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Presquevoix...
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15 juin 2008

Le train de Venise

gareUne pluie battante, un froid glacé, un automne de chien, une vie lacérée où le seul chemin qui s’offre est la fuite… Son sac en bandoulière, il s’engouffre dans le hall de la gare. Le panneau d’affichage indique  la voie numéro 4. Encore trois quarts d’heure avant le départ. Il décide d’aller sur le quai et constate que le train de Venise semble s’être endormi sous un nuage de poussière. A Venise, personne ne l’attend, personne ne l’attend nulle part. Il va à Venise pour faire semblant. Une voix troublante annonce les départs : qui n’a pas été amoureux  de la femme du haut-parleur* ? Quel est le corps de cette voix ? Sa vie est un port qui n’accueille plus de femme depuis 12 mois. Son corps ressemble à un bout de bois mort, sans doute quelque chose s’est-il cassé dans l’horlogerie fragile du désir, sans doute  ne peut-il plus…
Il monte dans le train de Venise où il a pris un compartiment individuel et s’installe sur sa couchette après avoir pris soin de sortir un livre de Patricia Highsmith - L'inconnu du Nord express. A Chaque tournant de sa vie, il lit un livre d’elle, il aime croire à l’implacabilité du destin. Un coup de sifflet arrache le train à sa torpeur automnale ; ce départ ravive le goût amer de la fuite qui ne l’a jamais abandonné depuis son enfance.
Il essaie de s’adapter au rythme du train qui n’en finit pas d’essayer de trouver une vitesse de croisière quand  on frappe à la porte de son compartiment : un coup bref, puis un autre, plus faible. Il hésite un instant et finit par ouvrir, la curiosité est  plus forte que l’ennui. Une  femme brune, grande, le fixe sous ses cils noirs, sans rien dire.  Que lui veut-elle ? Elle est belle, une beauté sombre qui lui fait presque peur. Ils se regardent. Il voudrait lui dire quelque chose, il croit  la connaître mais il ne peut proférer un seul son, sa voix est bloquée dans l’arrière gorge. Elle semble vouloir  rentrer dans le compartiment, rester peut-être ? Lui,  la  regarde comme s’il l’avait déjà condamnée. La femme aux cheveux noirs ignore cette condamnation,  son corps est maintenant  devant lui jusqu’à le frôler, mais au moment où elle fait un geste vers lui, il lève le poing, l’abaisse et  émet un cri qui lui déchire la poitrine

– N’approche pas,  je n’ai plus rien à te dire, je ne veux plus te voir ! 

Elle semble perdre l’équilibre et  recule en titubant loin, très loin, là où elle ne le rejoindra plus…

* phrase lue dans l’un des livres de Sébastien Japrisot.

PS : photo gentiment prêtée par le rédacteur du blog : http://www.galileo-web.com

Commentaires
G
Merci de ta lecture et de ton appréciation.
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C
tes textes...toujours entre rêve et réalité...<br /> Et qui font froid dans le dos...<br /> Donc réussis!
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Presquevoix...
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