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Presquevoix...
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18 avril 2011

Les chaussettes

Il a  pris les chaussettes posées sur la chaise près du lit et a dit à sa femme d’un ton péremptoire.
- C’est pas à moi, ça, c’est trop petit !
Elle lui a conseillé de les essayer malgré tout. Il y a consenti et a vérifié, gêné, qu’elles lui allaient comme un gant.
- Tu te vois toujours plus grand que tu n’es, a-t-elle conclu en haussant les épaules.

16 avril 2011

L’interdit

Une fois par mois, ils allaient faire la fête au cimetière. Ils emportaient des packs de bières et buvaient sur les caveaux pour "faire la nique aux morts". C’est tout au moins ce qu’ils disaient. Seulement, ce samedi-là, ils étaient allés plus loin, peut-être à cause de Kevin qui leur avait déclaré de sa voix de chef que cette putain de société ne méritait qu’une seule chose : Qu’on l’encule !

Le lendemain, on découvrit que la moitié des tombes étaient couvertes de croix gammées. Pourquoi ? Personne ne le sut jamais, pas même eux...

15 avril 2011

Apnée

Je suis né dans un aquarium. Ma mère a toujours eu de drôles d’idées, même avant ma naissance. Quand j’ai ouvert les yeux, je me suis trouvé nez à nez avec un gros poisson triste qui tournait en rond dans une eau trouble. De sa voix sans voix il m’a chuchoté.
- Tu vois, c’est ça la vie ! Et puis il a disparu.
Il m’a fait si peur que j’ai voulu retourner dans le ventre de ma mère, mais il était trop tard. Elle avait fermé sa porte à clef, sans état d’âme.
Aujourd’hui, j’attends qu’on m’ouvre l’autre porte…

14 avril 2011

Le journal

Il était accoudé au comptoir du café de la Mairie, un verre de rouge à la main et le verbe haut quand son collègue de boisson lui dit.
- Tiens, tu veux Paris Normandie, Maurice ?
- Paris Normandie ? J’ai jamais lu un journal de ma vie, je vais pas commencer aujourd’hui.

Il ne répondit rien. Maurice était vraiment trop con. Sa femme avait raison, s’il continuait à fréquenter le café de la Mairie, il tournerait mal. Il valait mieux qu’il mute au café de la Gare, plus cosmopolite.

13 avril 2011

Le pantalon

Retenir sa respiration, il fallait à tout prix qu’il la retienne pour pouvoir  rentrer dans son pantalon en coton blanc. Il enfila la première jambe, la deuxième, le remonta progressivement et se mit en apnée au moment de fermer le bouton, mais rien n’aurait pu combler les cinq centimètres qui manquaient !
Il l’enleva anéanti. La vie était cruelle. 
Il préféra n’en rien dire à sa femme ; elle se serait gaussée. Il faut dire qu’une semaine plus tôt, il lui avait fait remarquer qu’elle ne risquait plus de rentrer dans sa robe de mariée... 

12 avril 2011

Le sanglier

J’ai lu dans le journal Paris Normandie de samedi dernier, qu’un sanglier a été abattu dans la cour du lycée Jeanne D’arc. Pauvre bête, qu’est-ce qu’elle est venue se fourvoyer dans un lycée de centre-ville, si loin de la forêt ? A moins qu’il ne s’agisse d’un prof réincarné en sanglier ? Peut-être avait-il la nostalgie des élèves et du parfum des  classes…
Bien mal lui en a pris : il faudra qu’il se réincarne à nouveau. Mais peut-on se ré-réincarner ?

 

11 avril 2011

Demain sera parfait

Aujourd’hui, Caro-carito du blog « les heures de coton » est l’invitée de « Presquevoix ».
Notre consigne : écrire à partir de Toiles de Egon Schiele et de la phrase « Demain sera parfait ».

Caro a choisi toiles suivantes: Schiele1Schiele3, Schiele4, Schiele5

Voici son texte, le mien, quant à lui, se trouve sur son blog.

Demain sera parfait ( de caro-carito)

Si je fermais les yeux, j’entendrais son parfum et ce rire, épais. Madame Bertille Durand se tient devant moi. Ma mère l’appelait Bertilla. Ou Bertha, les mauvais jours. Maintenant, toutes les filles lui donnent du Madame. Je n’y couperai pas non plus. Ma mère est morte, Madame Durand a repris les rênes de la Tolérance. Ma grande grand-tante, la première propriétaire, avait quelques lettres. Elle avait ouvert cette maison close haute et bringuebalante comme un chapeau de milord après une nuit de bamboche. À deux pas du canal. On la disait veuve.

 Hier, après les vêpres, la seule messe où le curé avait toléré nos présences, j’ai dérobé le flacon qui trônait sur sa table de toilette. Elle aime le doré, madame Bertha. J’ai reniflé le bouchon taillé comme un gros cabochon et j’ai essayé de retrouver les essences, musc, ylang ylang. Pas de ylang ylang mais de la vanille. Ensuite, j’ai fermé les yeux pour retrouver l’odeur d’herbe verte du parfum qu’utilisait Maman. Elle sentait le printemps et la pluie qui essuie la ville. Même en hiver, quand elle portait son fourreau brillant et ses pierres qui s’agitaient sur ses mains et se glissaient sous ses longues boucles. En montant dans ma nouvelle chambre, que je partage avec Agnès, j’ai plongé dans la malle où étaient serrées mes affaires. Pas la moindre trace de poudres, de fards, des bijoux. Juste un paquet avec, tracées à la main, les lettres de mon prénom. À l’intérieur, j’ai trouvé des bas rouges et soyeux.

 Madame Bertille Durand toussote et me tend une boulette. « Ne renifle pas, ce n’est pas du savon, ça se consomme. Tu demanderas à Agnès comment. Maintenant, tu n’es plus une gamine. D’abord, tu me vires ce chiffon que tu portes, du crêpe noir ! Et puis quoi encore… Un deuil ne dure que le temps d’une messe et après, c’est fini. Comme les petites gâteries à ces messieurs, bouche pincée et menottes qui papillonnent. Dès ce soir, tu passes aux choses sérieuses. Les cuisses de crevette, ils aiment aussi en guise de plat de résistance, ces fils de notables. »  Elle humecte avec délicatesse ses lèvres roses d’un fond de vin cuit. D’un ton suave, elle ajoute. « Tu n’as plus de mère. Désormais, tu fais partie de mes filles. Allez va te préparer et si tu as envie de pleurer et que tu fais ta sentimentale, ce porte-bonheur t’aidera à ne pas trop penser. Ainsi, demain sera parfait. » Et de me glisser la boulette visqueuse dans ma main.

 Je la mets dans ma poche, essayant d’oublier son parfum huileux. Je ne fais pas confiance à cette odeur, traître, qui se colle aux murs et aux nuits dès que les lampes se tamisent. Je la donnerai à Agnès qui affectionne ces boules pâteuses et qui les cache derrière une mauvaise plinthe. Je grimpe les escaliers qui deviennent au fil des étages de plus en plus raides, je passe une passerelle et un couloir. Je pousse la porte de la chambre n° 6, il est temps que je range mes affaires sur l’étagère vacante. J’étale les bas rouges sur la couverture de mon lit. Maman me les a achetés à cause des gravures qui étaient accrochées dans ma chambre, au-dessus de mon petit bureau. J’aimais les recopier. Je finis par les trouver tout au fond, emballés dans du papier marron, sous mes chemises.

 Dans ma poche, il n’y a plus rien, j’ai posé la boulette sur l’oreiller de ma camarade. Je tremble un peu, le froid et le soir qui approchent. La fenêtre n’a pas de volets et le store est cassé. À l’aube, je pourrais crayonner. J’ouvre une boîte maculée de peintures d’où je tire un paquet de plumes, de pinceaux et de crayons. Je renifle une des mines pointues. Le vermillon n’a pas d’odeur ou peut-être la trace de la morsure du taille-crayon dans le bois tendre. Je fixe ce rouge qui claque comme les baisers de ma mère juste avant qu’il ne me faille aller me coucher. Je lui laissais ma place dans le salon vert où ces messieurs, après m’avoir longtemps passée de mains en mains, avaient les yeux brillants et le geste volubile.

 Sur mes doigts,  la caresse d’un pastel, la griffure du fusain. Peut-être, si j’en trouve le courage, dans le petit matin, j’ouvrirai le flacon d’encre de chine. Je m’assois sur mon lit. Enfouies dans leur papier bruissant, cinq gravures, cinq esquisses, une façade de briques bancales, des étoffes et des tissus qui enserrent des cuisses tendres. Je touche cette peau transparente que mes bas ne recouvrent pas. Ce peintre leur dessinait de jolis corps, à ces femmes…

 

 

10 avril 2011

Bal masqué

Il y a des bals masqués où l'on préfèrerait ne pas être reconnue…
Si vous voulez lire le texte, c’est ici. Le texte est de gballand et le montage de Patrick Cassagnes.

9 avril 2011

Préservatifs renforcés

Il était devenu « capotier » sur le tard – peut-être un coup du destin - et il vendait du préservatif comme d’autres vendent de la pizza au mètre. Sa spécialité : le préservatif renforcé.
L’oreillette vissée à l’oreille,  et le coffre rempli de kits de survie, il patrouillait sur les routes lyonnaises en suivant la courbe des passes, de jour comme de nuit. Des lingettes aux sex toys, les dessous de l’amour tarifé n’avaient aucun secret pour lui…

*Brève écrite  à partir de cet article -  le capotier de lyon - vu sur le site de Rue 89. N’oubliez pas de regarder la vidéo !

8 avril 2011

Le dictionnaire d’espagnol

Depuis une semaine, le dictionnaire d’espagnol traînait sur la table du salon ; il n’avait toujours pas commencé à étudier son texte « adapté », de Garcia Marquez, au programme du baccalauréat. Soudain, samedi 2 avril, à 19 heures pile, elle l’a vu se saisir du dictionnaire comme s’il y avait urgence. Agréablement surprise, elle n’a pu s’empêcher de lui demander.
- Tu vas te servir du dictionnaire d’espagnol ?
Sa réponse lui ôta tout espoir.
- Ben oui, j’en ai besoin pour aplatir des feuilles de philo !
Elle sentit que le texte resterait à l’état de jachère et que l’espagnol ne serait jamais, pour lui, qu’une langue obscure parlée par une peuplade « barbare » de la péninsule ibérique qui avait colonisé l’Amérique…


 

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