La dinde
Le 25 décembre, lors du traditionnel repas de Noël, leur père s’était effondré sur la table de la salle à manger, la tête dans les mains. Sa position – au centre – avait fait tourner la tête des six personnes présentes vers lui.
- Narcolepsie, avait dit le fils aîné, médecin, certainement déclenchée par une émotion.
- Quelle émotion ? avait dit le fils professeur de mathématiques, je n’ai rien remarqué de particulier dans notre conversation.
- Toi, tout t’échappe à part l’ordi et les mathématiques, avait répondu le troisième fils, dentiste.
- Il a été surpris par l’une de tes remarques, a dit la femme du médecin, psychologue. Quand tu as parlé d’homosexualité, il a dû croire que tu l’étais, toi, homosexuel !
- Pour une fois que notre père écoute, a répondu le dentiste !
- Hélène, tu es toujours une psy professionnelle, même le jour de Noël, bravo, a souligné le professeur.
Les trois dernières réponses ont fait sourire leur mère mais elle s’est tue ; si son mari ignorait, que leur fils était homosexuel, elle, le savait depuis longtemps mais n’y accordait aucune importance. Elle s’est juste demandée à quoi ressemblait son ami et, c’est à ce moment là que son mari s’est réveillé et a dit, en regardant sa femme.
- Alors, elle arrive quand cette dinde ? A moins qu’elle soit déjà parmi nous ?
Sa femme n’a rien répondu. Quarante années de plaisanteries douteuses l’avaient immunisée.
PS : prochain texte, MARDI.