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Presquevoix...
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15 janvier 2009

Le miroir ( gballand )

A trop se regarder dans le miroir on finit par y voir le diable, mais Marc ne le savait pas*…
Quand il avait emménagé dans son nouvel appartement, il avait mis  des miroirs partout, non qu’il se trouvât beau, mais pour se surveiller. Depuis que Jeanne l’avait quitté il était devenu gros, triste et chauve ; c’était insupportable. Il comptait sur la thérapie des miroirs pour trouver la force de changer de corps.

Pour remplacer Jeanne, Marc avait pris un chien, un bâtard, le plus laid, exprès. Un chien ne remplace jamais tout à fait une femme, mais il avait besoin d’entendre respirer à ses côtés.

L’animal n’aimait pas les miroirs, surtout celui de la salle de bain. Quand Marc s’en approchait, il aboyait à fendre l’âme. Sans doute devinait-il que ce miroir-là était le plus cruel d’entre tous les miroirs. Marc l’appelait « le miroir du diable » et ce qu’il  y voyait, semaine après semaine, le remplissait d’effroi.


Un lundi, tourmenté par son reflet et fatigué des aboiements du bâtard, il décida de détacher le miroir pour le mettre à la cave. Aussitôt que le miroir fut au sol, le chien s’en approcha en remuant la queue, comme s’il avait compris que l’objet allait bientôt disparaître. Il le flaira, puis tomba raide sur le carrelage, un filet de bave à la gueule.


Marc fut incapable de faire un geste. Son regard incrédule allait du miroir aux flancs immobiles de la bête et il resta longtemps ainsi. Quand il se résolut enfin à faire un pas et qu’il s’agenouilla près du chien, il vit se dessiner, sur la surface polie du miroir, le visage de son père, déformé de vin et de colère. Comme il se saisissait d’une serviette de bain pour couvrir l’objet, deux mains puissantes aux racines veinées sortirent du reflet,  lui agrippèrent le cou et serrèrent. Marc lutta comme il put, mais les mains eurent raison de lui.

* phrase proposée par le site des “impromptus littéraires” dans le cadre de leur atelier hebdomadaire

Commentaires
G
Il fallait oser.
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D
L'âme possède un miroir, dit-on. Il doit être sans tain, si Jauffret cette expression.
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G
Coumarine : J'ai les microfictions, mais c'est un pavé à distiller au fil des jours. Où je vais chercher ça, au plus profond, là où c'est tout noir.<br /> <br /> Valériane : Les fins parfois laissent parfois sur notre faim, c'est vrai.
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V
J'ai beaucoup aimé le spectacle des miroirs et cet homme avec son chien - Un rapport à l'image de soi et d'un autre -<br /> J'ai un peu moins apprécié la fin mais je ne suis "une fan tastique" mais l'imagination a bien circulé -<br /> Merci pour ce moment A+
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C
Alors là...les microfictions, tu vas A-DO-RER!!<br /> C'est dans la même veine...<br /> Terrible! Fantastique! Effrayant!<br /> (mais où vas-tu chercher tes idées? tu devrais expliquer ça...)
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