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Presquevoix...
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11 mai 2012

Le long sommeil

Emerge de ton sommeil, comme une urgence*... ce sont les derniers mots qu'elle l’avait entendu prononcer avant de s’endormir à nouveau. Depuis, plus rien, ou plutôt si, des souvenirs inconnus qui s’affolaient et lui hurlaient qu’elle avait passé vingt ans à oublier.  Pourquoi avait-elle accepté de se soumettre à cette expérience ? On ne revient jamais indemne d’un tel voyage. Maintenant qu’elle savait tout, comment pourrait-elle vivre ?

Lui, la contemplait les yeux perdus et le cœur au bord des lèvres. Il n’en finissait pas de répéter, comme un automate au mécanisme déréglé : « Emerge de ton sommeil, émerge de ton sommeil… ». Et seul le vent lui répondait, ainsi que ce bruit sourd, comme une musique qui accompagne le passage de la vie à la mort…

* Phrase empruntée à cette vidéo de Janeczka. N’hésitez pas à entrer dans son univers où  poésie, voix, musique, vidéo et photo se croisent à l’infini.

 

10 mai 2012

Le lifting

Hier, ma mère m’a dit que j’avais l’air fatiguée et que j’aurais vraiment besoin d’un lifting. J’avais très envie de lui tendre un miroir, mais je ne l’ai pas fait : c’est ce qu’on appelle l’amour filial.

9 mai 2012

Le bulletin de vote

Il s’était mis sur son 31 pour aller voter. L’heure était grave, il y allait de l’avenir de la  France et du sien, même si le sien était déjà derrière lui. La canne à la main, le bulletin de vote dans sa poche droite et sa carte d’électeur dans celle de gauche, il s’était rendu à l’école Prévert en clopinant afin d’accomplir ce qu’il estimait être le premier devoir d’un citoyen.
Une fois dans l’isoloir, il prit son bulletin qui se glissa avec difficulté dans l’enveloppe car sa main tremblait ; l’émotion, ou peut-être la maladie de Parkinson. Au moment où il ferma l’enveloppe, il eut un doute : avait-il vraiment fait le bon choix ? Son cœur se mit à battre à une vitesse folle et  quand il sortit de l’isoloir, il s’écroula. On ne réussit pas à le ranimer.
Il avait 86 ans. L’histoire ne dit pas pour qui il voulait voter.

PS :Texte écrit à partir de cet article, lu dans Nice matin 

8 mai 2012

Duo

Nouveau duo avec caro-carito, du blog les heures de coton. Nous devions utiliser quelques mots de cette chanson de Barbara, sans oublier le titre de celle-ci : Perlimpinpin.
Le texte que vous allez lire est de caro-carito, quant à mon texte, il  est sur son blog, les heures de coton.


                                                           _____________________________

 

Perlimpinpin

En me levant, le jour avait disparu. Était-il même né ? Je sais pourtant que C’est l’été, que pas une goutte de pluie n’a effleuré la ville depuis des mois, des semaines. D’ailleurs est-ce que le temps existe encore…

Une ampoule tremblante éclaire les contours de mon studio. Une mince pellicule couleur cendre recouvre les quelques meubles et le lino, colle aux vitres. J’ouvre le robinet et laisse couler un filet d’eau jaune que je ferai chauffer et auquel j’ajouterai une cuillère de café en poudre. Tâtonner dans le frigo pour trouver de quoi déjeuner.

Je suis dans la rue ; pendant mon sommeil, un courrier électronique m’a annoncé un travail. Sans plus d’indications qu’une adresse à l’autre extrémité de la ville, une lande de banlieue morne et lointaine. Peut-être un bureau au fond d’une cour aux murs gris. Espoir d’un peu d’argent et l'assurance d’heures penchée à une table avec la lumière absente. Je vis dans un pays où l’aube n’a plus sa chance.

Je marche vite. Des cris, des explosions, l’écho du passage d’un char. Le ballet des hélicoptères qui vole toujours trop près. Pour qui, comment quand et pourquoi ? Contre qui ? Comment ? Contre quoi ? Personne ne sait, nous errons à travers les rues pour un peu d’argent, un peu de pain. Dans nos boîtes électroniques, des milliers d’informations s’écrasent en une bouillie de mensonges et de défiance. Suintant une solitude telle que l’on en perd le goût de vivre, le goût de tout.

La cour sombre se referme, il fait nuit ; j’ai glissé entre ma peau et mon jean humide ma fiche de paye et les billets. Je gravis ce qu’on appelait jadis une colline, je traverse d’un pas ce qui est un fil d’eau et fut un fleuve. Un enfant pleure quelque part. Il y a toujours un enfant qui pleure.

Dans la pénombre, le fantôme d’un jardin frissonne. Longer la rue que l’on appelle encore Saint-Denis. Un écornifleur et trois badauds sous un porche : un carton sur lequel sont posés trois verres à l‘envers, une pièce qui disparaît. Des enseignes dont le rouge criard tranche sur l’ombre. Un homme se tient devant une porte entrouverte. Sa peau a la teinte du blanc de céruse et il porte un haut de forme. Il s’incline devant moi et soulève un rideau bleu peuplé d’étoiles. J’entre.

J’entends sa voix de Monsieur Loyal chantonner : « Je suis pour le soleil couchant en haut des collines désertes. Car un enfant qui pleure… » Un cabaret aux murs tendus de rouge et doré. Un piano rit quelque part. Je me blottis dans un coin de la pièce, le velours est doux et Monsieur Loyal me tend un verre. Les ampoules trop tôt vieillies masquent plus qu’elles ne dévoilent les mouvements autour de moi, hommes, femmes, je ne sais. Monsieur Loyal revient plus tard avec un autre verre et me glissera alors : « l’ivresse vous fait sourire ». Je sens son corps qui se presse contre moi. Quelques accords plaqués et les notes douces de ses mots et d’un accent presque éteint. « Nous vivions à perdre le goût de vivre, le goût du pain et surtout celui du perlimpinpin. » Le blanc de céruse s’estompe et je devine une peau jeune encore.

La salle est déserte, je me lève en titubant. Cela serait l’aube si elle existait. Mes vêtements sont fripés. La rue Saint-Denis est déserte. Sur ma peau des paillettes dorées comme un lever ou un coucher de soleil et contre ma peau, près de mes billets, une carte de visite.


Monsieur Loyal, 97 ter rue Saint-Denis
fabricant de poudre de perlimpinpin
et de feux de tendresse.

C’est en rencontrant la soie du rideau de la porte d’entrée, que je vois sur mon bras mille paillettes et que je sens une main, jeune encore, qui me presse, m’entraîne. Je marche et le sol tangue sous le roulis d’une mélodie muette, je suis vivante.

 

 

7 mai 2012

La carte Malin

A chaque fois qu’il allait au Cora, la caissière lui demandait s’il avait la carte Malin. Un jour, las de répéter la même chose, il répondit à la caissière de son air le plus triste.

-  Non, je n’ai pas réussi le test. Vous pourriez me dire quand sera la prochaine session de rattrapage ?

 

6 mai 2012

L’oral blanc

Il avait révisé son bac blanc de français dans sa chambre, le MP3 vissé sur ses oreilles. Ses 15 textes avaient  été bâclés : il faut dire que Rimbaud, Baudelaire, Balzac, La Fontaine et les autres le déprimaient gravement.


Le jour de l’oral du bac blanc, il arriva un peu en avance pour tâter l’ambiance. Un copain, qui était passé juste avant, lui avait dit en désignant le professeur : elle craint !


Il devait s’attendre au pire. Quand il entra, il avait la gorge sèche. Le professeur choisit un poème de Baudelaire, pile celui sur lequel il n’avait rien à dire. Elle avait dû deviner. Il fit contre mauvaise fortune bon coeur et essaya de griffonner quelques idées. Les vingt minutes de préparation lui parurent très longues. Quand le professeur l’appela, il sourit ; l’amabilité donnait parfois des points. Il ânonna péniblement son explication et le professeur hocha la tête à plusieurs reprises, l’air dubitatif. A la fin, elle lui demanda :


-    Vous avez vu ce poème en cours ?


Il lui répondit sans hésiter que oui et elle enchaîna avec un large sourire :


-    Et vous étiez présent ?


Putain ! Fut la seule chose qui lui vint à l’esprit ; il se demanda même s’il ne l’avait pas dit à voix haute. Elle lui posa deux  questions subsidiaires sur le poème et les réponses qu’il lui donna la firent grimacer. Le professeur le congédia en concluant :


-    Pauvre Baudelaire, depuis ce matin il en entend de toutes les couleurs et il se retourne dans sa tombe, mais vous, je crois que vous l’avez achevé une deuxième fois !

5 mai 2012

L’annonce

« Représentant en sex-toys, petit, mais drôle, cherche jeune femme bien sous tous rapports pour sorties et plus si affinités. »
C’était l’annonce qu’il avait fait passer dans le journal local. Maintenant, il attendait les réponses. Il avait préféré donner sa taille d’entrée, inutile d’entretenir l’illusion ; quant à sa profession, il savait qu’elle ne laissait aucune femme indifférente.

4 mai 2012

Le curé

25 ans de messes, 800 enterrements, 250 baptêmes, 600 mariages, il n’en pouvait plus. L’église tombait en ruines, les fidèles se raréfiaient et les messes ne ressemblaient plus à rien, même si celles de Noël et de Pâques faisaient encore bonne figure. Lui-même avait perdu le goût des sermons, des évangiles et  de l’eucharistie. D'ailleurs, il passait le plus clair de son temps  au café... et il finit par y faire ses homélies, sous les applaudissements des fidèles avinés.

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