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Presquevoix...
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20 juin 2008

le portrait

- Je commence à me ressembler, sais-tu ?

Il ne dit rien, il reste impassible comme toujours. Elle continue.

- Oui, je deviens enfin moi, je commence même à m’aimer, ça t’en bouche un coin, hein ? lance-t-elle un peu frondeuse avant de poursuivre.

- Il faut dire que tu avais si bien travaillé que j’ai failli ne jamais réussir…dur de remonter la pente quand on est au fond du trou… si j’allais plus loin, je me demande même pourquoi tu m’as épousée…tu ne dis rien ? Tu as raison, mieux vaut que tu continues à te taire.

Rêveuse, les yeux dans le vague elle tape son menton de son index, la tête légèrement inclinée et reste debout, en face de lui.

- Dis-moi, ce n’était pas ma fortune ? Je n’avais presque plus rien quand nous nous sommes mariés, papa avait tout dilapidé avant de se suicider. Ni ma beauté, on me disait terne, toi le premier ? Alors, quoi, je continue à me poser la question…Pensais-tu que tu pouvais faire de moi ta chose, me modeler et me tyranniser à volonté ? Etait-ce jubilatoire de se moquer de celle qui aime, de se gausser sans cesse de sa façon de se tenir, de s’habiller, de la railler devant les autres, de la tyranniser chaque instant, de la déprécier devant ses amis, de la mépriser pour la rendre encore plus pitoyable, de la tourner en ridicule dès qu’elle faisait une erreur, de la battre juste ce qu’il fallait pour que cela ne se voie pas ? J’ai eu mal à crever, comme des coups de couteau qui m’entraient dans le cœur… mais finalement c’est toi qui es mort et c’est moi qui t’ai crevé ! Tu ne t’attendais pas à un coup pareil, normal, tu avais une si haute opinion de ton pouvoir, tu ne pouvais imaginer que mon amour pour toi allait se transformer en une haine mortelle.

Du bout du doigt elle caresse les contours du visage.

- On me plaint, on dit de moi que je suis forte et si courageuse…il y a même le notaire qui me fait la cour…il est si chou, c’est un plaisir de se faire désirer et de se savoir attirante. L’institut de beauté et le coiffeur ont fait des merveilles, toi-même tu ne me reconnaitrais pas, j’ai dû me regarder longuement avant d’admettre que c’était bien moi.

L’horloge sonne deux coups.

- Il faut que je te laisse, j’ai rendez-vous, j’ai tellement de choses à faire depuis que tu n’es plus là. Les bons pensants imaginent que c’est pour oublier que je me lance dans les affaires, les sots ! J’aime brasser l’argent et je ne suis pas mauvaise au contraire…je ne voudrais pas te faire de la peine mais heureusement que je t’ai tué, tu nous aurais ruiné comme mon père, il était temps que je prenne les rennes de la fabrique.

Elle tourne les talons non sans avoir lancé un baiser au portait accroché au-dessus de la cheminée.

- Au revoir mon amour, à ce soir !

Commentaires
M
Une histoire qui, par son ambiance et la chute finale, me rappelle mes "Chroniques de l'Etrange", voire "La Quatrième Dimension". Bien amené. Bravo.
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A
il suffit qu'un homme disparaisse pour qu'une femme se transforme...je ne plaisante pas.
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G
Cynique mais on le sait bien, il suffit qu'un homme disparaisse pour qu'une femme se transforme.( je plaisante) Evidemment la méthode utilisée est un peu... expéditive, non ?
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L
J'adore ce genre de crimes...<br /> Je dirais même, un vrai petit bonheur.<br /> <br /> Je souris...
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Presquevoix...
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