Le presque fou
Il hurlait debout sur le banc en face de l’hôtel de ville.
- Il nous faut un psychanalyste du monde !
C’est à ce moment-là qu’une vieille dame est arrivée.
- Vous voulez un psychanalyste, me voici.
- Oui, mais un psychanalyste du monde !
Elle l’a regardé un instant puis a ajouté.
- Impossible, le monde met trop de temps à être psychanalysé.
- Pourquoi ?
- Réfléchissez. Mais vous par contre, je peux. Allongez-vous.
- Moi, m’allonger, a balbutié le type en relevant son pantalon tombé à ses chevilles.
- Oui, allez – y.
Ce qu’il a fait et elle a placé derrière lui son mini siège qui l’accompagnait partout.
- Je vous écoute.
- Rien à dire.
- J’ai le temps. Respirez lentement et détendez-vous.
Cette étrange séance a duré une heure et autour du banc un cercle de gens s’est formé, puis deux, trois, quatre… et, à la fin de cette heure étonnante, la vieille dame a juste dit.
- On va s’arrêter là, mais vous qui êtes autour de nous, pouvez-vous, après le son que je vous donnerai, mettre en place une multitude de sons qui nous permettront de voyager un temps ensemble à l’intérieur de nous et, lorsque nous serons fatigués, nous laisserons peu à peu entrer le silence en nous, et puis nous partirons lentement vers l’endroit où nous souhaitons aller. Merci à vous.
C’est ainsi que tous ont fait. Même le presque fou, qui est passé de la position allongée à la position assise, étonné de voir ce cercle d’humains autour du banc.
Et vous, lecteurs, savez-vous où il est allé ? Non ? Eh bien, dans son lit où il s’est endormi comme un bébé pour faire une longue sieste, la plus longue qu’il ait jamais faite. Et, ensuite, il a téléphoné à la dernière survivante de sa famille, sa sœur, et il lui a dit tout simplement : Dix ans ans que nous ne nous sommes pas vus, pourquoi ne pas nous revoir ?
PS : prochain texte, lundi.