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Presquevoix...
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30 mars 2008

L’art de durer

C’est ça la vie, c’est l’art de durer ! Même si t’en as rien à foutre de la vie, tu fais de ton mieux pour durer, durer et encore durer ; durer pour profiter de la retraite, tu y a bien droit puisque tu as travaillé 25 ans, sans compter les périodes de chômage, et quand on a commencé à travailler à 16 ans, on  a bien le droit de se reposer un peu, non, sans qu’on vous dise que vous êtes un bon à rien et que si vous faites rien c’est parce que vous l’avez bien voulu. Il faut dire qu’on  t’a pas remercié de grand chose dans ta vie, même quand tu ramenais de l’argent à la maison. D’ailleurs c’est pas d’aujourd’hui que tu  comprends pas, déjà hier… J’aurais dû être un chien ! Si j’étais un chien je m’en foutrais de la mort ! La vie c’est un foutu cercle vicieux : on te donne la vie, tu donnes la vie à tes enfants, tes enfants donnent la vie et on continue à tourner comme des imbéciles mais on sait pas pourquoi. Tout le monde fait une ronde mais personne  se donne la main. C’est bien ça le malheur de la vie, on  donne jamais la main à personne.
Pourtant moi je la tends la main, tous les jours, je la tends n’importe où, à côté du distributeur de billets, à la sortie du monoprix, à la sortie de l’église, je passe mon temps à la tendre mais personne  la prend. C’est ça l’art de durer, c’est faire toute la journée quelque chose que tu sais qui  sert à rien, sauf à manger pour te maintenir en vie et faire la même chose le lendemain. Mais je suis quand même content que tu sois venu me voir. Ta mère sait pas, je suis sûr, et il vaut mieux qu’elle  sache pas, elle  m’a jamais beaucoup aimé ta mère, et avec le chômage, ça  s’est pas arrangé ; c’est pour ça que je suis parti, c’était mieux pour tout le monde. Au fait, merci pour les dix euros. J’ai presque trouvé un travail, tu sais, enfin je crois, parce que maintenant, à mon âge, on  trouve que des miettes. Ça m’a fait plaisir de te revoir. Le matin je suis ici. L’après-midi, ça change souvent et le soir, j’ai pas d’adresse fixe. C’est dur de tendre la main tu sais, je le fais pas par plaisir mais on s’habitue. On a tous nos peines, toi les tiennes, moi les miennes, eux les leurs.
Alors il s’appelle Mathieu ? C’est beau Mathieu. Et la maman, elle va bien ? Tu l’embrasseras pour moi, ton fils. Prends-en bien soin de Mathieu, hein ? Et n’oublie pas de l’embrasser, de la part de son grand-père. N’oublie pas, hein ? Et tu me le présenteras un jour ? Et si jamais tu as besoin de moi, tu sais où me trouver…

Commentaires
F
beaucoup aimé
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G
Ca serait bien de pouvoir "faire des chutes" comme on respire !
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[
J'ai adoré la chute. Je m'y attendais vraiment pas.
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D
On a comme une petite boule dans la gorge à la fin... Touchée !
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