L'urne
Dans l’urne, il y avait les cendres de son père. L’incinération – qui avait eu lieu deux jours plus tôt - l’avait fortement éprouvé : c’était sa première crémation. Il n’avait jamais été proche de son père, il passait d’ailleurs le plus clair de son temps à l’éviter. Ce n’était pas par hasard qu’il avait choisi d’habiter Nice alors que son père habitait Lille. Quarante années d’exaspération silencieuse, de non-dits, quarante années de faux-semblants… et cette punition supplémentaire que son père lui infligeait : l’incinération. Sans parler de ce petit récipient qu’il avait eu la faiblesse - la lâcheté ? - d’accepter, avec ces cendres qui finissaient par lui donner le vertige...
C’est dans le taxi qui l’avait amené à l’aéroport de Roissy, que lui était venue l’idée d’abandonner son père. Pourquoi pas les toilettes de l’aéroport ? C’était le lieu le moins surveillé pour déposer un petit colis en ces temps de névrose sécuritaire. Ni vu, ni connu ! Il lui suffisait de laisser le récipient derrière les WC et de s’éclipser, personne ne se souviendrait de l’homme au complet noir. C’est donc ce qu’il fit une heure avant d’embarquer, l’esprit presque tranquille.