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Presquevoix...
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11 mars 2010

La rencontre

louviersElle était entrée dans l’église à cause de lui : ils s’étaient disputés. Les jours suivaient aux jours, les disputes aux disputes, et son cœur se gonflait de tant d’incompréhension. Quand elle vit les apôtres grandeur nature, attachés au pied des piliers, son émotion fut si violente qu’elle put à peine respirer. Elle déambula dans la nef latérale et s’arrêta pour les saluer ; ils avaient l’air tellement humains dans la solitude profonde des lieux. Etaient-ils retenus prisonniers dans cette église ? Ils lui garantirent que non. C’est devant saint Luc qu’elle s’arrêta le plus longtemps. Elle entama même une conversation avec lui. Au début, il ne répondit pas mais il l’écouta avec attention, la tête légèrement penchée, attentif à sa plainte : elle n’en pouvait plus, chaque jour il la harcelait, ses récriminations s’ajoutaient aux récriminations, la liste gagnait en longueur au fil des semaines et elle sentait bien qu’elle devenait folle.
Quand elle  demanda à Saint Luc si elle devait  partir, il n’hésita pas un instant et lui dit clairement que les choses mortes devaient se détacher de l’être tout comme les feuilles mortes se détachaient de l’arbre.
Le lendemain elle partait, sans bagages. Elle ne voulait aucun objet, aucun vêtement qui eut appartenu à son ancienne vie. Luc l’avait sauvée.

PS : photo écrite à partir de cette photo de Pierrick, prise dans l’église de Louviers ( département de l’Eure).

10 mars 2010

Journée de la femme ?

Avant-hier soir, j’ai dit à mon mari :
- Tiens,  je ne me suis même pas rendue compte que c’était la journée de la femme !
Et il m’a simplement répondu :
- Moi non plus !

9 mars 2010

Le cinéaste amateur

Il avait une vocation de cinéaste mais n’avait jamais participé à aucun festival. Sa femme connaissait bien ses penchants pour les chambres obscures. Elle s’étonnait peut-être qu’il ne l’ait jamais filmée mais ne le mentionnait pas ; les fantasmes de son mari ne la concernaient plus.
Ses créations, il les réservait pour les initiés et sa caméra il la plaçait dans les toilettes pour femmes, attenantes au restaurant ; le « matériel » était dirigé astucieusement vers la lunette des WC. C’est là qu’il tournait ses plus beaux films, ceux qui embrasaient « l’écran de ses nuits blanches ».
Il avait bien un scénario en tête : un montage alterné de ses plus beaux plans avec en fond sonore de la « grande musique », mais il n’en eut pas le temps. La police mit fin à sa carrière de cinéaste amateur le vendredi 5 mars 2007 et encore aujourd’hui, du fond de sa cellule exiguë de la prison de Val de Reuil, il ne comprend pas pourquoi…

PS : texte inspiré d’un fait divers lu dans Paris Normandie.

8 mars 2010

Le chemin de la foi

Chaque matin, vers dix heures, je me levais pour rien,  ou plutôt, je me levais pour faire comme avant, quand j’avais du boulot ; pourtant Dieu sait que le travail m’a toujours donné de l’urticaire !
Il faut dire que je suis tombée dans le  travail par obligation. Moi, par goût, j’aurais plutôt choisi l’oisiveté, mais je n’avais pas les revenus pour ; alors je  me suis résignée à travailler dans une PME.
On m’a virée au bout de 20 ans de bons et loyaux services, avec une indemnité égale à douze fois mon salaire mensuel. J’ai demandé au chef :
- Pourquoi moi ? Et il m’a répondu sèchement :
- A votre avis ?
J’ai préféré ne pas polémiquer. Sans doute un problème de rentabilité ; la rentabilité m’a toujours donné de l’urticaire.
Donc, chaque matin,  je me levais vers dix heures, pour rien, et dès midi, j’étais au café pour faire mes grilles de loto et me boire quelques bières avec les copains. Seulement j’ai commencé à prendre du poids. Je m’en suis aperçue en rencontrant un ancien copain du boulot ; il ne m’avait même pas reconnue. Il a eu beau me dire qu’il n’était pas physionomiste, j’ai dû me rendre à l’évidence : j’étais devenue difforme.
La première fois que je suis entrée dans la cathédrale du Cœur de Jésus, c’est par hasard.  Je venais de boire trois bières au café de la poste et j’avais du temps à tuer avant mon feuilleton de l’après-midi. C’est ce jour là que j’ai eu la révélation ! Juste derrière le premier pilier, à droite, en entrant dans la maison de Dieu. A ce moment précis, les larmes me sont montées aux yeux et j’ai vu le Christ en chair et en os ; surtout en os, me suis-je dit ; comme il était maigre, lui ! Il  m’a dit « Marie » - oui, je m’appelle Marie – « Marie, préfère la foi à la bière ! », c’est tout, il a juste dit ça, rien de plus.
Depuis, je n’ai jamais cessé de croire et je ne bois plus. Je fais juste une grille de loto à midi, pas plus. Je me demande comment j’ai pu changer à ce point.
D’ailleurs, tous les matins, quand je me regarde dans la glace, je n’en crois pas mes yeux : je ressemble de plus en plus à Marie !

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

7 mars 2010

Un dimanche de miel

Sur le blog « jedouble », un texte de gballand, illustré par un photomontage de Patrick Cassagnes

« L'air est couleur du miel, je sors, voilà ce qu’il m’a dit avant de claquer la porte et ça m’a mis la puce à l’oreille... » Pour lire la suite, c’est ici.

PS : texte écrit dans le cadre de l’atelier des « impromptus littéraires ».

6 mars 2010

Le joueur de violon

Hier, un homme jouait du violon devant les Nouvelles Galeries. Je l’ai écouté un instant, le temps de détacher l’antivol de mon vélo. Sur son petit carton, devant lui, il avait écrit : je joue du Bach…
Il a eu raison de l’écrire, car je ne m’en serais absolument pas doutée…

5 mars 2010

Le CAC, mais pas quarante

Samedi, pour la première fois depuis dix ans, il avait fait les courses avec elle. Ils avaient parcouru les rayons d’intermarché ensemble, mis les produits dans le caddy ensemble, commenté les achats éventuels ensemble : le bonheur.
A la caisse, il avait tout rangé dans les sacs bleus à une vitesse qu’elle avait jugée raisonnable. Lorsqu’elle eut payé, elle lui déclara :
- Tu es reçu !
Il s’étonna :
- Je suis reçu ? Mais à quoi ?
- Ben tu as ton diplôme du CAC : « Certificat d’Aptitude aux Courses ». Tu ne te croyais pas capable de faire les courses, maintenant je te déclare que tu es reçu avec 20 sur 20 dans toutes les disciplines : recherche des produits, choix des produits selon leur coût et leur qualité, rangement des produits.
Ce qu’il ne savait pas encore, c’est que les dix années suivantes, il serait préposé aux courses, comme elle l’avait été les dix années précédentes.

4 mars 2010

La retraite fiction…

On nous  serine à longueur de temps qu’il faut sauver les retraites ! On me taxera sans doute de cynique, mais je suis sûre qu’un jour ou l’autre, les hommes politiques mettront en place des mesures effroyables, justement pour sauver les retraites…
J’imagine qu’on nous culpabilisera, à coup de slogans répétés dans les médias, et chacun sait que les slogans ont un effet redoutable ! On nous suggèrera sans doute de pratiquer une « euthanasie assistée » à partir de la vingtième année de notre retraite - ou avant  -, le tout pour le bien de la société, cela va sans dire.

On pourra même -  pourquoi pas ? - organiser à la télévision des « loteries de la mort », je suis sûre que l’audience sera à son maximum. Je sais vous frémissez et vous me détestez déjà pour ce que j’énonce. Mais regardez bien les jeux télévisés et vous constaterez qu’on pourrait fort bien aller jusque là. Je disais donc qu’on organisera des « loteries de la mort » en direct, avec des gens tirés au sort parmi ceux qui ont déjà bien profité de leur retraite – 20 ans par exemple ? - ; mais on pourra aussi faire appel au volontariat. Les volontaires "bénéficieront", par exemple, d' un enterrement aux frais de l’Etat et d'une concession à vie dans un joli petit cimetière…
De la science fiction de mauvais goût me direz-vous ? Peut-être, mais vu les déficits de la CNAV et le nombre croissant de retraités par rapport au nombre de cotisants, ne peut-on pas imaginer que ces scénarios diaboliques seront un jour  réalité ?
A moins, à moins… que l’on ne fasse circuler un petit virus de rien du tout qui anéantira, en priorité, les personnes âgées ? Je fais confiance à la science et à l’utilisation qui en est faite par les hommes qui nous gouvernent…

3 mars 2010

Les deux coiffeurs

Ma voisine – qui a l’âge respectable de 82 ans – m’a dit hier, au téléphone, de sa voix rocailleuse :
- Tiens, il est gentil mon coiffeur, bien mieux que celui de la Préfecture. Celui-là, il me tirait les cheveux avec sa fourchette que ça me faisait mal ; et puis il coiffait comme un pied !
Je ne lui ai pas demandé ce que c’était que cette « fourchette » dont elle me parlait, par prudence, sinon je serai restée cinq minutes de plus au téléphone. Je ne lui ai pas dit non plus que je n’avais pas vraiment remarqué de différence entre la façon de coiffer du premier et du deuxième coiffeur :  toujours la même mise en plis « appliquée » permettant de répartir adroitement ses rares cheveux sur le crâne…

2 mars 2010

Dimanche au café Majestic

P7250026Comme tous les dimanches après-midi, elle était allée au café Majestic, c’était leur jour. Se souvenir de lui suffisait à son bonheur. Elle s’était installée non loin du comptoir – une habitude -  pour entendre les conversations des garçons. Elle pensait que ce dimanche-là serait identique aux autres, un dimanche de solitude et de plénitude. Comme chaque dimanche le garçon vint la voir pour passer commande, ils échangèrent deux ou trois phrases convenues, mais une fois qu’il eut déposé le thé et le « galão » sur la table – le « galão » était la boisson préférée de son mari - quelque chose se produisit, quelque chose qui changea ses habitudes dominicales.
Elle les vit entrer dans le café Majestic, elle d’abord – grande, entre deux âges, la silhouette gracile - et lui ensuite, plus jeune, plus épanoui - la quitter lui avait fait du bien, c’était manifeste. Ils s’assirent à une table non loin d’elle mais ne la virent pas. Ils attendaient de passer commande – peut-être un thé et un galão ? - en bavardant et en se souriant comme s’ils s’agissaient de leur première rencontre et qu’ils en goûtaient les merveilleux instants volés.
Quand il la vit, il s’excusa auprès de sa compagne et vint la voir :
- Bonjour Ana, dit-il simplement, j’ai quitté Londres pour revenir vivre à Porto.
Elle lui sourit sans dire un mot.
-  Tu attends quelqu’un peut-être ? continua-t-il en voyant les deux consommations sur sa table.
-  Toi, justement.

Il la regarda, surpris, mais n’ajouta rien. Ce fut elle qui conclut :
- Oui, tu peux partir. On t’attend ailleurs, je sais.
Elle n’oublia jamais ce regard dans ses yeux : de la pitié, il avait pitié d’elle.
Elle ne revint jamais plus au café Majestic.

PS : texte écrit à partir de cette photo de C.V prise à Porto en 2008, dans un but didactique.
N’oubliez pas de faire le «
virtual tour » du café Majestic de Porto, cela vous donnera envie d’y prendre un verre en fin d’après midi…

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