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Presquevoix...
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21 mai 2009

Le cadeau de vacances (gballand)

Quand il était en vacances, il achetait toujours un cadeau à sa mère, souvent laid, exprès ; il ne pouvait  s’en empêcher. Non pas que sa mère ait été plus mauvaise mère qu’une autre, mais  il voulait l'encombrer, la gêner, et peut-être même l’obliger, une fois au moins, à lui dire le fond de sa pensée.

Après 10 ans de vacances dans les endroits les plus divers, il  se souvenait de presque tous les cadeaux qu’il lui avait faits. Elle les avait acceptés sans se plaindre, et même l’avait, à chaque fois, gentiment remercié. Certains étaient d’ailleurs exposés, comme des trophées,  dans les différentes pièces de la maison. Les sortait-elle de la cave lorsqu’il lui rendait visite trois fois par an ?

Le premier cadeau de la série, il l’avait acheté  en Espagne, à Malaga, ville hideuse s’il en est, hérissée d’immeubles, qui déroulait sa disgrâce le long de la côte sud. En se promenant dans la vieille ville,  il s’était  arrêté dans une boutique de souvenirs rafraîchie par un ventilateur qui tournait avec un bruit abominable. La ventilation aidant – il faisait 40 degrés à l’extérieur – il était resté 15 minutes dans la boutique et s’était presque cru obligé d’acheter un souvenir pour justifier une présence aussi longue : il opta pour une bouteille en forme de toréador que sa mère avait toujours dans son buffet depuis 10 ans.

Puis vinrent le phare bleu pétrole de Concarneau, les trois sets de table avec le coq de Barcelos, La petite lampe de chevet  en  coquillages de Noirmoutier, l’assiette avec le pont d’Avignon , le bol de Paimpol avec son prénom – Jacqueline – peint en noir, le rond de serviette – dont elle n’avait nul besoin puisqu’elle mangeait la plupart du temps en tête-à-tête avec elle-même – avec trois cigales roses du Lavandou, le plateau à fromages avec les vaches normandes, et il y en avait eu bien d’autres…


Son dernier cadeau – et c’était bien le seul qui ait eu cet effet-là – l’avait légèrement indisposée, il l’avait remarqué à la petite crispation de sa mâchoire. Il s’agissait de la statue d’un bouddha rieur qu’il lui avait rapportée d’Indonésie.
Sa mère avait juste dit.

- Merci Bertrand, c’est gentil de ta part, mais tu sais que je n’ai plus de place pour mettre tous tes cadeaux.


Il avait souri en concluant.

- Tu sais maman, ça me fait plaisir de te faire plaisir.

Commentaires
G
Caro-carito : un bilan de mi-parcours ?<br /> <br /> Danalya : A ta place... non, je ne dirai pas ce que je ferai à ta place. Comme à la PO.<br /> <br /> D. Hasselmann : Eh bien,ma foi, je ne m'y attendais pas. Un cadeau empoisonné que celui-là, pour l'un, comme pour l'autre. Un zeste empoisonné.
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D
Son imagination étant à court, et après avoir épuisé toutes les breloques touristiques trouvées au long de ses pérégrinations, il se décida à s'offrir lui-même à sa mère, qui en espérait tant.<br /> <br /> L'inceste se consomme avec un zeste d'agrume.
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D
Et moi qui trouvais si beaux le dessous de plat de Lisbonne, avec un carreau d'azulejo et le vase avec des violettes de Toulouse que m'a offerts ma fille ! Je commence à me poser des questions...
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C
Des amis?<br /> Remarque j'en ai eu qq uns.<br /> Enfin, l'amour (sous toutes ses coutures) est aveugle.
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G
A vrai dire, je ne l'ai pas encore suffisamment étudié,ce personnage, je ne saurais vous dire. Ce texte m'a été en fait inspiré par des amis qui s'amusaient à s'offrir les cadeaux les plus moches possibles à chaque retour de vacances...
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Presquevoix...
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