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Presquevoix...
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29 février 2012

Danser

raph4

 

Quand elle était petite, elle s’exclamait : c’est beau la danse ! Maintenant, elle danse, pour de vrai.  Quand son professeur lui dit : Monte ta jambe ! Plus haut ! Attention, tendu !  Tendu je te dis ! Elle a envie de bondir et de lui tordre le cou. Mais elle sait qu’il a raison. Il lui faut tendre cette jambe et elle la tend. Elle y met même toute son attention. Que de torsions, de tensions et d’application. Etre dans chaque mouvement, chaque figure, chaque arrondi, chaque plié… Danser encore et toujours, pour être un corps présent dans la beauté de l’instant.

 

PS : texte écrit à partir de cette photo de R. B.

28 février 2012

Le Strangers’ Bar

Arrivée depuis peu dans ce pays, elle essayait les bars, comme d’autres essaient les chaussures. Quand elle a poussé la porte du Strangers’ bar*, elle a remarqué, surprise, qu’il n’y avait aucun étranger. Elle s’en est étonnée auprès du garçon,  planté derrière le bar. Il lui a répondu, morose.
-  Vous êtes la première étrangère que je vois depuis longtemps. On les a tous renvoyés chez eux, pas de travail pour eux ici. Je dis pas ça pour vous, hein, mais bon, c’est comme ça !
-  Pourquoi vous changez pas le nom du bar, alors ? Au moins ça serait clair.
-  Oh, les noms… a-t-il fait d’un air désabusé.
Puis il a ajouté, en la regardant bizarrement.
-  Vous savez, les politiques ça va ça vient. En tout cas, maintenant, les étrangers ont pas la cote ici…
Elle a bu son jus d’orange d’un trait, puis elle est partie au plus vite…

*le bar des étrangers

27 février 2012

Duo

Pour ce nouveau Duo avec Caro, du blog « les heures de coton », voici les ingrédients : une citation de Eric Holder, lue sur le site de Patrick Cassagnes  - Comment expliquer... cette cassure entre vouloir et ne pas pouvoir ? -  puis ce fado, chanté par  Mariza, “ gente da minha terra ”.

Voici son texte, le mien est sur son blog.

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Un charme qui vient du nord… ou bien du sud ?

           " Comment expliquer... cette cassure entre vouloir et ne pas pouvoir ? "

 

caroElle lui avait dit qu’il pouvait l’appeler de jour comme de nuit, que cela ne la dérangeait pas. Il l’avait regardée, étonné. Vraiment ? Même à minuit ? Même au petit matin ? Même s’il la réveillait ?

Elle répondit. Non. Aucun souci. Mais est-ce qu’on croit vraiment ce que l’on dit ? Au fond, ne pense-t-on pas que l’autre va être flatté et puis qu’il oubliera ? Une sorte de bonne parole qui ne coûte pas cher.

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Il est trois heures six du mat, un dimanche, et la bonne parole se rappelle soudain à elle. Réveil en sursaut. Elle sourit pourtant. Elle a reconnu le jingle annonçant un texto de lui. Elle ne l’avouerait pour rien au monde, mais les SMS amoureux - et coquins - et même plus - l’enchantent.

Six mots l’attendent. Six mots, trois fautes d’orthographe et une baffe sentimentale. Elle ne sourit plus. Ce n’est pas la première fois qu’elle se fait plaquer. Mais par SMS en plein milieu de la nuit, c’est une première.

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Le lundi soir, elle atterrit dans un bar au look phosphorescent. Elle trinque avec Lulu qui a le même don d’aligner les aventures courtes et sentimentalement assassines. Deux heures à boire et à tournicoter autour de cette question existentielle : comment refuser un mec, comment ne pas recommencer les mêmes erreurs ? Vouloir et ne pas pouvoir, c’était un résumé lapidaire et réaliste de leurs vingt-sept années de vie, trois mois, quatre jours et des poussières de minutes.

Après avoir partagé un mètre de shooters, Lulu et elle s’étaient fait le serment de devenir des femmes fortes, de ne plus délirer sur le premier Scandinave venu. Parce que ça aussi c’était un problème. Pourquoi s’être focalisées toutes les deux sur les blonds types surfeurs avec un cul de rêve. Ça hypothéquait singulièrement leurs chances de réussite en amour. Un peu comme envoyer seulement quatre CV bien ciblés quand on habite une région sinistrée, avec 38 % de taux de chômage chez les moins de trente ans. En vidant leur dernier verre, elles avaient pris ensemble la décision symbolique de s’inscrire à des cours de flamenco. Le nouveau focus : une population masculine exclusivement brune.

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Dix jours après, elles poussent la porte du club lusophone de  Saint-Quentin. Une odeur inconnue et intrigante vient de la cuisine ; une vidéo passe en boucle. Lulu va directement vers un brun fortement décoloré. Bonjour la résolution ! Hésitante, elle finit par se planter devant la télé : une nana aux cheveux si ras, qu’elle aurait voulu être capable d’arborer la même coupe, y danse et gémit avec grâce. Elle sent les larmes rouler sur ses joues. C’est malin, pour son premier cours de fado, elle va être moche à souhait.

Et puis, cette main sur son bras. Un parfum de musc et de vanille. Elle en a la chair de poule. L’impression de s’être transformée en une statue de marbre. Quand elle entend la voix de Manuel Teixeira et qu’elle se retourne, elle retrouve ce réflexe d’enfance. Une prière muette : « Faites, mon Dieu, s’il vous plaît, que cet homme ne me brise pas le cœur comme les autres. J’ai tenu ma promesse, il est brun, pas blond comme le gars qui tient déjà Lulu par la taille. Père, je ne veux plus souffrir. » Elle ferme les yeux et les ouvre. Sa bouche s’arrondit en une cerise rouge à croquer et elle suit docilement l’homme qui la tient par la main et l’amène vers une porte au fond de la salle. Sur l’écran, les mains de la femme en noir se serrent tandis que la voix chante, pleure, sourit. Espère.

26 février 2012

On a marché sur la lune

P8040114On a marché sur la lune ! Le monde entier pouvait s’écrouler, peu lui importait, il y avait Tintin, Milou, et lui.

Onze ans plus tard, Tintin et Milou avaient disparu. Dans la lune, par contre, il y était souvent, même si parfois il cherchait un endroit où il pourrait poser pied…

PS : texte écrit à partir de cette photo prise par C. V.

25 février 2012

Le chapeau

Elle n’allait  au spectacle que pour exhiber ses chapeaux. Le dernier en date, un bibi à plume de paon, lui avait valu les foudres d’une spectatrice placée juste derrière elle. Elle lui avait pourtant répondu de façon courtoise.

- Rassurez-vous, je l’enlèverai dès que le spectacle commencera.

Mais la dame ne l’entendit pas de cette oreille. Elle le lui arracha en ajoutant que sa plume, elle pouvait se la mettre...

 

 

24 février 2012

Echange

Quand il avait volé le sac de la vieille, il avait couru aussi vite que sa grande taille le lui permettait. Seulement, il avait ouvert la bouche et son dentier était tombé. Pas le temps de le ramasser, on était déjà à ses trousses. Une semaine plus tard, la police lui rapportait son dentier. En échange, il dut mettre des menottes…

23 février 2012

L’excuse

Ce petit mot d’excuse authentique qu’un élève du lycée a envoyé par mail, à son professeur principal, est un modèle du genre. En dehors d’une orthographe  libérée de son « carcan », on pourra noter l’utilisation de l’énumération et de  la polysyndète qui donnent à ce message une saveur certaine :

« Je ne pourrai pas assister au BAC blanc ce lundi 20 puisque il m'ai très difficile de me déplacer, mais également car je suis atteint d'une conjonctivite et d'une ottite et également parce que la voiture de mon père est en panne. Mon certificat médical a déjà été donné à M.  E. »

Il y en a sur qui le sort s’acharne !!!

 

22 février 2012

La voisine

Hier, j’ai fait la connaissance de ma nouvelle voisine, âgée, mais adorable, tellement adorable qu’elle m’a proposé, pour mon déménagement, de garer le camion devant sa porte de garage. Je lui ai demandé malgré tout.


-    Vous êtes sûre et certaine que cela ne vous dérange pas. Je ne voudrais pas abuser.
-    Mais non, pas du tout, m’a-t-elle assuré de son sourire le plus charmeur.


Je lui ai souri en retour et je me suis dit que j’avais vraiment de la chance de tomber sur une voisine pareille. C’est tellement rare les personnes âgées qui spontanément vous proposent de vous rendre la vie plus simple.


Le lendemain, j’arrive avec la camionnette et quelques amis venus pour m’aider. Comme convenu, je l’arrête devant chez elle et on commence à débarrasser les affaires. Deux heures plus tard la police arrive et me dit de laisser l’accès libre au portail. Je leur réponds que si je suis garé  là, c’est  en accord avec la voisine. Amusé,  le policier à moustaches me répond.


-    Voyez-vous, ça m’étonnerait vraiment. Madame vient justement de nous appeler pour nous dire que vous refusiez de bouger votre camion !


Je n’ai pas pu m’empêcher de pousser un « merde » retentissant. Elle allait voir ce qu’elle allait voir cette…

21 février 2012

Le bavard

C’était un bavard intarissable. Quand il mangeait à la cantine, tous les sujets étaient passés en revue : sa femme, ses enfants, ses loisirs, son travail, ses maladies, ses lectures, ses films préférés... Jusqu’au jour où l’une de ses collègues lui fit remarquer qu’elle ne pourrait imaginer pire punition que de rester bloquée dans le même ascenseur que lui…

20 février 2012

Einstein habite chez moi !

Il y a quinze jours, mon mari a invité un ami d’enfance. J’avoue que quand je l’ai vu, ça m’a fait un choc : c’est le SDF qui fait la manche à la sortie de la boulangerie. Je lui ai dit bonjour, poliment, en interrogeant mon mari du regard. Il m’a dit.

- Bernard restera quelque temps chez nous. Il ne sait pas où aller et comme on a la chambre du bas... tu sais que Bernard et moi on était à l’école primaire ensemble ?

J’ai acquiescé avec une certaine répugnance. Grande était  mon envie d’expédier Bernard sous la douche, mais je me suis retenue. Il est descendu au rez-de-jardin avec son bardas noirci par la crasse et moi, j’ai attendu dans la cuisine que mon mari remonte.

Je passe sous silence  nos violents échanges, porte fermée. Mon mari a conclu sur ses mots.

- Tu verras, il te surprendra.

Lors du premier repas,  Bernard s’était lavé, mais il y avait toujours cette crasse qui n’avait pas pu partir sur ses mains. Il a pris part à la conversation, a glissé deux ou trois citations qui m’ont étonnée, puis il s’est endormi sur son assiette, vide heureusement.

C’est au troisième repas que les choses ont pris une autre tournure. Il avait mis une chemise bleue et ses main semblaient plus blanches, comme s’il les avait patiemment récurées. Il a commencé en disant : “L'homme évite habituellement d'accorder de l'intelligence à autrui, sauf quand par hasard il s'agit d'un ennemi.” J’ai levé les yeux de mon assiette, je me demandais s’il  parlait pour moi. Et il a continué : “ En apparence, la vie n'a aucun sens, et pourtant, il est impossible qu'il n'y en ait pas un ! ”
Mon mari lui a juste demandé.

- La rue ? C’est à cause de ça ?

Et il a fait oui de la tête. Puis il a voulu un bout de papier et s’est lancé dans une démonstration mathématiques qui a laissé mon mari abasourdi, lui qui pourtant se targue d’en connaître un rayon sur les maths. Je l’ai entendu annoner.

- Quoi ? Tu as démontré la conjecture de Syracuse ?

Pour moi, Syracuse c’était la Sicile et la chanson de Salvador, pas la conjecture. Les gribouillis s’accumulaient sur la feuille qui, d’ailleurs, s’avérait trop petite. Je m’ennuyais – j’ai toujours détesté les mathématiques – et je me suis retranchée dans la cuisine pour ranger un peu.

J’étais entrain d’essuyer les dernières assiettes quand j’ai entendu mon mari pousser un hurlement accompagné d’exclamations.

- Tu es un Dieu vivant Bernard ! Putain, mais comment tu as pu faire ça ?  Tout seul ! En vivant dans des conditions plus que précaires ! Putain Bernard, mais c’est dingue !

Ensuite, j’ai vu son ami se pencher à nouveau sur sa feuille et, fébrilement, la consteller de suites improbables...

Le lendemain j’ai croisé Bernard dans la cuisine, juste avant d’aller au travail et, en me regardant fixement, il a dit en détachant les syllabes.

-" Celui qui ne peut plus éprouver ni étonnement ni surprise, est pour ainsi dire mort : ses yeux sont éteints ".

Je lui ai dit bêtement  Merci Bernard. Et depuis, cette phrase me trotte dans ma tête...


PS : les citations entre guillemets sont supposées être d’Einstein

Texte écrit dans le cadre des impromptus littéraires.

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