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Presquevoix...
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22 mai 2013

Duo

Aujourd’hui, avec caro-carito, nos textes se croisent en un  duo printanier aux couleurs de l’hiver. Son texte est sur Presquevoix ; quant à mon texte, il  est sur son blog.

La consigne était la suivante : écrire à partir des photos de N. Howalt et T Sondergaard

 

 N Howalt

 

Trine Søndergaard--Interior2

 Le nid

Ils se tenaient au beau milieu de la grande salle : la mère, l’adolescent, la fille et le petit dernier. La fin du jour adoucissait les contours des murs et des pièces qu’ils avaient parcourus en enfilade. Lui, près de la cheminée, discourait sur les corniches satinées, le plancher en chêne, la cuisine où on pourrait installer un piano, les trois salles de bain. Elle rencontra les yeux de Jérémy et sût qu’il s’apprêtait à interrompre son père. Elle posa discrètement un doigt sur ses lèvres ; inutile de dire que la peinture était écaillée, qu’ils devraient tous se lever plus tôt pour le travail, le lycée et l’école. Il n’écouterait pas, lui qui ne savait dormir que quelques heures agitées chaque jour, qui mangeait en cinq minutes, lisait, téléphonait, travaillait sans jamais s’épuiser.

Elle alla jusqu’à la pièce qui avait été désignée comme la buanderie. Là où il avait déjà installé en pensée la planche de repassage, le vaporetto, deux fils à linge et une machine à laver. Des étagères. Elle alla jusqu’à la fenêtre. L’appartement avait dû vraiment lui plaire pour qu’il ose penser s’installer dans ce quartier modeste. Étrangement, cet homme qui avait toujours volé de ville en ville, les emportant sur tous les continents, avait toujours attaché une importance particulière à la demeure familiale. « Le nid » comme il aimait le surnommer. Déménagements et mille adresses jusqu’à ce qu’une rébellion familiale le lie à cette capitale nordique que personne, surtout les deux aînés, ne voulait plus quitter.

Et maintenant cet appartement. Le rendez-vous avec l’agence immobilière déjà acté, les projections financières avalisées par le banquier. Autant se résigner, vingt-trois mois sans cartons, cela avait tenu du miracle. Elle jeta à nouveau un coup d’œil sur la place vide en contrebas. Étaient-ce les larmes qui adoucissaient la nuit ? Les immeubles, le terrain de jeu, la délicate empreinte de la neige, elle leur trouvait soudain un certain charme. Un bruit de pas,  il l’avait rejointe et s’était mis, lui-aussi, à scruter le quartier endormi. Elle observa à la dérobée ce visage qu’elle ne connaissait plus et le découvrit étrangement apaisé.

Ils se retournèrent ensemble en entendant un bruit de courses, des rires, des chamailleries et se regardèrent en souriant. Ils allèrent à la rencontre des enfants et elle se fit la remarque que ce semblant de complicité ne leur était pas arrivé depuis… Il avait même failli prendre sa main même si, au dernier moment, une hésitation avait suspendu son geste. Thomas déboula sur eux, rouge et essoufflé, « Ma chambre, c’est celle du fond ! » et il tira la langue à sa sœur qui l’avait rattrapé. Alors que tous se dirigeaient vers l’entrée, elle se surprit à dire tout haut que c’était un bel endroit, que les larges fenêtres devaient accueillir le moindre rayon de lumière.

Ils se tenaient à nouveau au milieu de ce qui serait le grand salon, admirant les hauts plafonds, chacun pensant secrètement que vivre ici était une bonne idée.

 

 

 

 

21 mai 2013

Le prénom

Elle voulait appeler leur enfant « Hildegarde ».

- Hildegarde ! avait-il crié, mais tu es folle, tu crois que je vais l’appeler 30 fois par jour avec un prénom pareil ?

- Eh bien, tu ne l’appelleras pas, et c’est tout, avait-elle répondu. De toute façon, tu as encore trois mois pour t’habituer…

20 mai 2013

Le coq

coqQuand il était en vacances, il achetait toujours un cadeau à sa mère, souvent laid, exprès ; il ne pouvait  s’en empêcher. Non pas que sa mère ait été plus mauvaise mère qu’une autre, mais  il voulait l'encombrer, la gêner, allez savoir pourquoi !


Après 15 ans de vacances dans les endroits les plus divers, il  se souvenait de presque tous les cadeaux qu’il lui avait faits. Elle les avait acceptés sans se plaindre, et même l’avait à chaque fois gentiment remercié. Certains étaient d’ailleurs exposés, comme des trophées,  dans les différentes pièces de sa maison. Les sortait-elle de la cave lorsqu’il lui rendait visite trois fois par an ?


Le premier cadeau de la série, il l’avait acheté  en Espagne, à Malaga, ville hideuse s’il en est, hérissée d’immeubles, qui déroulait sa disgrâce le long de la côte sud. En se promenant dans la vieille ville,  il s’était  arrêté dans une boutique de souvenirs rafraîchie par un ventilateur qui tournait avec un bruit abominable. La ventilation aidant – il faisait 40 degrés à l’extérieur – il était resté 15 minutes dans la boutique et s’était presque cru obligé d’acheter un souvenir pour justifier une présence aussi longue : il opta pour une bouteille en forme de toréador que sa mère avait toujours dans son buffet depuis 10 ans.


Puis vinrent le phare bleu pétrole de Concarneau, les trois sets de table avec le coq de Barcelos, La petite lampe de chevet – sans doute le cadeau le plus laid – en  coquillages de Noirmoutier, l’assiette avec la basilique de Lisieux, Le bol de Paimpol avec son prénom – Jacqueline – peint en bleu, le rond de serviette – dont elle n’avait nul besoin puisqu’elle mangeait la plupart du temps en tête-à-tête avec elle-même – avec trois cigales roses, du Lavandou, le plateau avec les vaches normandes, d’Etretat, et il y en avait eu bien d’autres…


Son dernier cadeau – et c’était bien le seul qui ait eu cet effet-là – l’avait légèrement indisposée. Il l’avait remarqué à la petite crispation de sa mâchoire. Il lui avait acheté, à Majorque, un immense chapelet avec des grains si gros qu’ils avaient la taille de mirabelles. Sa mère avait juste dit.


- Merci Bertrand, c’est gentil de ta part, mais tu sais que je n’ai plus de place pour mettre tous tes cadeaux.


Il avait souri en concluant.


- Tu sais maman, ça me fait plaisir de te faire plaisir.

 

PS : coq de Barcelos.



19 mai 2013

Le cahier

La veille, elle avait pris le cahier d’une élève, par curiosité. Sans doute devrait-on s’abstenir d’avoir ce genre de curiosité quand on est professeur.
Le cahier n’avait plus de couverture, forcément, c’était le même que celui de l’année passée et il avait voyagé dans des conditions difficiles trois fois par semaine. En l’ouvrant, elle découvrit une calligraphie plutôt soignée mais aucune des feuilles distribuées en cours n’était collée. Elles s’éparpillaient entre les pages blanches du cahier, au gré de leur fantaisie. Devant la surprise manifestée par le professeur, l’élève se crut obligée de dire : « c’est pas de ma faute, j’ai pas de colle chez moi ! »

18 mai 2013

La conseillère

Dans cette banque, la Direction avait choisi de racheter les assurances-vie de séniors qui avaient un besoin immédiat d’argent "frais". Ces produits pouvaient s’avérer particulièrement lucratif pour la banque, à condition de savoir  choisir les bons clients.

Le travail de la conseillère consistait donc à évaluer l’espérance de vie des possesseurs des assurances-vie rachetées. Depuis son stage intensif, elle savait  qu’il valait mieux choisir l’assurance vie d’un client atteint d’un cancer de la gorge ou du poumon plutôt que celle d’un client atteint d’un diabète.

A chaque décès, un petit bonus s’affichait à son actif. Elle était certaine que dans trois ans, elle pourrait acheter la maison de ses rêves, et peu importait si celle-ci se construisait sur les cadavres de ses clients…

 

PS : les faits racontés ici sont véridiques et se passent aux Etats-Unis. Je vous conseille de regarder ce magazine – «  pièces à conviction » - visible encore 4 jours. Il s’intitule « Banquiers : ils avaient promis de changer ». Cette spéculation sur la mort est évoquée à partir de la trente deuxième minute.

 

17 mai 2013

Le boudin noir

boudinSa mère préparait le repas dans la cuisine pendant qu’il regardait l’album de photos qu’elle avait sorti à sa demande. Il tournait les pages, pensif. Toute son enfance était rangée  chronologiquement dans cet album format A4. La photo qu’il préférait, c’était celle qu’on avait prise de lui, à la maternité ; celle où sa mère le regardait avec des yeux tendres, sans doute la première et la dernière fois où elle l’avait regardé ainsi.

De la cuisine, sa mère lui cria que c’était prêt et il referma l’album d’un coup sec. Quand il ouvrit la porte,  une odeur de friture le saisit à la gorge. En voyant son assiette sur la table il comprit : sa mère y avait disposé un morceau de boudin noir qu’une compote de pommes recouvrait légèrement. Il ne put s’empêcher de dire catastrophé.


- Oh non, pas du boudin noir ! C’est le cauchemar du végétarien ! Tu veux ma mort ou quoi ?
- Comment ? Tu es devenu végétarien ?
- Mais je te l’ai dit  au téléphone !
Elle secoua la tête énergiquement, soutint qu’il ne lui avait jamais rien dit de la sorte et conclut.


- De toutes façons, toi et moi, on s’est jamais compris !


Soudain, il eut un haut le cœur et  sortit de la cuisine précipitamment. Sa mère regarda son assiette, l’air désolée.


- Quel gâchis, articula-t-elle, du boudin que j’avais acheté spécialement pour lui !

 

* photo vue sur ce site

16 mai 2013

Les billets

Quand les billets étaient tombés du ciel, tous s’étaient précipités pensant que Dieu les avait élus.  D’ailleurs, lors de la messe du dimanche, le curé cita un soi-disant verset de la  Bible dont les mots se mêlèrent aux fumées d’encens : « Ce que Dieu donne, il ne le reprend pas ! ». Et chaque paroissien fit sien le verset cité.

Le lendemain, lorsque la police se présenta afin de récupérer les billets qui provenaient d'un coffre-fort abandonné par des voleurs en fuite, les habitants jouèrent l’étonnement et aucune coupure ne fut rendue. Ite missa est.

PS : Brève écrite après avoir lu cet article du parisien.



15 mai 2013

Le vide

pastelleElle s’est  penchée une seconde et les souvenirs ont surgi. Elle entendait encore son cri – MAMAN ! - qui s'était répercuté de pallier en palier. C’était il y a quinze ans. Son père l’avait alors brutalement prise par le bras pour la faire rentrer dans l’appartement et il lui avait asséné.


- C’est fini. Ta salope de mère ne reviendra plus !


Et elle n’était jamais revenue.


A l’époque, elle avait voulu se jeter dans le vide. Quand elle s’en était ouverte à sa meilleure amie, celle-ci lui avait dit.


- Tu te rends compte ? Et si tu te ratais ? Tu t'imagines dans un fauteuil roulant poussé par ton père ?

Même si cela pouvait paraître étrange, ces mots lui avaient sauvé la vie…  

PS : photo gentiment prêtée par Pastelle

14 mai 2013

La trompe

Ils étaient allés au parc de Thoiry pour la journée, il fallait bien faire plaisir aux enfants de temps en temps. Comme Laurine souffrait de claustrophobie, ils avaient laissé la fenêtre arrière entrouverte. L’après-midi s’étaient passée entre des « Oh » et des « Ah » émerveillés de toute la famille, sauf la grand-mère qui s’était endormie gentiment sur la banquette arrière.

Quand Jérémie avait hurlé « La trompe ! » tout le monde avait sursauté, même la grand-mère dont la surdité ne s’arrangeait pourtant pas.

La trompe essayait effectivement de se faufiler par la fenêtre entrouverte et quand le père essaya de fermer la vitre, la trompe leur fit savoir qu’elle ne se laisserait pas faire…

13 mai 2013

Le prince charmant

Pendant vingt ans, elle avait vécu avec un faux prince charmant. Elle s’en était rendu compte en rencontrant le vrai, deux jours plus tôt…

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