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10 janvier 2010

Les boudoirs de la voisine (gballand)

Son mari lui dit que la voisine avait laissé des gâteaux pour eux. Ils étaient sur la table de la cuisine, une boîte de gâteaux assortis et une boîte de boudoirs. C’était gentil de sa part, elle avait certainement voulu la remercier de la boîte de chocolats achetée pour elle, à Noël, chez l’un des meilleurs chocolatiers de Rouen. Les gâteaux assortis ne firent pas long feu, son fils les engloutit rapidement, quant aux boudoirs, son mari en mangea quelques-uns au thé puis il déclara soudain, après avoir extirpé le dernier boudoir de l’emballage plastique :
- Dégueulasse, il est noir ce boudoir !
- Si ça se trouve, ils sont périmés, répondit-elle, fais voir la boîte !
Elle eut du mal à découvrir la date de péremption, forcément elle avait été rayée d’un coup de feutre noir.
- Novembre 2008, s’étouffa-t-elle de rire, novembre 2008, tu te rends compte, on est en janvier 2010 ! Et en plus c’est aux œufs frais !
Son mari la regarda l’air défait. Il en avait déjà mangé 8 !

6 janvier 2010

Le vieil homme et la statue (gballand)

statueElle lui avait souri. C’était bien la première fois depuis longtemps qu’une femme lui souriait ; certes elle était de pierre, mais il s’en contentait. Que de légèreté et de grâce … et cette inclinaison de la tête gentiment tournée vers lui !
L’endroit était désert et l’automne prenait les couleurs de son âme.  Il décida de s’asseoir non loin d’elle et de jouir encore du spectacle de la nature. Il s’endormit rapidement ; ces deux derniers mois passés à l’hôpital l’avaient épuisé. Il sentit alors sur sa joue ensoleillée le frais baiser de la statue de pierre, elle était si belle...
Jamais plus il ne se réveilla.

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pierrick

1 janvier 2010

Le réveillon (gballand)

On l’avait placé à côté d’elle pour le réveillon et c’était la première fois qu’elle le voyait ; un ami de son frère lui avait-on dit. Il était brun, plutôt beau garçon mais il avait passé la soirée à raconter des histoires salaces dont elle n’avait que faire. A minuit, passablement soûl, il lui avait dit : « On s’demande à quoi ça sert les réveillons… on bouffe, on bouffe et à la fin on a tellement bouffé qu’on sait même plus c’qu’on rote ! ».
Il faudrait qu’elle pense à remercier son frère ; depuis ce réveillon, sa vie de célibataire ne lui pesait plus autant qu’avant…

31 décembre 2009

Le caveau familial (gballand)

Un peu éméché par l'alcool qui avait coulé à flots - et ils n’en étaient qu’à la dinde - il lui dit en ricanant :
- Dans le caveau, il reste une place pour toi.
- Pourquoi moi ?
- Parce que tu es la fille aînée.
Cette histoire de caveau l'agaçait. Elle n'avait pas envie de penser à sa mort, pas à Noël, et l'idée de rester à vie dans le caveau familial avec pour toute compagnie son père et sa mère la glaçait. Elle pensa que son frère était vraiment un connard fini, mais pouvait-elle le lui dire sans gâcher le repas ?
Il continua sur sa lancée, stoïque  :
- Evidemment, je te comprends, comme tu ne t'entendais pas avec eux !
Cette fois-ci elle ne put rester de marbre :
- Qu'est-ce que tu en sais ? Et  puis tu me fais chier avec ton caveau à la con, je te laisse ma place !
Elle sortit de table, prit ses affaires et partit. Le repas continua sans elle, comme si de rien n’était

28 décembre 2009

Oublie-moi ! (gballand)

« Oublie-moi dès demain, oublie ce que je t’ai dit, oublie ce que je suis et ce que je ne suis plus, oublie que je t’ai aimé, mais n’oublie pas que je ne t’aime plus. »
Voilà le mot qu’elle lui avait laissé sur la table de la cuisine ce matin-là et, alors qu’il le contemplait perplexe, il se dit que finalement il l’oublierait peut-être le jour même. « La lumière chasse toujours l’ombre » murmura-t-il en froissant la feuille dans ses mains…

23 décembre 2009

La séparation (gballand)

Il était revenu prendre tous les cadeaux qu’il lui avait faits,  il avait même emporté la jupe à volants achetée pour son dernier anniversaire. Elle s’était contentée de remarquer :
- Et si la prochaine n’a pas la même taille ?
Cinglant, il lui avait répondu :
- Elle fera quand même l’affaire, il y a un élastique à la taille !
Elle ne put réprimer un « Connard ! », discret, à son adresse. Avant de fermer la porte de la maison, chargé de sa valise pleine à ra bord, il  gueula  :
-  Et le connard souhaite bien du plaisir au prochain connard ! Puis il claqua la porte.

21 décembre 2009

Le saut (gballand)

Q101_0110J’hésite. Assis sur le petit promontoire  je regarde les touristes qui se prennent en photos. Pourquoi vouloir fixer l’instant sur des clichés trompeurs ? Moi ma tête tourne, tourne et tourne ; je ne vois que le vide, je suis l’instant happé par le vide, je suis le vide.
13 h 30, ils sont tous partis, c’est l’heure où les hommes s’attablent aux terrasses des cafés et nourrissent le vide de leur âme de bavardages futiles. Si je saute, c’est maintenant. Est-ce que je serai le premier à sauter d’ici ? Le premier à m’envoler de la Basilique pour atteindre l’éternité ? N’y a-t-il pas quelque chose de beau à être le premier à faire un geste extrême ? Quand je m’écraserai au sol les touristes  presseront leur anonyme compassion autour de mon corps désarticulé. Je serai la piqûre de la mort qui les rappelle à la vie… j’aurai fait œuvre de charité.

PS : photo de C.V. prise à Venise en 2005

20 décembre 2009

La carte de vœux (gballand)

Son neveu lui avait encore envoyé ses vœux de bonne année, quelle plaie, elle en était encore quitte pour une carte ! Elle se mit au travail sur la table de la salle à manger débarrassée des vestiges du repas. Elle alla chercher sa carte de vœux, sa règle, son crayon à papier, son stylo noir, sa gomme et elle se mit au travail comme l’élève studieuse qu’elle n’avait jamais été. La langue entre les lèvres, elle s’appliquait à tracer les lignes qui lui permettraient d’écrire les traditionnels vœux de fin d’année recopiés consciencieusement d’une année sur l’autre : « Cher Marc, merci de tes vœux, reçois en retour les miens, et surtout une bonne santé. Grosses bises. Monique » Une fois son prénom écrit, elle effaça les traits au crayon du mieux qu’elle le pût. Elle donna un dernier petit coup de gomme, pour la forme, puis elle contempla l’ensemble avec un sourire satisfait. Oui, c’était du bel ouvrage. Elle espérait juste que l’année prochaine, il oublierait de lui envoyer ses vœux…

17 décembre 2009

Résiste…(gballand)

Déjà cinq jours qu’il ne lui téléphonait plus : une victoire. Résister, coûte que coûte, mais comment ne plus entendre sa voix, ses reproches, son désamour  ? Pour tenir,  il écoutait France Gall en boucle. « Résiste, prouve que tu existes, cherche ton bonheur partout » se chantait-il toute la journée à voix basse au point que ses collègues de travail lui avaient demandé s’il allait bien…
Soudain, son téléphone sonna et il se rua dessus :
- Allô ! Haleta-t-il.
- C’est moi, se contenta de dire la voix au téléphone
- Oui, je sais ce que tu vas me dire, je ne t’ai pas appelé parce que… oui, moi aussi… oui… moi aussi je t’aime… non je t’assure que… mais comment peux-tu m’accuser de… non… non, écoute-moi ! … Je te dis que… Mais comment peux-tu me dire que je suis égoïste moi qui… Allô, Allô !
Une fois de plus on lui avait raccroché au nez.
« Résiste, prouve que tu existes », tenta-t-il de fredonner d’une voix éteinte…

15 décembre 2009

Les volets fermés (gballand)

voletsIl y a longtemps que ces volets sont fermés. C’est là qu’elle a vécu. Qui se souvient encore d’elle ? Elle n’ouvrait jamais ses volets, ou si peu, juste le matin, très tôt, pour voir la couleur du ciel, puis elle les refermait. Le ciel, elle ne l’aimait plus depuis très longtemps. Personne ne savait  comment elle s’appelait, ni comment elle vivait, ni comment elle était arrivée là, mais samedi, on l’a vu partir allongée sur une civière, le corps recouvert d’un drap blanc. Sur son passage on a chuchoté des « Si c’est pas malheureux ! » ou « Si on s’était douté !», des mots de pure forme, des mots sans fond, des mots que l’on ressortait de tiroirs poussiéreux juste pour se donner l’air de…

* Photo publiée avec l'aimable autorisation de Patrick Cassagnes

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