Le corps
Un début de matinée poisseux, un soleil qui de toute évidence n’en finirait pas de paresser derrière les nuages et la radio qui déroulait sa série de catastrophes : Fukushima, Sarkozy, Ben Laden…
Finalement je suis sorti. Mieux valait se geler dehors que s’anesthésier entre quatre murs. La brume avait déroulé son linceul sur les eaux sombres et j’avais presque envie de me jeter dans leurs bras. Pourquoi attendre ? Qu’est-ce que je pouvais espérer ? Quand j’ai entendu le « Plouf » qui m’a fait sursauter, je n’ai pas hésité. J’ai eu du mal à ramener le corps. J’ai appris depuis que le gamin s’appelle Alexandre et qu’il a 17 ans.
Ce matin, j’ai eu sa mère au téléphone. Elle m’a remercié. Elle voulait me voir. J’ai refusé. Qu’est-ce que je lui aurais dit ? Que moi aussi, un jour, mon fils…? Non, je connais trop bien l’histoire. J’ai déjà eu mon compte. Je préfère oublier et me noyer dans la brume.
PS : texte écrit à partir de cette photo gentiment prêtée par Patrick Cassagnes