, ne m’en parlez surtout pas. ZERO.

Le notaire commençait à en avoir assez de cette cliente qui occupait son espace, son temps et diminuait son chiffre d’affaire.

-          Ecoutez madame. Je suis notaire, pas psychologue. Donc, le mieux pour vous, je crois, c’est d’ouvrir les vannes.

-          Mais c’est quoi maintenant cette histoire de vannes ?

-          Je veux dire parler de tout ce qui vous préoccupe à quelqu’un dont c’est le métier.

Elle observa le notaire et remarqua que ce monsieur en costume avec des chaussures noires et pointues avait un je ne sais quoi de son chien. Peut-être les bajoues ? Ou le nez, un peu aplati, ou peut-être cette façon de regarder avec un œil de cocker. C’est sans doute pour cette raison qu’elle conclut.

-          Merci jeune homme. Je vais réfléchir à la chose et je vous recontacterai. Je trouve que vous avez du chien en vous, on ne vous l’a jamais dit ?

Le notaire ne répondit rien, mais il fit un rapide calcul et se dit que c’était la deuxième cinglée qu’il accueillait en ce jeudi d’octobre. Décidément, le monde allait mal, très mal !

 PS : prochain texte, mardi.

10 octobre 2022

Entretien

A la fin de l’entretien, il a regardé la jeune femme en souriant et lui a dit.

-          Je prendrai langue avec vous dans quelque temps.

Elle lui a répondu en haussant le ton.

-          Monsieur, je ne prends langue qu’avec qui je veux, quand je veux, et certainement pas avec vous.

Il  a conclu.

-          C’est une expression, mademoiselle, et elle signifie « prendre contact avec vous. » Il se trouve que maintenant, je n’ai plus envie de prendre langue avec vous, moi non plus. Bon courage pour votre recherche de travail.

Elle est sortie  en grognant un « merde aux cons » qu’il n’a pas entendu. En rentrant chez elle, elle a fait une recherche sur internet pour vérifier la définition de « prendre langue avec quelqu’un » et a trouvé : Prendre contact avec quelqu'un, entrer en pourparlers.

 D’accord, il avait raison, mais elle aussi, non ? Tous ces petits chefaillons  étaient on ne peut plus désagréables avec leur supériorité mal placée !

 

PS : prochain texte, vendredi.

3 octobre 2022

les deux chemins

Elle ressemblait à un chien de garde, étrange femme. Je ne m’arrêtais jamais pour lui parler, de peur qu’elle ne gâche ma journée - nos vies sont si courtes - jusqu’au jour où j’ai cédé à ma curiosité. Sans doute ce désir permanent qui est le mien de voir ce qu’il y a derrière le paravent de l’apparence.

Je lui ai donc dit « Bonjour » car elle s’était arrêtée avec ses deux sacs de courses. " Belle journée, ai-je ajouté "  – je n’ai aucune imagination. Aucune réponse. Je lui ai demandé si elle souhaitait de l’aide et là, elle a répondu : «  Oui merci ! »

J’ai failli tomber à la renverse. Deux ans que je la voyais et qu’elle répondait à peine à mes bonjour. J’ai pris l’un de ses sacs – très lourd, je me demandais d’ailleurs ce qu’il y avait dedans – elle a pris l’autre et nous avons marché jusqu’à son lointain immeuble.

-          Vous voulez monter ?

-          Je ne voudrais pas vous déranger, lui ai-je dit poliment.

Elle a dit « Pas du tout » et nous avons monté les trois étages à pied, l’ascenseur était en panne depuis une semaine, m’a-t-elle expliqué.  Elle m’a invitée à entrer et là, des cartons fermés, partout. Je n’ai pas osé poser de questions, c’est elle qui m’a dit.

-          En voie de déménagement, depuis un an.

-          Eh bien, comme ça il y a de la place, au moins, ai-je dit en souriant.

-          Un verre d’eau ?

-          Pourquoi pas.

-          Belle terrasse, chez vous.

-          Oui, mais c’est trop grand, je dois partir, ma fille est ailleurs.

-          Ah, un jour ou l’autre…

-          Mon jour est arrivé  tôt, elle avait dix ans.

Mon manque total de réparti – un défaut parmi tant d’autres – m’a empêchée de trouver une quelconque réponse et c’est là qu’elle a conclu.

-          Bien. Je dois ranger mes affaires. Encore un carton à défaire et un autre à refaire. Comme ça les jours passent vite.

Je n’ai trouvé qu’une chose à dire devant ce vide abyssal.

-          Merci pour le verre d’eau. C’est bien d’avoir trouvé une activité. Il faut faire passer le temps, sinon, nous sommes dépassés. Au revoir madame et à une autre fois. Je dois aller chercher ma fille à l’école.

 Je me suis demandé comment j’avais pu lui parler de ma fille alors que la sienne était partie. J’ai compris qu’il valait mieux que je me contente de mes conversations banales de quartier pavillonnaire et que j’évite les HLM.

Deux jours plus tard, je l’ai à nouveau rencontrée mais cette fois ci, je ne me suis pas arrêtée, j’ai eu trop peur qu’elle ne m’invite au pays du vide. Je me suis contentée de hocher la tête, elle aussi, et nous avons suivi notre chemin qui nous menait dans deux directions opposées.

 

PS : prochain texte, lundi.

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