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7 janvier 2022

Les mots

Elle faisait partie de la police de la littérature. Son travail était complexe, mais son salaire était aussi bas que celui d’un professeur en début de carrière, je vous laisse imaginer…

 Elle aurait rêvé d’avoir le double. Mais peut-on rêver hors des mots qui nous font rêver ? La littérature a rarement fait manger à leur faim écrivaines et écrivains, poétesses et poètes, dessinatrices et dessinateurs de BD, libraires etc.

Quand je parle de police de la littérature, je vous entends déjà glousser. Encore une police ? Nous n’en avons déjà pas assez ainsi ? Non, semble-t-il.

Elles n’étaient que trois dans cette police-là, et que des femmes. Son poste dépendait du ministre de la culture qui avait décidé – une initiative très récente et surprenante - de mener des enquêtes « subtiles » sur le monde des mots de nos grandes et grands écrivains du vingt et unième siècle. Seuls les mots intéressaient le ministre qui, lui-même, pourtant, semblait ne rien lire à part deux ou trois journaux, et encore.  De mauvais esprits disaient qu’il cherchait les mots qui lui manquaient. Il faut dire qu’au ministère, les mauvais esprits ne manquaient pas.

Elle passait donc ses journées plongées dans les livres de 42 romancières et romanciers, enfin pas exactement 42, puisque la tâche était divisée par trois. 14 écrivains lui avaient donc été attribués.

Pourquoi 42 écrivains vous demanderez-vous ? Elle n’en savait rien. Pourquoi celles-ci et ceux-ci ? Elle n’en savait rien non plus. La seule consigne du ministre avait été : « Cherchez les mots les plus importants dans les trois dernières parutions de ces 14 écrivains qui vous ont été donnés, notez-les et envoyez-les-moi. Après, nous verrons. » Nous verrons quoi ? Avait-elle eu envie de lui dire, mais qui pose une question à un ministre ?

Elle en était donc au début de son travail. Chaque semaine elle envoyait au ministre les mots qu’il attendait sans jamais avoir aucune réponse de sa part.

Ce qu’elle apprit, en faisant une recherche sur internet, c’est que le ministre avait 42 ans. Est-ce pour cette raison qu’il avait donné une liste de 42 écrivains. Ce qu’elle imaginait aussi, c’est que le ministre souhaitait publier un livre quand il serait limogé, et ça, c’était fort possible, car on limogeait très vite dans ce gouvernement là…

 

PS : prochain texte, mardi.

Commentaires
C
A mon avis, il doit y avoir une brigade par ministère ; ils dégainent des livres avec une rapidité déconcertante https://video.antopie.org/w/j4wW7gLJPjF1oM5ThJF1Af
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I
Les mots les plus importants d'un livre ? Le titre et la quatrième de couverture : ce sont les plus lus, et souvent les seuls qui sont lus. Donc pour ce boulot : inutile d'ouvrir les livres. Gain de temps : énorme (contrairement au salaire).
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M
Comme d’énièmes rapports commandés par nos dirigeants, financés par les fonds publics et ( quelquefois?) non lus ou/ et non suivis d’effets ...<br /> <br /> Mais... une question me taraude: pourquoi des femmes? A vrai dire, la faiblesse du salaire ne serait-elle pas à elle seule un bon indice?
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D
Les mots "ignominie", "censure", "provocation", "mépris", "totalitarisme", "pensée unique", "jours heureux", "trottoir", "emmerder"... disqualifiaient le moindre ouvrage les comportant et n'étaient donc pas transmis au ministre : seuls les livres "à l'eau de rose" - non politiques - avaient encore droit de cité. :-)
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W
J'espère qu'elle avait sélectionné "ministre"...
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