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Presquevoix...
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12 mai 2017

Le heurtoir

20170504_124402Elle avait hésité à frapper -  les portes provoquaient toujours chez elle le même effroi - et cette main lui semblait de mauvaise augure.

Le battant s’ouvrit. Dans la cour intérieure – classique en apparence  - elle vit un puits dont la  margelle usée était rongée par la mousse. Elle s’approcha, se pencha et du fond de l’obscurité surgit une voix : Si tu veux te jeter dans le puits, mes bras t’accueilleront avec douceur.

Elle s’éloigna d’un bond. Elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir et un géant – ou ce qui en avait tout l’air – resta un moment sur le seuil.

-          Vous faites quoi ? Lui demanda-t-il d’un ton brusque.

-          Je viens voir ma vieille tante : Madame Roy.

-          Elle est morte, répondit-il

-          Morte ?

-          Oui, elle s’est jetée dans le puits.

-          Ah bon ? Mais quand ?

-          Il y a un mois.

-          Vous en êtes sûre ?

-          Oui. Vous ne deviez pas venir souvent.

-          Non, c’est la première fois. Vous savez ce que c’est les familles…

Elle se demandait pourquoi elle lui avait dit ça. Ce géant n’avait certainement pas de famille et son degré d’empathie, comme celui de tous les géants, devait atteindre le degré O. Elle se demandait que faire : rester ? Poser des questions? Partir sans rien dire ? Mais le géant sauva la situation.

-          Vous savez, si elle s’est jetée dans le puits c’est qu’elle en avait marre. Je suis sûre que maintenant tout va mieux pour elle. Vous êtes la fille de sa sœur ?

-          Oui.

-          Eh bien vous direz à votre mère que sa sœur s’est suicidée, elle comprendra.

-          Très bien.

Et il ajouta.

-          Attendez-moi, j’ai un objet à vous remettre. Elle savait, je pense, que vous viendriez un jour.

Il monta les marches avec toute la rapidité que sa taille lui permettait et elle entendit des clefs fourailler dans une serrure. Cinq minutes plus tard il réapparaissait dans la cour intérieure en lui tendant un paquet minuscule.

-          C’est pour vous. Vous vous appelez bien Camille ?

-          Oui.

-          Ouvrez-le.

-          Vous êtes sûre ? Ben oui, c’est pour vous, je crois qu’elle vous aimait bien malgré le handicap.

-          Le handicap ?

-          Oui, vous étiez la fille de sa sœur.

Elle ouvrit le paquet et découvrit un médaillon argentée. A l’intérieur du médaillon, il n’y avait aucune photo.

-          C’est vide.

-          Votre tante était une originale.  Il y a aussi une lettre. Tenez.

Elle décacheta l’enveloppe, déplia le papier blanc et découvrit une citation : « Il faut tout apprendre, depuis parler jusqu’à mourir » Flaubert.

-          Je vous remercie. Tout ça est bien énigmatique.

-          Vous avez la vie devant vous pour comprendre, répondit-il le visage impassible.

Elle le remercia et sortit. Derrière elle, le battant se referma avec grand bruit. Une fois dans la rue, sa respiration se fit plus calme. Elle s’assit sur un banc, prit le médaillon dans la petite boîte, le mit autour du cou, puis reprit son chemin.

Le soir, quand elle voulut l’enlever, il résista et elle dut le garder pour dormir. Toute la nuit il chuchota, l'empêchant de dormir et, une fois ses secrets épuisés, il se tut.

Maintenant elle savait. Jamais plus la vie ne serait comme avant.

 PS : photo prise à Lyon.

 

Commentaires
C
J'adore, ce style là avec sa touche gothique me fait voyager.
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E
Compliments à Flaubert, au Géant, à la Soeur, au Puits et à Madame Bovary qui y ont mis le Paquet :-) <br /> <br /> Le médaillon s'étant finalement tu, elle pouvait considérer que la mort ne serait plus jamais comme avant ;)
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L
sans commentaire
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L
Et moi ? Comme d'habitude une fois ouvert on m'abandonne !
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A
Je n'aimerais pas avoir le handicap d'être la fille de la sœur, comment vivre avec ça ?
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