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12 mai 2013

Venise

PT012994Il était 20 h, la nuit était tombée. Elle marchait dans les rues  de Venise en chantonnant « Que c’est triste Venise au temps des amours mortes » quand elle  vit de jolies loupiottes accrochées aux grilles d’un jardin qu’elle avait à peine remarqué de jour. Elle s’arrêta pour observer les motifs dessinés par la lumière. Sans doute n’avait-elle pas arrêté de chantonner car quelqu’un derrière elle siffla la même ritournelle.

Elle se retourna et vit un type sans âge, en tongs, le cheveu hirsute et en retard de mille douches. Il lui dit ironique.

-  Ouais, c’est triste Venise, c’est sûr, surtout quand on n’a pas de fric ! T’as pas cinq euros ?

Cinq euros ? Mais pourquoi s’adressait-il à elle alors qu’autour il y avait des gens partout ? Elle le détesta de l’obliger à se décider en un clin d’œil : donne, donne pas, et si je donne, je donne quoi ?

Elle fouilla dans ses poches, mais non, rien. Elle devrait ouvrir son sac. Lui, observait son manège d’un air amusé et il chantonna :

Que c´est triste Venise
Le soir sur la lagune
Quand on cherche une main
Que l´on ne vous tend pas

 

Contre toute attente elle lui dit.

- Ecoutez, si vous voulez, je vous invite à manger quelque chose. Tenez, là-bas par exemple, dit-elle en pointant la terrasse du  café Rosso.

Le type acquiesça, et le couple improbable s’éloigna…

 

PS : photo prise par CV, à Venise, en novembre 2012.

11 mai 2013

Les escarpins

Elle était tombée en arrêt devant la vitrine. Ils étaient ma-gni-fi-ques et les filles en seraient vertes de rage. Les talons faisaient au moins 8 cm, sinon plus, et elle atteindrait les 1 m 80 ! Personne ne la dépasserait, elle en était sûre, et Kevin ne pourrait manquer de la voir. La soirée " pouffes "  - une idée de Juliette -  s’annonçait on ne peut mieux !


10 mai 2013

L’atelier théâtre 2

Quand  Maurice entrait en scène  pour  jouer la scène du restaurant, il était chargé de  vérifier deux choses : d’abord, que Maurice ait bien sa braguette fermée ; ensuite, qu’il ait avec lui son menu, accessoire indispensable, car toutes ses répliques y étaient écrites.

Il faut dire qu’à 75 ans, Maurice avait une mémoire plus que fantasque…

9 mai 2013

La patte

patteIl était tombé dessus par hasard et il avait poussé un cri d’effroi. Remis de sa surprise, il s’était approché précautionneusement. La patte était là depuis longtemps, aucun doute. Mais de quel animal venait-elle ? Etait-il  le premier à l’avoir vue ? Il prit une photo puis il l’examina attentivement.


Soudain, il entendit des pas derrière lui et il se retourna vivement. C’était une femme plutôt âgée avec un chien en laisse.


- Bel arbre, hein ? lui dit-elle d’une voix forte.


Il ne répondit rien et se contenta de la toiser de bas en haut. Cette idiote l’avait sorti de sa rêverie ; il la détestait.


Comprenant que l'homme resterait muet, l’importune s’éloigna en tirant son tonneau à quatre pattes qui s’appelait Brutus.

PS : photo prise par C. V en 2013

8 mai 2013

L’atelier théâtre

Le professeur, excédé par le visage et le ton inexpressifs  de la jeune femme, lui avait demandé.

- Mais quand tu dis cette réplique, tu penses à quoi ?

Elle avait hésité un instant puis avait répondu.

- A rien !

Et le professeur avait éructé.

- Mais si tu ne penses à rien et si tu te fiches de ce que tu dis, comment veux-tu que les spectateurs s’y intéressent, eux ?

7 mai 2013

Cauchemar

P8190096Il passait ses nuits à pédaler ; l’enfer. Le matin, il se levait exténué, le  pyjama à tordre. Il finissait par avoir peur de s’endormir, sûr qu’il aurait encore un ou deux cols à franchir dans la nuit. Mais le pire, ce n’était pas les côtes, c’était  les descentes : il avait peur des sorties de route.

La nuit du 12 mars, il s’était réveillé juste au moment où il ratait un virage dans une descente vertigineuse. Il n’avait pu se rendormir qu’à 5 heures et son réveil avait sonné à 6 heures 30.

Quand il était arrivé au travail, ses collègues s’étaient étonnés de son visage défait. Mais le coup de grâce, c’est son chef de service qui le lui avait donné.

- Dites donc Michu, vous avez une bien mauvaise mine ce matin. Votre femme, par contre, elle a l’air radieuse, je ne sais pas ce que vous lui avez fait…

Michu répondit abattu.

- Je ne lui fais plus rien monsieur, elle m’a quitté. Elle est partie avec un coureur cycliste. A croire que les coureurs cyclistes lui réussissent mieux que les comptables.

Le chef de service, confus, répondit maladroitement.

- Désolé Michu, je savais pas que… désolé, vraiment… désolé.

Et il quitta Michu aussi vite qu’il le put.

PS : photo prise par C. V.

6 mai 2013

A moi les p’tites anglaises !

Adolescent, il avait  habité Calais, ville renommée pour son port et sa dentelle. Mais lui, ce qui l’avait marqué, c’étaient les arrivages de petites Anglaises par ferry ou par train.
Son anglais avait toujours été plus que sommaire, mais il s’était rapidement construit son kit de survie. Il s’agissait d’une ritournelle prononcée avec un « délicieux » accent français : «  Open your mouth, give me your tongue* ! ». Il évitait ainsi de perdre un temps précieux dans les préliminaires.
Quarante ans plus tard, il riait encore en racontant l’histoire. Sa femme moins. Et, il lui arrivait même d’aller chercher à la cave son cahier à spirales où, jusqu’à 20 ans, il avait consigné avec application toutes celles qu’il avait « eues ».

*Ouvre ta bouche, donne-moi ta langue !

5 mai 2013

L'urne

Dans l’urne, il y avait les cendres de son père. L’incinération – qui avait eu lieu deux jours plus tôt -  l’avait fortement éprouvé : c’était sa première crémation. Il n’avait jamais été proche de son père, il passait d’ailleurs le plus clair de son temps à l’éviter. Ce n’était pas  par hasard qu’il avait choisi d’habiter  Nice alors que son père habitait  Lille. Quarante années d’exaspération silencieuse, de non-dits, quarante années de faux-semblants… et cette punition supplémentaire que son père lui infligeait : l’incinération. Sans parler de ce petit récipient qu’il avait eu la faiblesse -  la lâcheté ? - d’accepter, avec  ces cendres qui finissaient par lui donner le vertige...

C’est dans le taxi qui l’avait amené à l’aéroport de Roissy, que lui était venue l’idée d’abandonner son père. Pourquoi pas  les toilettes de l’aéroport ?  C’était le lieu le moins surveillé pour déposer un petit colis en ces temps de névrose sécuritaire. Ni vu, ni connu ! Il lui suffisait de laisser le récipient derrière les WC et de s’éclipser, personne ne se souviendrait de l’homme au complet noir. C’est donc ce qu’il fit une heure avant d’embarquer, l’esprit presque tranquille.

4 mai 2013

Danser

Il était cul de jatte, un accident de la vie - comme on dit - qui l’obligea à taire son rêve de devenir danseur. Enfant, il observait par la fenêtre les petites filles qui faisaient leurs exercices d’assouplissement aux barres asymétriques de l’école de danse. Avec application, elles s’astreignaient aux pliés-tendus-jetés puis, avant la fin du cours, elles s’élançaient sur le sol brillant qui accueillait leurs ébauches chorégraphiques. Leurs frêles jambes couleur chair l’émouvaient bien plus qu’il ne l’aurait pensé.
Lui aussi voulait danser, mais qui accepterait qu’un corps aussi différent puisse danser ?

PS : j’ai trouvé cette perle grâce à Patrick Cassagnes :

Ci-dessous, d'autres extraits du spectacle "cost of living" et une interview du directeur de la compagnie :

 

3 mai 2013

Pas avec elle !

A chaque fois il lui opposait un non, pas avec elle, jamais avec elle ! Pourtant, avec les autres il ne se gênait pas. Il fallait voir comme il les entreprenait,  les serrait,  les pressait même. Il leur parlait souvent au creux de l’oreille,  à croire qu’il aurait voulu… Mais avec elle, non, jamais ; avec toutes, sauf elle !
Quand elle le lui reprochait, il lui disait juste qu’il ne l’avait pas épousée pour la danse ; et aussitôt, il en invitait une autre et leurs corps s’éloignaient dans une valse folle…


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