Elle était dans cette chambre depuis trois mois et il lui apportait ses repas à heure fixe, matin, midi et soir. Les teintes rousses des arbres lui rappelaient leurs longues promenades en forêt du temps où il disait que sans elle, il n’était rien, et il insistait sur ce « rien » qui le rendait mélancolique. Leur bonheur avait duré un an, puis il avait eu peur et il l’avait enfermée. Elle était sûre qu’elle n’était pas la seule pensionnaire de la maison. À plusieurs reprises, elle avait entendu des cris. Y avait-il une autre femme ? Un homme ? Qui tenait-il au secret, et pour quelles raisons ?
Dès la première semaine, à sa demande, il avait apporté du papier et un stylo pour qu’elle puisse écrire. Après le repas du soir, il lisait à voix haute les pages qu’elle avait noircies pendant la journée en faisant quelques commentaires ici ou là ; puis il lui dictait la suite. Elle aimait ces phrases étranges qui déroulaient les méandres de son âme troublée. La sensualité de leurs voix mêlées la faisait souvent pleurer.
Peu à peu, leur roman prenait forme. N’écrivaient-ils pas un pan d’une vie qu’il ne pouvait vivre ? La veille, elle lui avait proposé un titre pour leur livre : « Les âmes égarées ». Il l’avait regardée, surpris, puis avait acquiescé en précisant qu’il faisait avec elle quelque chose qui était sans doute plus beau que la vie. Ce soir-là, avant de fermer la porte, il lui avait envoyé un baiser du bout des doigts.
PS : texte écrit à partir de cette photo prêtée par Maïté