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Presquevoix...
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16 juillet 2007

A quoi ça sert de vivre ?

« Bac + 5 (DEA d’économie) + un an de travail dans une ambassade + deux ans de travail dans une ONG + Chômage depuis quinze mois et inscription à l’ANPE +  « invitation aux vendanges en Alsace par l’ANPE elle-même + invitation refusée pour cause de recherche d’emploi + radiation de l’ANPE, donc un chômeur en moins et un déprimé en plus, + 25 curriculum vitae + 25 lettres de motivation envoyées à 25 entreprises sans aucune réponse en retour !!! Conclusion : invité à quitter mon appartement pour cause de non-paiement de loyer, je cherche de toute urgence un travail. Salaire négociable mais permettant de vivre dignement. Contactez-moi au : 03 45 02 25  78. J’étudierai toutes les réponses avec le plus grand soin. Que pensez-vous d’une société qui ne veut plus insérer ses jeunes ???? »

Il contemple un instant sa petite annonce improvisée, pas mal du tout, sans pathos, digne en somme, alors pourquoi pas ? Pourquoi hésiter à s’imposer sur tous les murs de la ville alors que depuis presque deux ans, il est transparent, invisible comme les milliers de chômeurs que l’ANPE a radiés parce que, comme lui, ils ne comptent plus ? Qu’est-ce qui justifierait  encore des égards pour quiconque dans cette société de merde qui lui ferme la porte au nez ? Pourquoi devrait-il encore avoir des devoirs alors qu’on ne lui laisse plus le choix d’avoir des droits ? Le dernier lieu où on lui faisait croire que, peut-être demain, peut-être un jour, peut-être s’il changeait la rédaction de son CV, peut-être si sa lettre de motivation était tournée autrement, peut-être s’il acceptait de diminuer ses exigences, peut-être s’il voulait faire un stage dans un autre domaine, peut-être s’il essayait de se « vendre » mieux, peut-être s’il changeait de look… lui a définitivement claqué la porte au nez ! Il n’y a plus de peut-être mais une seule certitude : son diplôme ne  sert à rien,  son expérience n’a fait que profiter aux autres et  ses travaux d’écriture pour trouver un travail n’ont été qu’une vaste farce que l’Etat lui a imposé pour justifier ses maigres allocations. Encore hier, il en était à se demander s’il n’allait pas foutre sa vie en l’air, se suicider au gaz et faire sauter le putain d’immeuble dont le propriétaire veut lui mettre un procès aux fesses à cause de ses trois mois de loyer impayés ; ah il pourrait toujours courir après ses loyers, l’imbécile, lorsque son immeuble serait réduit en cendres… Et puis il l’a rencontrée, elle, et tout a changé. Oh, une simple coïncidence, un sourire échangé au coin du comptoir d’un café, un frôlement, même pas un numéro de téléphone ou une promesse de rendez-vous,  rien d’autre qu’un rêve, celui d’une passante de la vie qui lui a fait se souvenir qu’il était un homme. Et maintenant il est là, lui le désespéré, l’abruti, à cogner à nouveau à la vitre de la vie, à se dire que quelque chose est encore possible, la rage au ventre et le cœur battant, comme du temps où il croyait encore qu’être jeune servait à quelque chose.

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