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Presquevoix...
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20 janvier 2011

Le canapé du préfet

couverture2Elle avait connu le préfet par hasard, ou presque, sur une route de campagne : sa voiture avait percuté la sienne et après le constat le préfet lui avait sa tendu carte de visite où il avait griffonné son numéro de portable. Qui sait ?  Peut-être aurez-vous besoin de moi un jour ? lui avait-il dit en  posant son regard sur ses longues jambes bronzées. Elle, elle lui avait jeté du  « Monsieur le préfet » plus que de raison car elle savait que les hommes étaient sensibles à ces petits hochets.
Elle regrettait juste que le préfet ne soit pas bel homme : petit, râblé, affecté d’une myopie prononcée, cet homme sentait le renfermé. Elle essaya d’imaginer a sa vie de couple – il avait une alliance - sans succès.
Elle lui téléphona la semaine suivante, juste pour vérifier si le numéro existait vraiment. Au téléphone le préfet prit de l’assurance, sa voix se fit mielleuse, ses sous-entendus précis et elle accepta un rendez-vous :
- Disons 14 heures, samedi, dans mon cabinet, nous serons tranquilles. Appelez-moi quand vous serez devant la grille, rue Flaubert.
Elle accepta - qu’avait-elle à perdre ? -  peut-être le convaincrait-elle ?
Le cabinet, était spacieux. Elle se mit à l’aise et lui se débarrassa de sa veste. Il crut qu’elle avait  peur de lui  et il la rassura ; il n’était pas homme à abuser de jeunes femmes. La photo de sa femme trônait sur le bureau, il la glissa subrepticement dans un tiroir. Restait le portrait du président. Elle  lui signala qu’elle ne supportait pas son regard.  Il sourit et dit simplement :
- Oh, ce con ? J’en fais mon affaire ! et il le fit disparaître dans les toilettes.
Quand il revint du  coin cuisine attenant au bureau, il avait une bouteille de champagne à la main et deux coupes.
- Nous allons fêter notre rencontre, qu’en dites-vous ?
- Génial ! s’enthousiasma-t-elle,  nous sommes vraiment seuls ?
- Oui. Le pied ! fit-il dans un grand rire, plus personne pour me tracasser.
Il remplit son verre, le lui tendit et ils trinquèrent au départ du Président qui, vraiment - c’est ce qu’il lui dit mot pour mot -  « faisait chier le peuple ». Ce préfet lui plaisait de plus  en plus.
- Alors, dit-il après avoir vidé son verre, un deuxième ?
Ils en burent un deuxième, puis un troisième et ils s’affalèrent sur le canapé :
- Beau canapé, hoqueta-t-elle.
- Un cadeau de notre président, dit-il en voulant l’embrasser.
Elle se déroba mollement.
- Si vous, enfin, si vous et moi… balbutia-t-il gêné, que voudriez-vous en échange ?
- Eh bien si je couche avec vous sur ce magnifique canapé, je vous demande de tuer le président, c’est très simple.
Le visage du préfet devint cramoisi, il déboutonna sa chemise et toussa violemment comme s’il allait vomir. Puis il reprit contenance.
– C’est votre dernier mot ?
Elle sourit à sa réplique et répondit :
- Oui, c’est mon dernier mot.
- Au fait, comment vous appelez-vous, je ne le sais même pas.
- Carla ! ça fait un peu italien, un peu « femme de mauvaise vie », vous ne trouvez pas ?
- Cela vous va à ravir. Eh bien d’accord, j’accepte votre offre. Il y a longtemps que ce type…
Mais il ne termina pas sa phrase. Il la déshabilla avec un tact rare chez un homme et l’acte fut consommé sans fausse note. Avant de partir elle lui tendit l’arme. Il la rangea dans le dernier tiroir de son bureau en merisier et lui dit timidement :
- Comment vous m'avez trouvé… enfin j’ai un peu perdu la main et…
- Vous étiez parfait, dit-elle avec le sérieux d’un professeur évaluant un élève, sans doute cela manquait-il d’un petit grain de fantaisie, mais bon,  préfet et fantaisie font ils bon ménage ? N’oubliez pas votre promesse si vous voulez me revoir.
- Vous pouvez me faire confiance. Je connais l’agenda du Président par cœur ! Pour parler comme dans les mauvais feuilletons, je crois que je vous ai dans la peau.
- Vous m’en voyez ravie, fit-elle en lui caressant la joue.
Il la raccompagna jusqu’à l’entrée de service et la regarda s’éloigner dans la semi-pénombre. Cette fille était un vrai remontant, et puis finalement, le Président l’avait bien mérité, à force de n’écouter que lui…
Un mois plus tard les journaux annonçaient que le Président avait été assassiné chez lui dans de mystérieuses conditions.

PS : Texte écrit à partir de cette couverture créée avec ce merveilleux site, ici. Je ne m'en lasse pas !

Commentaires
G
Merci du passage et pour le site, c'est vrai qu'il est formidable...
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T
toujours épatée par une telle imagination !<br /> <br /> j'ai découvert le site "Un titre" sur ce blog (contente aussi que cela vienne de chez Coumarine), et je confirme que ces couvertures sont très inspirantes, puisque en panne pour le enième thème que je devais proposé pour les Impromptus je me suis servie de ce site (je le note sur mon blog)<br /> c'est donc un peu grâce à GBalland que le thème des Impromptus existe cette semaine :o)))<br /> Merci !!!
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G
Encore merci, d'ailleurs, pour cette découverte.
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C
je vois que tu profites au max de ce site des "éditions aléatoires"... c'est terriblement efficace...<br /> comme ton texte!
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G
Eh bien oui, tutoyons nous, ce sera plus simple.
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