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Presquevoix...
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7 juillet 2008

Le professeur de piano

blogam_1Sa fille était maintenant installée au piano. Comment pouvaient-elles être aussi différentes ? Elle la voyait empruntée, hésitante, les doigts raides, appliquée comme souvent l’étaient les élèves sans disposition aucune pour la musique, alors qu’elle, au même âge, enchaînait les valses de Chopin sous le regard admiratif de son père. L’échec de sa fille était un peu le sien, et elle lui en voulait. Les petites phrases qu’elle lui glissait à la fin du cours en était la preuve « Ma pauvre chérie, tu l’as bien martyrisé, cette valse ! » ou « Je suis sûre qu’en jouant ce morceau tu as réveillé M. Diabelli qui dormait bien tranquillement dans sa tombe ! »
Quand elle constatait que les mains de sa fille s’avachissaient sur le clavier, mon dieu, elle n’en pouvait plus ! Elle s’excusait auprès du professeur et allait prendre l’air dans le jardin. Cette enfant ne ferait jamais rien de bien au piano, jamais ! Alors, pourquoi continuer à lui faire donner des cours particuliers qui lui coûtaient les yeux de la tête et  ne servaient à rien, sinon à entretenir le professeur ?
Le professeur de sa fille était un homme jeune et courtois. Il avait un visage mince aux pommettes saillantes  et ne se départissait jamais de son sourire, quoi qu’il arrive. Quand la leçon était terminée, elle lui remettait le chèque hebdomadaire en  plongeant son regard dans ses yeux dont la couleur  était si particulière… ce n’était ni du bleu, ni du gris, mais une teinte unique qui lui rappelait les reflets de la rivière où elle allait se baigner enfant. Elle dut admettre que les cours de sa fille n’étaient qu’un prétexte pour  voir le professeur. Il était si doux, si patient, tout le contraire du père de l’enfant. Et ses doigts merveilleusement longs, quel bonheur de les voir courir sur le clavier lorsqu’il jouait un nouveau morceau à sa fille ! Le dernier cours, en l’observant à la dérobée, elle n’avait pu s’empêcher de se demander quel goût avaient ses lèvres et comment il faisait l’amour.
Du jardin où elle avait trouvé refuge, elle entendait encore sa fille qui butait sur les notes de cette petite valse de Diabelli. Mon Dieu comme elle était maladroite ! Elle lui en voulait de donner une aussi mauvaise image d’elle au professeur.

* Texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par  Mû, du blogamû

Commentaires
G
A Mu : ah... je m'approchais donc de quelque chose..<br /> A Charivari : dur d'être un enfant. Il m'arrive même parfois d'avoir envie de pleurer en voyant certains enfants...
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C
pauvre enfant ...
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M
Vous n'êtes pas loin de la vérité... La mère douée pour la musique et la fille pour la danse.<br /> (ce n'est pas de moi dont il s'agit ici). Sauf que la mère n'a pas forcé la fille à étudier le piano, même à cause du professeur....<br /> Belle journée, ensoleillée je l'espère, à vous.
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