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Presquevoix...
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21 décembre 2010

Le départ

Chaque jour, les rituels de départ au travail étaient de plus en plus éprouvants, il vérifiait ci, puis ça, il revenait chercher des documents, puis d’autres, il oubliait son portefeuille, puis revenait le prendre, jusqu’au jour où il ne partit plus  travailler car, une fois les rituels accomplis, il était déjà l’heure de rentrer du travail.

20 décembre 2010

Les étrennes

Quand il voulut mettre le courrier dans la boîte aux lettres du numéro 34, un chien surgi de nulle part lui attrapa la manche et ne la lâcha pas. Il eut beau la secouer dans tous les sens, l’effroyable roquet tenait bon. Une femme glapit de derrière la haie :
- Il est pas méchant, pas la peine d'avoir peur ! et encouragea l’animal à abandonner sa proie.
La dame sortit de derrière les branchages et lui dit :
- A chaque fois qu’il y a un étranger c’est pareil, pourtant il est gentil, je vous assure.
Le facteur, mal remis de ses émotions, conclut d’une voix sèche :
- Quand on a un roquet comme le vôtre, on l’enferme chez soi ou on a une boîte aux lettres ailleurs.
Il pensa que cette année, au 34,  ce ne serait pas la peine de passer avec ses calendriers, il n’y aurait pas d’étrennes…

19 décembre 2010

Les ombres

S’il ne l’avait pas vue sur le carrousel, dans sa robe blanche, rien ne serait peut-être arrivé….

Le montage est de Patrick Cassagnes et le texte de gballand.  Pour lire le texte, c’est ici

18 décembre 2010

La caissière

Contre toute attente, il s’exhiba devant la jeune caissière* du supermarché. Si elle fut surprise, elle n’en montra rien et lui dit sans sourciller :
- Nous n’acceptons que les cartes bleues ou les chèques monsieur.
Le monsieur en question – un homme de taille moyenne d’une soixantaine d’années -  remballa très vite ce qu’il avait eu le toupet de sortir et partit sans demander son reste. Il en oublia même ses articles sur la caisse, mais la jeune femme ne le rappela pas.


*Titre d’un fait divers de Paris Normandie

17 décembre 2010

La maison d’arrêt

Quand il est sorti de la maison d’arrêt à 14 heures, son baluchon sur l’épaule, il a attendu un long moment devant le portail en fer. Puis il est reparti. Non, personne ne le rappelait, il était bien libre.

16 décembre 2010

Duo

Caro-carito du blog « les heures de coton », m’a fait la suggestion suivante : que nous écrivions chacune un texte qui s’appuierait sur les trois éléments suivants : la photo de Tilu, du blog l’œil aux aguets, la citation de Lê Thánh Tôn - empereur vietnamien de la deuxième moitié du 15è siècle - " Quand le chagrin est là, une journée dure autant que trois automnes"- et la chanson « hors saison » de Francis Cabrel.
Voici nos textes, le premier est de Caro-carito, le deuxième  de gballand

val_tiluElle (caro-carito)

Quand le chagrin est là, une journée dure autant que trois automnes.*

Il s’est arrêté au milieu du large quai bétonné. À quelques mètres de là, il entrevoit une ombre glissante, son ombre, familière. Il hésite à s’asseoir sur le bois humide d’une dernière pluie. Il attendra, fixant les allées et venues d’une mer indécise. Une inconnue liquide dont le grain lui rappelle un reflet perdu, un regard, identique au sien. Des souvenirs d’après-midi cuisants envahissent la station balnéaire. Les étés où, face à face, vouloir à toutes forces s’emparer de l’univers de l’autre, sous la frange de cils noirs. Une lutte fratricide où s’affrontent deux horizons bleus de cendre qui virent au gris, les soirs de fatigue ou de colère. Elle et lui, du haut de leurs neuf et sept ans, se tiennent immobiles, fiers, tendus jusqu’à céder ensemble pour rejoindre le ruisseau voisin et plonger brusquement dans l’eau chantante.
C’est en fouillant son bureau qu’il a découvert une carte postale avec, au dos, quelques phrases au crayon gris et trois billets de seconde classe. Même destination, trois automnes, trois années. Il a alors pris le premier train. Un voyageur assis à l’autre bout du compartiment, l’arrivée dans une gare où l’unique guichet est fermé. Il s’est enfoncé sans se retourner dans les rues silencieuses. Les boutiques sont closes. Il est presque midi, la saison passée. Debout, tremblant, il a respiré dans un square la fin d’un automne qui s’accroche aux branches nues, des jours que le vent du Nord balaiera. Pour replonger, atteindre une ruelle, espérer un signe.
Il s’est soudain immobilisé devant un bed and breakfast aux volets d’un bleu passé. Il  pousse la porte, le son aigrelet d’une sonnette l’accueille. Une vieille dame apparait. Il n’a pas à extraire de sa poche le portrait d’Anne. À la brusque hésitation qui a secoué les frêles épaules quand il s’est penché pour signer le registre, il a su. C’est ici qu’elle s’était réfugiée, taisant sa retraite aux parents, aux proches. À lui, son frère.
La mer grignote lentement la plage. Une mouette boitille vers lui. Proches… L’enfance enfouie sous les demi-voltes de la jeunesse... Un jour, Anne est devenue Mme Rowlands. Lui a bivouaqué à droite, à gauche, au milieu d’insondables canopées, au fond de vallées désolées. Ils ne se voyaient plus qu’au repas de famille annuel, notant instinctivement les changements de l’autre: la peau tannée, la main baguée posée sur un poignet d’homme, les expressions que l’on ne reconnaît pas, les absences… Puis, au hasard d’une grève des contrôleurs du ciel, un café impromptu. A Orly. Il lui avoua s’être fiancé avec la solitude. Elle fit mine de le croire... lui qui n’aimait rien tant que la vie en groupe. Il esquiva l’éclat de souffrance dans ses yeux délavés. Elle divorça deux ans plus tard aussi discrètement qu’elle s’était mariée, quitta un travail puis un autre. Disparut pendant de longues semaines.
La mouette s’est envolée. Il devine l’écho de ses présences. La première année, lorsqu’elle a su qu’il lui restait si peu de temps à vivre. Jusqu’à la fin. L’hôpital avait prévenu des parents trop âgés, absents. Il a accouru par réflexe, fouillé tout l’appartement. Avec désarroi, il saisissait le fil cassé d’une vie jumelle, pris dans l’écheveau de ses propres errements.
Alors qu’il quittait l’hôtel, la vieille femme de l’hôtel lui a tendu un sac et les journaux qui précédent la mort de sa sœur. Elle avait dû les acheter selon un dit du père : en province, on ne peut respirer sans le quotidien local. La digue grise est déserte. Il devine qu’Anne s’est tenue, là, où l'horizon prend tout son sens. A-t-elle souffert, il ne saura jamais. Ses derniers jours se résument à quelques lignes, un fait divers : une femme, jeune encore, qui s’affale sur un banc près des flots tranquilles. Il a lu que ciel était limpide ce vendredi-là. Les rayons du soleil l’avaient peut-être réchauffée, bercée jusqu’au dernier instant.
Dans son étau immobile et terne de mer, de ciel et d’absence, la ville le ramène à elle. Quant aux regrets… ils accompagneraient ce regard bleu cendre qui ne le quittera plus jamais.

*Lê Thanh Tong Nostalgie des guerriers

val_tiluLe beau-père (gballand)

Le cerf-volant, un instant suspendu dans la lueur grise de l’après-midi lui disait que la fragilité pouvait aussi être force. Elle tendit son visage à la pluie pour laver le chagrin qui lui avait creusé les traits. Peut-être n’aurait-elle pas dû revenir ? Le banc où elle était assise suintait les peines et elle contemplait l’étendue verdâtre de la mer. Deux mouettes s’approchèrent d’elle mais elle les regarda avec indifférence. Elle repensait aux longues heures passées dans la chambre de son enfance, à la maison silencieuse aux volets clos, aux voisins disparus, à l’absence, aux rouleaux du temps qui la ballottaient au gré de saisons qu’elle ne voyait plus, puis elle ferma les yeux. Elle revit le jardin où les embruns accrochaient des fleurs de sel au lierre qui envahissait la façade, lui dans sa chaise longue, le visage pâle protégé par un chapeau de paille qui lui mangeait le front et près de lui la lettre qu’il ne lui aurait peut-être pas envoyée.

Elle l’avait lue : « J’ai cru pouvoir t’aimer mais comment aurais-je pu ? Tu ressemblais trop à ton père. Peut-on s’avouer qu’on déteste un enfant ? On ne peut forcer personne à aimer. »

Ses doigts lui brûlaient encore du papier déchiré. Maintenant elle devrait composer avec une partition inachevée.  Elle laissa l’esplanade battue par les vents et marcha vers le cimetière où il avait été enterré six mois plus tôt. De sa poche elle sortit un papier, relit une dernière fois les mots qui y étaient griffonnés - " Quand le chagrin est là, une journée dure autant que trois automnes" -  puis elle l’enterra dans le pot de fleurs placé sur le marbre noir.
Peut-être  lirait-il ces mots un jour ?

15 décembre 2010

Les valses de Chopin

Elle lui avait  dit que jouer des valses de Chopin quand on avait les doigts aussi peu déliés ce n’était sans doute pas un choix judicieux :
- J’adore Chopin ! avait-il répondu avec force.
Elle se demandait comment on pouvait adorer un musicien dont on massacrait allègrement les valses en les jouant comme des marches funèbres.

14 décembre 2010

Chômage

Lasse d’être au chômage depuis 2 ans, elle décida de devenir psychanalyste ; son expérience d’analysée – deux ans en tout et pour tout -  lui sembla suffisante pour tenter l’aventure. Elle mit une plaque sur sa porte, fit une petite campagne de pub et attendit les patients. Le premier arriva le  14 décembre et il lui fut fatal. ; dès qu’elle prononça le mot « mère » il se rua sur elle et l’étrangla.  Comment aurait-elle pu savoir ?

13 décembre 2010

la cuisine

Il était effondré sur le canapé et faisait semblant de faire ses devoirs depuis plus d’’une heure – c’est tout au moins l’impression qu’il essayait de donner sans pour autant convaincre. Avant de partir faire les courses au supermarché elle lui dit :
- Si jamais tu t’ennuies, tu peux laver la cuisine.
Il lui répondit en souriant :
- Oui, peut-être, si j’ai une pulsion…

12 décembre 2010

Et maintenant ?

Il y a des arbres qui nous encombrent et dont on veut se débarrasser... pour lire le texte, c’est ici.
La photo est de Patrick Cassagnes et le texte de gballand.

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