La femme du président
Elle lui avait dit qu’à son âge – elle ne donnait jamais son âge exact à quiconque même si tout le monde le connaissait - le seul moment de joie de sa journée, c’était quand il ne lui parlait pas de campagne électorale. Oui, elle en avait marre de ses simagrées, marre de la « start up nation », marre de son obsession des réseaux sociaux où il n’excellait pas - bien au contraire - marre de son maquillage permanent pour conserver sa jeunesse au compteur, marre de son rictus perpétuel en guise de sourire – même dans la chambre à coucher – marre de cette « baraque » appelée l’Elysée où elle marchait pendant des kilomètres et des kilomètres afin de trouver un lieu où se sentir bien, marre de ses matinées chez la coiffeuse et l’esthéticienne – et il y en avait du travail ! – afin d’avoir l’air présentable. Voilà, elle en avait marre de tout, mais surtout, elle en avait marre de ses cours de coaching avec lui. La veille, excédée par son inattention, elle lui avait dit.
- Je me demande quelle motivation tu as lorsque tu montes sur scène ? Avec les années, on dirait qu’elle disparaît. Travaille tes enjeux, il faut que le public – les français donc – puissent entrer dans la pièce que tu leur présentes. Voilà le problème à vrai dire, tu n’as aucun propos intéressant et tu ne partages rien avec le public. Conclusion : tu devrais arrêter le théâtre présidentiel pour éviter cet échec qui pointe.
Il l’avait regardée étrangement et son rictus habituel s’était figé sur son visage blanc où des lignes de transpiration commençaient à apparaître. Elle lui avait tendu un mouchoir qu’il avait refusé, puis il avait dit d’une voix cérémoniale.
- La guerre a commencé entre nous : celle du silence !
Elle ne répondit rien et s’éloigna dans les longs couloirs de solitude de l’Elysée…
PS : prochain texte, mardi.