Le sapin (gballand)

C’était jour de grève, le quai était noir de monde et la foule commençait à s’impatienter quand elle  vit la tête d’un sapin émerger de la  marée humaine. L’arbre avançait envers et contre tout. Il fallait vraiment être givré pour circuler avec un sapin de Noël un jour pareil. Le sapin s’arrêta non loin d’elle ; il appartenait à un jeune homme, la trentaine environ, revêtu d’un pardessus gris. Elle entendit quelqu’un crier « Il manque plus que les boules et ce sera complet », un autre enchaîna « Les boules, il doit déjà les avoir, et des grosses encore ! ». Le jeune homme au sapin restait imperturbable et digne, comme un gentleman anglais qui n’aurait à la main qu’un simple parapluie. Elle lui sourit mais il ne répondit pas à son sourire. Quelqu’un fredonna « Mon beau sapin » et un autre reprit plus loin, comme en écho « Petit papa Noël » ; mais sans susciter de réaction chez le propriétaire du sapin.
Quand le métro arriva, elle sentit une tension, chacun semblait se recentrer sur soi et se préparer à foncer vaille que vaille vers les wagons. Elle eut une pensée émue pour l’homme au sapin qui, lui, devrait se frayer un chemin pour deux. L’ouverture des portes déclencha une hystérie collective. Poussée par des corps anonymes elle se retrouva miraculeusement dans le wagon, coincée entre la porte du fond et l’arbre de Noël dont les aiguilles lui chatouillaient les narines. Elle essaya de voir l’homme au sapin à travers les branches, mais elle remarqua qu’il n’était plus là et, quand le métro partit, après un à coup qui la projeta contre un corps étranger, elle découvrit, comme d’autres voyageurs, que le propriétaire du sapin était resté sur le quai et  qu’il agitait les branches de son corps en proie à une frénésie désespérée. Un petit malin entonna alors :

Vive le vent
Vive le vent
Vive le vent d'hiver
Qui s'en va sifflant soufflant
Dans les grands sapins verts
Oh !
Vive le temps
Vive le temps
Vive le temps d'hiver
Boule de neige et jour de l'an
Et bonne année grand-mère … qui fut repris en chœur par tout le wagon.

Comments

[gballand]

D Hasselmann : eh bien, vous ne lésinez pas. Comme quoi on a toujours besoin d'un petit Taser chez soi. Merci de m'avoir fait sourire.

Latil : je n'ai jamais vérifié... Bonne année à vous Latil.

[Latil]

Un voisin piquant, peut étre aussi collant:
Bonne soirée Latil

[D. Hasselmann]

Rentré chez lui, sa femme l'attendait de pied ferme.
- Alors, il est où, le sapin ?
- Resté sur le quai du métro Bonne Bouvelle...
- Ah ! Bravo !
- Il y avait trop de monde...
- Tu pouvais pas le commander et le faire livrer par Internet ?
- C'était plus cher... et je n'étais pas sûr qu'il soit là au bon moment...
- Et un costume en sapin, ça te plairait, à la place ?
- Tu veux dire quoi ?
- Ceci !

Elle sortit son Taser pour femme qu'elle avait soigneusement dissimulé derrière son dos. La décharge électrique, visant le coeur, fut efficace.

Chez Roblot, un appel téléphonique parvint quelques minutes plus tard : il fallait venir prendre les mesures de l'allongé.

[gballand]

Gicerilla : eh bien, vous me redonnez le moral...
je ne serai plus un "pauvre" hère qui erre.

caro-carito : j'espère pour lui.

Danalyia : drôle. Y a-t-il encore des maris qui se font enguirlander ? Les femmes sont si douces et compréhensives...

[Danalyia]

Imaginons que sa femme l'attende à la maison, avec le sapin : il va se faire enguirlander !!