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Presquevoix...
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21 mai 2011

L’homme de chambre

Il venait d'expédier la 103. Il ne lui restait plus que la 108 et sa journée serait terminée. Il poussa son chariot et le plaça juste à côté de la chambre.
Il fit glisser le badge, ouvrit la porte et entra. À l’intérieur, l’odeur était étrange : un mélange de nuit, de parfum et d’épices. Le lit était sens sus dessous et la cliente avait oublié un teeshirt rose fuchsia sur une chaise.  Il se souvint que la veille, le client de la 107 avait oublié un slip, et que  l’avant-veille, celui de la 110 avait laissé ses chaussettes.
Il était en train d’enlever les draps du lit quand la porte de la salle de bain s’ouvrit. Il se redressa instantanément. Une jeune femme brune, souriante, en soutien-gorge, se tenait sur le seuil.
-    Tenez, vous tombez bien, dit-elle d’une voix fraîche, à ma place vous mettriez quoi : le rouge  ou le bleu ?
Il la regarda bouche bée.
-    Ça ne va pas ? On dirait que vous allez vous trouver mal !
Il  sentit que la chambre tournait comme un manège, sûrement cette odeur de nuit, ce parfum inconnu, et puis cette chair nue… Quand il se réveilla, il était allongé sur le lit, en slip, et la cliente de la 108 avait disparu…

PS : Toute ressemblance avec des personnes existants ou ayant existé ne serait  que pure coïncidence.

20 mai 2011

Les cadeaux

A Noël, quand Jean faisait un cadeau à Paul, l’humiliation traçait un sillon noir au creux de son âme ; les cadeaux de Jean étaient toujours beaucoup plus chers que les siens. Il n’oubliait jamais de remercier  Jean poliment, comme on le fait avec un étranger. Pourtant, ils étaient frères…

19 mai 2011

La nouvelle tête

Il avait rêvé qu’on lui greffait une nouvelle tête. Il s’était même réveillé avec un léger mal de cou, mais il n’y prêta pas attention. Il prit son petit déjeuner, alluma son ordinateur, mit de l’ordre dans son courrier, prit sa douche, s’essuya tranquillement avec la serviette de bain, puis il se plaça face au miroir pour se raser. Et c’est à ce moment que sa vie a basculé : dans le miroir, ce n’était plus lui.
Cela faisait exactement 33 jours qu’il vivait avec une autre tête que la sienne et personne – sinon lui - ne voulait l’admettre. 
Même son ex-femme lui avait dit :
-    Mais enfin Jean-Louis, c’est bien toi. Tu as toujours la même tête. C’est peut-être ça qui t’embête, finalement ?

18 mai 2011

Les berceuses de l’âme

Depuis son voyage chez les pygmées, elle avait arrêté son travail de secrétaire au service des examens du Rectorat de Paris pour devenir « guérisseuse ».
Elle recevait ses « patients » dans une petite salle qui avait un mur mitoyen avec le bureau de son mari, professeur dans un obscur lycée de la banlieue parisienne. Et, lorsqu’il corrigeait, harassé, ses 35 copies de philosophie, il entendait les lancinantes berceuses pygmées supposées guérir les âmes blessées. Malgré son profond amour de la musique, il maudissait le jour où, pour leurs vingt ans de mariage, il lui avait offert ce voyage au Congo…

17 mai 2011

Jalousie

Elle voulait être fidèle à son nouvel amant alors qu’en 20 ans de mariage, elle ne lui avait jamais été fidèle à lui, son mari. Il ne la comprenait plus.
Cette fois, il avait une bonne raison de divorcer.

16 mai 2011

Le canard

C’est Maurice qui avait eu l’idée du canard pour faire la manche ; lui, ça ne lui disait rien.
- T’as tort ! Lui avait répondu Maurice, têtu. Une bête, c’est une pompe à fric, les gens adorent ça ! Et en plus,  à la fin de la journée on pourra se payer une bouteille de cahors qu’on boira à la santé du  canard.
 Gérard  n’aurait jamais dû écouter Maurice. Le palmipède  ne tenait pas en place et en désespoir de cause, il l’avait attaché. Il venait juste de  terminer l’opération « fil à la patte » quand une hystérique le menaça de son parapluie.
- Un canard en laisse ! Vous n’avez pas  honte !
Il préféra ne rien répondre, mais elle continuait de s’agiter et  son parapluie virevoltait dangereusement dans les airs.
- C'est ignoble d'exploiter les canards ! Je vais vous signaler à la SPA, moi, vous allez voir !
- Occupe-toi de ce qui te regarde ! Lui répondit Gérard énervé.
Mais la dame ne l’entendait pas de cette oreille.
- Plutôt que de tenir un pauvre canard en laisse, vous devriez aller travailler, feignant !
Un petit attroupement s’était déjà formé autour d’eux.  Il se rendit rapidement compte que les gens prenaient parti pour l’hystérique. Il ne lui restait qu’une solution : la fuite. Il prit le canard sous le bras et détala comme un lapin. La bête affolée jeta des « coins coin » pathétiques qui lui vrillèrent les tympans. Après deux minutes de course, à bout de souffle,  Gérard desserra l’étreinte et le canard s’échappa d’un coup d’aile.
Il trouva refuge sur le toit d’une voiture où il se dandinait en cancanant à qui mieux mieux. Il avait vraiment l’air de se moquer de lui. Des enfants qui revenaient de l’école rirent de bon cœur quand ils virent Gérard  invectiver l’animal en le menaçant de son poing.  Il faut dire que question injures, il se posait là Gérard !
 La scène aurait pu durer longtemps, mais deux policiers surgirent. En les voyant, Gérard blêmit.  « Merde, les poulets » siffla-t-il entre ses dents et il détala à nouveau.
Maurice lui en voudrait à coup sûr ; il avait sué sang et eau pour attraper son canard dans le square Verdrel.
Ce soir-là, ils n’auraient ni cahors, ni canard rôti …

PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

15 mai 2011

Le Mac Do

Au Mac Do, aucun menu n’était affiché sinon le Happy meal. C’est ce qu’il a demandé sans remarquer que la vendeuse lui adressait un drôle de regard.
Quand elle lui a tendu la petite boite colorée avec le bonhomme masqué qui glissait sur un toboggan jaune, sans oublier le cadeau qui allait avec, son sang s’est glacé dans ses veines. Il a réglé la somme demandée puis il est parti s'asseoir à l'extérieur. Il faisait froid, mais au moins,  personne ne le verrait manger son "Happy meal". Il a enfourné son minuscule sandwich, s’est attaqué aux frites en une bouchée pour terminer sur la mini-compote à la pomme ; trois minutes montre en main.

14 mai 2011

La porte

porte1Cette porte, son mari n’avait jamais voulu l’arranger. « Elle est bien comme elle est » disait-il. Maintenant qu’il était mort, qui allait s’en occuper ? Certainement pas elle, ni sa fille qu’elle ne voyait plus depuis longtemps. Quand elle lui avait demandé pour quoi elle ne venait jamais, celle-ci lui avait répondu.
- Tu le sais très bien !
Elle n’avait pas insisté, sachant que sa fille allait ressasser la même histoire à dormir debout. Pourtant une petite fille était née, elle aurait bien voulu la tenir dans ses bras. Mais sa fille avait été inflexible.
- Tu veux peut-être qu’il lui arrive la même chose qu’à moi ? Tant qu’il sera avec toi, c’est non !
Maintenant qu’il était mort, allait-elle revenir la voir ? Allait-elle pardonner ?

PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Patrick Cassagnes

13 mai 2011

Le casque

Quand elle le vit déambuler dans la maison avec, sur les oreilles, son énorme casque dont les fils pendaient sans être rattachés à rien, elle lui demanda si c’était une nouvelle mode.
Il la regarda de haut et lui répondit que le casque sur les oreilles, c’était pour se plaquer les cheveux : il venait de se les laver et il ne voulait pas qu’ils partent dans tous les sens !

12 mai 2011

Le corps

b_teauxUn début de matinée poisseux, un soleil qui de toute évidence n’en finirait pas de paresser derrière les nuages et la radio qui déroulait sa série de catastrophes : Fukushima, Sarkozy, Ben Laden…
Finalement je suis sorti. Mieux valait se geler dehors que s’anesthésier entre quatre murs. La brume avait déroulé son linceul sur les eaux sombres et j’avais presque envie de me jeter dans leurs bras. Pourquoi attendre ? Qu’est-ce que je pouvais espérer ? Quand j’ai entendu le « Plouf » qui m’a fait sursauter, je n’ai pas hésité. J’ai eu du mal à ramener le corps. J’ai appris depuis que le gamin s’appelle Alexandre et qu’il a 17 ans.
Ce matin, j’ai eu sa mère au téléphone. Elle m’a remercié. Elle voulait me voir. J’ai refusé. Qu’est-ce que je lui aurais dit ? Que moi aussi, un jour, mon fils…? Non, je connais trop bien l’histoire. J’ai déjà eu mon compte. Je préfère oublier et me noyer dans la brume.

PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Patrick Cassagnes

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