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Presquevoix...
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20 novembre 2010

La coiffure

Elle lui dit qu’elle avait vu Martine dans la rue, que celle-ci revenait de chez le coiffeur et qu’elle avait l’air en pleine forme. Il leva la tête de son journal et lui répondit en souriant :
- Je me demande pourquoi Martine va chez le coiffeur, il n’y a vraiment plus rien à sauver chez elle et en plus, ça lui coûte une fortune
Elle le laissa dire, rangea ce qu’elle devait ranger, mais au bout d’un moment elle ne put s’empêcher d’ajouter :
- C’est marrant quand même que tu l’aies jamais digéré !
- Quoi ? fit-il étonné.
Elle garda le silence un instant puis conclut :
- Qu’elle te dise non il y a 20 ans !

19 novembre 2010

Les mathématiques

Il avait choisi  les mathématiques à cause des inconnues. Il ne connaissait rien de plus troublant qu’une inconnue qui ne se laisse pas résoudre…

PS : lire l’article de Libération « la bosse des maths n’existe pas. »

18 novembre 2010

La cuisinière

CUISIN_1Depuis qu’elle était à la retraite, elle passait le plus clair de son temps à contempler sa cuisinière, perdue dans ses rêveries. Elle l’avait parée de fruits et de légumes et son émail n’en paraissait que plus beau. A ceux qui se moquaient d’elle, elle répondait que cette cuisinière - héritage de sa grand-mère défunte - avait droit à tous les honneurs, sa vie n’avait pas été simple. Ni son mari, ni ses enfants, ni ses amis ne comprenaient cet attachement qu’ils jugeaient déplacé. Seule la cuisinière savait.
Le jour où elle décida de mettre fin à ses jours, elle  disposa fruits et coloquintes en un grand cercle devant la cuisinière et elle s’allongea à l'intérieur. On la trouva au petit matin, le corps glacé, La pâleur de son visage  rehaussée par les fruits colorés.

- Presque une  nature morte ! avait murmuré sa fille avant que son père ne la fasse taire.
Personne ne comprit son geste. La cuisinière, elle, savait.

PS : texte écrit  à partir de cette photo gentiment prêtée par Latil

17 novembre 2010

Le beau-père

Hier, avant le début du cours, il vient me voir pour me dire qu’il a oublié son cahier chez son beau-père. Je lui réponds que je suis désolée mais que, beau-père ou pas, il a droit à une croix de plus à son palmarès et qu’au bout de 10 croix c’est une colle. Après réflexion il me dit, l’air moqueur :
-          Bon, si vous me mettez une croix quand même, c’est pas la peine que je dise que j’ai un beau-père : j’en ai pas !

16 novembre 2010

les pintades

Ecrire sur des "pintades" au travail... Qu'est-ce qu'une pintade me direz-vous ? Eh bien une dinde ou  autre chose... Voici deux textes : le premier texte est de Caro-carito, que le séquoia ci-dessous a inspiré ; le deuxième est de gballand.

sequoiaDe la légèreté… ( caro-carito)

Éva tend la main, mais un rond de gazon et déjà des feuilles mortes les séparent. Plusieurs mois déjà qu’elle emprunte le sentier de ce parc de poche, trois bancs, une statue et des topiaires immobiles. S’engouffrer ensuite dans le ventre administratif et emprunté de la sous-préfecture. Elle rejoindra, Mme M, aux cartes grises et aux permis.
Pendant quelques semaines, son poste a tangué, entre un employé non remplacé, les désidératas du directeur, une dépression au deuxième étage. Au bout de six semaines à agrafer des documents et à ne pas savoir renseigner des étrangers au parler chaotique, sur les demandes de permis de travail et titre de séjour, elle avait été reléguée dans ce bureau encombré d’armoires de métal menaçantes et d’une pintade. Car s’en était une, blonde avec suffisamment de mèches rousses et de racines brunes pour incarner la bêtise universelle avec un soupçon de malveillance. Une volaille au brushing laqué, la jupe tubulaire dont les semblables traînent sur les marchés de province. Et le caquètement incorporé.
Au bout de quinze jours, elle n’avait pu endiguer son désespoir de devoir supporter l’insupportable mégère et cette bêtise crasse qui se déposait, à ses dépens, dans la pièce mal climatisée et en panne de lumière naturelle. Ses yeux bleus clignotaient et elle avait noté avec désespoir un RV chez l’opticien ; elle aurait perdu la vue quand le spécialiste aurait pu la recevoir, aux alentours des calendes grecques.
Aujourd’hui, elle étale son temps de pause sur sa jupe noire au genou. Elle profite des dernières ardeurs de l’été dans le clos des haies rougissantes. Déballer un sandwich, croquer une pomme. Elle repense à ces semaines troubles où elle sentait que son humeur oscillait, fragile, entre pics de colère et des montées lentes de découragement. La pintade la poursuivait, dans ses rêves, dans ses pensées. Étrange pouvoir que celui de la bêtise qui s’incruste dans chaque minute, nous surprenant au réveil, dans un rire et même au creux d’une innocente page de journal.
Elle se dit qu’elle aurait pu continuer longtemps, polluée par ce compagnonnage nuisible. Comme à chaque arrivée, la surprendre se fardant, lipstick rose et mascara épais. Si odieusement féminine et aguicheuse qu’Éva enfilait le matin, sans même y penser, en réflexe protecteur, un pantalon et un pull sans la moindre chaîne doré, sans même une bague. Oui, elle aurait continué longtemps ce jeu où, à mesure que l’autre se faisait menaçante et caquetante, elle serait devenue totalement invisible, même à ses propres yeux.
Transparente et insensible, aurait-elle dû ajouter. Comme une fleur fanée qui se referme, se craquèle, s’émiette. Jusqu’à ce jour où elle avait buté contre la réalité et l’avait, surpris, lui, Diego, avec Thomas, Tom, à peine un adolescent. Leur Tom. Écarquillant les yeux en surprenant un discours de vieux, condescendant, style, tu verras, mon petit gars. Comment ne s’en était-elle pas rendu compte ? Empêtrée dans ses failles et ses hésitations, tout simplement. Elle n’avait pas mis longtemps à se désengluer des soucis, ces scories qui étaient devenues montagnes. Elle se devait de respirer à nouveau. Reprendre pied, renouer avec l’essentiel. Elle n’était pas de celles qui sombrent aisément.
Elle tend la main, épouser les lignes épaisses qui sculptent la chair de l’arbre. Un séquoia à fleur de toucher, palper, épouser. Précautionneusement, elle laisse son repas entamé, son sac sur le banc et s’avance vers lui. Son regard grimpe haut, jusqu’à cette pointe de clarté qui modèle la tête du géant, jusque ce jour, gommé par les tours de bétons et les arcs boutant de la cathédrale. Elle le croisait et ne l’avait jamais connu. Elle ne pouvait pas, son pas, son regard étaient restés prisonniers du chemin de gravier, attachés aux mottes de terre qui maculaient un gazon sale. Sauf aujourd’hui. Tous les deux, elle et l’arbre, ont sans doute rendez-vous. Une rencontre qu’un automne naissant a sans doute préparée. On peut lire de la légèreté dans ses gestes déliés, son chemisier léger s’ouvre sous la brise. Lui, à peine un peu plus visible à travers la claire-voie d’une frondaison voisine dépouillée. Elle se tient devant lui, les épaules lâches, apaisée. Ses lèvres appellent un baiser, effleurer l’arbre et sa peau rugueuse. Caresser la ligne claire et suivre jusqu’au ciel ce chant ondulant aux odeurs de sève et d’équilibre. Frémir contre ce pouls imperceptible.
Elle s’approche, se colle à lui. Elle croit un instant sentir son corps immense battre contre sa joue, contre sa peau. Si seulement il pouvait lui répondre et déposer en elle ce temps diaphane qui efface les bruits de fond, les propos oiseux et le caquètement entêtant des bataillons de pintades et dindons, de corps lourds et empotés.
Le baiser d’un rayon de soleil s’attarde sur le dos de sa main. À regret, elle se dégage lentement et s’éloigne. Elle range son déjeuner entamé, attrape son sac. Quelques pas au bout desquels elle se retourne furtivement. Dans l’étroit carré de verdure, l’arbre se hisse vers la lumière. Si simplement elle pouvait, elle aussi, ressentir cet élan de légèreté et se laisser porter. Elle hésite, esquisse un geste de la main. Oui, se retrouver, peau contre peau. A fleur de silence.

Le service examens (Gballand)

Secrétaire  au rectorat, Martine est sous l'autorité de M. Delplan, chef du service examens. En 20 ans de "carrière" Martine s'est fait son trou, comme on dit. Elle a son bureau, son ordinateur, sa poubelle, sa chaise, son téléphone  et personne ne peut  y toucher. C'est tout au moins ce que rapporte Cindy, sa nouvelle collègue de travail, deux années de service au rectorat, mais juste deux semaines  dans le même bureau que  Martine.
Cindy est arrivée avec ses ongles multicolores, ses photos, son miroir, sa bonne humeur contagieuse et ses conversations vaines. C’est cela que lui reproche Martine : elle parle trop et sourit trop pour être honnête.
Cindy est incollable sur « Plus belle la vie » et les recettes basse calorie ; il faut dire que Cindy soigne son aspect extérieur, Martine non. Cindy est plutôt tenue moulante et couleurs chaudes. Martine, elle, n’a aucun style. Sa seule préoccupation en matière de style : dissimuler un fessier proéminent. Cindy a bien donné quelques leçons de « relooking » à Martine, mais Martine a cru qu’elle se moquait d’elle. Pourtant Cindy est incapable de se moquer de quiconque. Cindy est d’abord et avant tout « premier degré ». Dans sa famille on est « premier degré » de génération en génération.
Martine met tout son talent à étriller Cindy. Elle est même allée jusqu’à dire que Cindy était une pauvre imbécile prête à tout pour grimper dans la hiérarchie ; même à "monter" le pauvre Delplan qui, pourtant, selon Martine, a autant de sex appeal qu’un bouc !
Martine sait que si elle fait encore un petit effort,  cette sotte de Cindy tombera définitivement en arrêt maladie… c’est ce qui est arrivé à l’imbécile de Cynthia, celle qui a précédé Cindy.

15 novembre 2010

Révisions

Il révisait ses cours échoué sur la banquette, telle une otarie sur un rocher, et quand elle lui  demanda pourquoi il ne s’asseyait pas à la table, que c’était une position sans doute plus pratique pour écrire, il lui  répondit :
- Les romains, ils mangeaient bien allongés !
Elle faillit s’étouffer ;  il avait vraiment réponse à tout. Elle répliqua tout de même :
- Oui, mais toi, tu n’es pas romain ?

14 novembre 2010

Liberté

Suffit-il d’ouvrir la cage pour être libre ? Si vous voulez connaître la réponse, c’est ici.
Le collage est de Patrick Cassagnes et le texte  de gballand.

13 novembre 2010

Le nu

Ce jour-là, elle assistait à son dixième cours de dessin qui avait pour thème : le nu. Une fois dans la salle, elle s’installa au premier rang, déballa ses affaires et attendit le modèle en feuilletant son carnet d’esquisses. Quand elle leva les yeux, le modèle était déjà en place.  Il la salua  d’un signe de la main accompagné d’un joyeux bonjour ; elle se rendit compte que l’homme nu, debout à quelques pas d’elle,  était le père de son ami...

12 novembre 2010

Le soldat inconnu

La nuit dernière, il avait fait un rêve qui ne ressemblait pas vraiment à un rêve : quelqu’un lui révélait comment s’appelait le soldat inconnu. Seulement, au réveil, impossible de se souvenir du nom. Il en conçut un chagrin que personne ne comprit …

11 novembre 2010

Le carnet d'excuses

Bègue depuis l'âge de 10 ans, il s’était créé un carnet d'excuses qu'il avait peaufiné au fil des ans. A 40 ans, personne ne l’avait encore jamais pris au dépourvu, il avait une excuse pour tout. La veille, par exemple, il était parti précipitamment de son travail à 10 heures en précisant à son chef de service  que sa mère était à l’agonie. Le lendemain, il avait même prolongé son absence en prétextant qu’elle était morte. Il  s’était dit qu’il ferait ainsi la jonction avec  le weekend  et qu'il pourrait aller à Honfleur. Il aimait bien Honfleur. Il en profiterait pour rendre visite à sa mère dans sa maison de retraite ; depuis combien de temps ne l'avait-il pas vue ?

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