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Presquevoix...
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9 juin 2012

la disparition

Sur tous ses bulletins scolaires, les professeurs avaient écrit invariablement : trop timide, réservé, inexistant,  endormi, ou pire : « invisible ». Dix ans plus tard, son invisibilité était telle que ses collègues de travail, l’appelait « le passe-muraille ». Un jour, il a disparu corps et âme et personne -  je dis bien personne -  ne s’est aperçu de sa disparition.

 

8 juin 2012

Les chaussures

Il avait fait son cours, comme d’habitude, et les élèves s’étaient envolés aussitôt, comme d’habitude. Mais deux minutes plus tard, il a vu revenir deux filles, hésitantes.

- Monsieur, il faut qu’on vous dise quelque chose…

- Oui… a-t-il dit.

- Ben vous avez deux chaussures différentes !

Il a regardé ses pieds immédiatement et a constaté, sidéré, qu’elles disaient la vérité. Il avait bien deux chaussures à bout pointu, mais l’une était noire et l’autre marron. Il les a regardées embarrassé en murmurant un merci.

- On préférait vous le dire, hein monsieur, au cas où…

Et elles sont parties. Lui est resté dans sa salle, atterré. Comment avait-il pu faire ça ? De quelle maladie était-il atteint ? Qu’est-ce que ce serait la prochaine fois ? Allait-il laisser sa braguette ouverte ? Juste à ce moment-là, il tâta sa braguette et  il se rendit compte, qu’effectivement, elle était ouverte…

7 juin 2012

Du rififi au Vatican

Au prix d’un habile subterfuge, il avait réussi à devenir le majordome du pape, et maintenant il se promenait, l’air pénétré, sous les dorures du Vatican. Il s’étonnait encore de la réussite de son projet, mais il est vrai que Jésus l’avait élu.

Son petit plaisir quotidien, malgré la gravité de la tâche qui l’attendait dans ce lieu Saint où Belzébuth tentait de mettre sa patte velue, était de taper « deductio ex pecunia » pour retirer ses billets au distributeur de la porte Sainte Anne.

Il se demandait combien de temps il lui faudrait pour gagner la confiance du  pape. Comment allait-il faire pour lui dire l’incurie de sa curie ? Comment lui signaler que l’Institut pour les Œuvres religieuses était accusé de blanchiment de sommes d'argent issues du narcotrafic et de réseaux de prostitution ? Comment lui faire comprendre que certains complotaient activement contre lui et qu’à chacun de ses repas, il risquait l’oraison funèbre ? Comment lui faire comprendre que Jésus Christ l’avait désigné, lui, pour assainir le Vatican et éviter sa mort ?




6 juin 2012

Un xanax sinon rien

Depuis qu’elle était au xanax, plus d’inquiétudes. L’effet apaisant était quasi immédiat : encore mieux qu’une caresse, qu’un massage ou qu’une séance d’acuponcture. Elle en prenait de façon préventive et enfilait parfois comprimé sur comprimé, à tel point qu’elle ne savait plus compter sur ses propres ressources. Le jour où elle avait dû affronter son patron sans comprimés, elle avait éclaté en sanglots. Ce détraqué l’avait traitée d’hystérique et  lui avait conseillé de prendre du xanax ! Depuis, elle avait toujours une boîte d’avance dans son sac…



5 juin 2012

La surprise

pastelle4- Comment tu le trouves ?


Mal à l’aise dans sa mini-jupe qui la moulait un peu trop, elle ne savait pas quoi dire. Il lui avait promis une surprise et en fait de surprise, elle était devant une coque à la peinture écaillée qui, dos à la mer, attendait sa fin prochaine. Elle finit par balbutier.


- Euh, c’est… enfin… c’est ça  la surprise ?
- Oui, c’est ça, lui répondit-il les yeux brillants. Tu ne trouves pas qu’il est beau ?


Elle se demandait ce qu’il trouvait de beau à ce truc échoué. Elle n’arrivait même pas à imaginer cette vieille carcasse voguant sur les flots.


Lui guettait ses réactions. Il comprit immédiatement que cette fille n’était pas sensible à la beauté des choses ; son corps était presque parfait, certes, mais elle ne manifestait aucune émotion. Il lui sourit méchamment et  conclut.


- Tu t’attendais à autre chose ?


Elle tira sur sa jupe trop courte et ne répondit rien. Elle aurait espéré qu’il l’embrasse ou tout au moins qu’il lui prouve qu’il la trouvait  désirable, mais non, rien. Elle l’a vu s’approcher du bateau échoué, le caresser, puis il est revenu vers elle et lui a dit.


- Bon, on part ?


PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Pastelle

4 juin 2012

La télé pour chiens

Quand elle partait, même pour une heure, elle lui mettait la télé : Caligula ne supportait pas la solitude. Cette simple présence évitait les aboiements à répétitions et les moquettes lacérées. Bien sûr, l’abonnement était cher, mais que ne ferait-on  pas pour un compagnon aussi précieux ?
Il y a deux semaines, une nouvelle chaîne de télé avait produit le premier feuilleton pour chien et Caligula, qui avait suivi le premier épisode avec plaisir, ne voulait en rater aucun. D’ailleurs, si elle n’allumait pas la télévision à 14 h 30 précises - heure du feuilleton « Un chien presque parfait »   - Caligula montrait les dents…

3 juin 2012

« Enfermé dehors »

A 14 heures, son fils était venu le voir sur le balcon pour lui signaler qu’il partait en ville, puis il lui avait dit « A plus » avant de tirer la porte. Lui avait continué à corriger tranquillement ses copies.


Quand à 14 h 30, il avait voulu aller aux toilettes, il s’était rapidement rendu compte que la porte du balcon ne s’ouvrait plus. Comment ce crétin avait-il pu faire une telle imbécillité ? De « crétin », somme toute mesuré, il passa à « ce putain d' andouille » et,  5 minutes plus tard,  il éructait contre  « ce connard qui d’habitude ne pense jamais à fermer quoi que ce soit mais qui là, l’enferme sur la terrasse ! ».


Il essaya de se remettre à ses corrections de copies, mais le cœur n’y était pas. Il remarqua que des nuages noirs commençaient à s’amonceler : l’orage n’était pas loin. Il ne voyait qu’une issue, casser un carreau, mais la vision de la facture à payer retint son geste et il se concentra tant bien que mal sur ses copies.


Au moment où la première goutte de pluie tomba, il entendit une porte claquer. Il se rua vers la porte fenêtre et tambourina comme un fou. En voyant  le visage de son père ravagé par la colère, le fils eut presque envie de le laisser hurler sur le balcon, mais, il se dit que de toutes façons, il faudrait bien l’affronter un jour…

PS : « l’homme est un animal enfermé à l’extérieur de sa cage », disait Valéry.

2 juin 2012

La rose inaccessible

Tu es cette rose inaccessible, lui avait-il murmuré.  Moi ? Une rose ? avait-elle répondu, et des grappes de notes  s’étaient échappées de son rire lumineux. Il l’avait regardée, comme seuls savent regarder ceux qui n’aiment qu’une fois.

Un mois plus tard, la rose avait commencé à se faner, et il lui retirait  un à un ses pétales flétries par la mort.

PS : texte suggéré par une musique d’Anthony Girard : « la rose inaccessible » ( Dans la rubrique "écouter" colonne de gauche)

 

1 juin 2012

La punition

Comme il avait volé de l’argent dans le tiroir-caisse de la boulangerie, son père  l’obligea à faire le tour du quartier avec une pancarte qui portait la mention suivante : « Je suis un voleur ! ». Trente ans plus tard,  les quolibets des gens du quartier le réveillaient encore la nuit… 

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