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Presquevoix...
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6 juillet 2020

Duo de juillet

Nouveau duo avec Caro du blog lesheuresdecoton. Nous utiliserons dans ce texte, à l'endroit de notre choix, une phrase de Mado :


"Au plus tendre du poignet, à la plume, elle avait signé son envol d'un trait d'encre".

Voici le texte de Caro, le mien sera publié Mercredi prochain.

 

 

Cet été-là

 

Léane regarde les cinq colis que le livreur a déposés. Ils sont maintenant coincés entre le comptoir et l’armoire jusqu’à ce soir. D’ordinaire, avec ses cafés à tout heure et ses drinks au pied de la mer, la cahutte est bondée. D’ordinaire, tante Phyléa est la maîtresse des lieux. Cet été-là, cette dernière erre chez elle, abîmée par un virus qui a envahi le monde. D’ordinaire, les serviettes et les châteaux de sable redessinent la plumeplage. Cet été-là, la moitié des vacanciers espérés sont restés chez eux.

D’ordinaire, Léane vient aider sa tante pendant la haute saison : à la rentrée elle retrouve Lille, les petits boulots, Matthias son compagnon et Chevron, le chat. Elle connaît la cahutte depuis ses 15 ans ; elle venait y faire le coup de main. A défaut des vacances que ses parents ne lui payaient pas, les soirs à longer l’océan l’emportaient ailleurs. Ici rien n’est tout à fait réel, l’été est entre parenthèses. Il a cette odeur douce des peaux gorgées de crème solaire et de sel. Ici, elle a appris à surfer correctement et a engrangé les veillées avec braseros sur la plage et les amours faciles. Ici, elle a su le goût inégalable de certaines enfances.

Un groupe de touristes luxembourgeois vient de quitter la paillotte. Il est 10 h, seul en terrasse, l’homme au polo rêve devant son café. Il se lève et laisse quelques pièces. Il vient chaque jour, le matin et avant la fermeture. Il est chic et sobre, sans ostentation. Un soir, alors que la nièce et la tante prenaient l’apéritif une fois le rideau de la devanture baissé, Phyléa s’était imaginée lire les lignes de la main de ce client dont le prénom leur était inconnu. La cocasserie du curriculum qu’elle avait alors improvisé les avaient amusées toutes deux jusque tard dans la nuit.

Cet été-là, Léane a posé ses bagages dans la chambre minuscule qui l’accueille pour la saison depuis ses 15 ans. Elle a laissé derrière elle, Lille, Chevron, le chat, et Matthias.

Léane sait que rien n’est sûr dans les plis hasardeux d’une paume, mais lire un visage… De l’homme au polo, elle discerne les lignes de vie majeures : pas d’amertume au coin des lèvres, le pli de celui qui rêve et réfléchit, le réseau infime au coin des yeux qui marque le rire. Alors que Léane débarrasse la table, elle trouve un papier froissé : "Au plus tendre du poignet, à la plume, elle avait signé son envol d'un trait d'encre". La jeune femme regarde le minuscule tatouage qui orne, depuis son arrivée, son poignet droit, une plume d’où s’envolent de minuscules oiseaux. Elle observe l’homme qui s’éloigne, il faudrait qu’elle ose lui parler. Il faudrait quelle lui rende le papier qu’elle tient dans sa main.

 

 

 

 

 

 

Commentaires
G
Un virus qui met l'été, Léane et les autres dans une parenthèse inattendue, celle d'un océan qui vogue sur les lignes de vie de l'imagination... une plume qui nous fait rêver aussi.
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K
Belle ambiance Caro !<br /> <br /> <br /> <br /> Léane s'envole, Matthias s'endort...
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M
Ce délicieux flottement de tous les possibles... <br /> <br /> JolieS plumeS !
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D
Une plume s'inscrit sur le texte lui-même : les tatouages sont vraiment partout ! :-)
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A
une âme charitable devrait prévenir Matthias en douceur ;-)
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