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23 mars 2018

l'apparition

olga

 

L’apparition

 

Elle avait choisi Lisbonne comme refuge. « Lisboa » - disait-on dans ce pays presque oublié de l'Europe -  une cité inconnue qu’un  poème, abandonné sur un banc de la ville où elle vivait alors, lui avait esquissée devant ses yeux lassés de pleurer. Elle se rappela les premiers vers du poème tandis qu’elle traversait « o terreiro do paço » faisant rouler derrière elle son énorme valise noire.

 

Je dis :

“Lisbonne”

Quand je traverse – venant du sud – le fleuve

Et la ville où j’arrive s’ouvre comme si elle naissait de son nom

Elle s’ouvre et se lève dans sa splendeur nocturne

Dans son long miroitement de bleu et de fleuve

Dans son corps entrelacé de collines

Je la vois mieux parce que je la dis
Tout se montre mieux parce que je dis

Tout montre mieux son être et sa carence
Parce que je dis
(…)

 

C’est en remontant la rue Prata qu’elle vit la femme sans nom, dans sa robe de brume ourlée de dentelles de lumière. Elle souleva le rideau de pluie et s'arrêta devant elle, la fixant de ses yeux où l'absence avait creusé deux cernes de mélancolie.

Son immobilité lui imposa d’abord le silence, mais elle s’enhardit et lui murmura les premiers vers  du poème de Sophia de Mello. Sans doute ceux-ci la touchèrent-ils car son masque blanc s’anima et sa main lui tendit un pendentif argenté. Elle le prit et l’ouvrit. A l’intérieur un seul mot : « saudade ».

Elle voulut la remercier mais la femme avait déjà disparu.

Une fois le pendentif à son cou, elle regarda  les nuages qui traçaient  leur chemin de pluie dans l'immensité du ciel. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à suivre les motifs qui ornaient les pavés glissants et le destin aurait fait son oeuvre. Ceux-ci  la conduisirent devant  l’hôtel flor da baixa.

Elle entra sans hésiter. La réceptionniste lui annonça qu’on l’attendait plus tôt, mais que ce n’était pas grave, elle pouvait prendre possession de sa chambre.

 

-     Mais je n’ai pas réservé, s’étonna-t-elle.

-    Quelqu’un a réservé pour vous, s’entendit-elle répondre. D'ailleurs, vous avez le pendentif - et elle lui montra le médaillon argenté autour de son cou - c'est ça qui est le plus important.

 

La jeune femme de la réception faisait un bruit de gorge étrange en prononçant les "r" et sa phrase avait une musique inhabituelle.  

Elle accepta la clef tendue.

 

–     Quarto número 13, primeiro andar – dit-elle en  lui désignant l’ascenseur.

Quand elle entra dans sa chambre, elle vit une enveloppe blanche déposée sur le couvre-lit rouge.

La lettre qu’on y avait glissée disait :

 

Les amours passent, mais pourquoi leur ombre nous condamnerait-elle à la mélancolie ?

Lisbonne vous attend

Aimez-la, et elle vous aimera, infiniment.

L’inconnu

 

PS : photo gentiment prêtée par Olga da Silva Marques

 

Commentaires
L
C'est ça : avoir rendez-vous avec son destin !
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P
Encore un train de retard Cette fois, un train pour Lisbonne... Dommage! Bel atmosphère poetico-énigmatique dans lequel j'aime à me perdre pour mieux me retrouver... Obrigada !
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W
Quelle ville fascinante, n'est-ce pas ?
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C
Très beau texte. Il donne envie de connaître cette ville d'abord par ses poèmes et ensuite de d'y rendre.
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F
beau texte
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