Elle observait la scène de loin et elle commençait à s’impatienter. Que lui disait-il ? Cela faisait dix minutes qu’ils étaient face à face. Lui était-il déjà arrivé, à elle, de mettre dix minutes pour prendre une photo ?
Elle s’imagina alors qu’il lui parlait. Mais que pouvait-il lui dire ? Les choses les plus folles lui traversèrent l’esprit. Non, pas ça, tout de même ! Mais pourquoi pas ? Il en était bien capable ! Mais à une statue ? Elle essayait de se raisonner mais maintenant elle en était sûre. Il faisait semblant de prendre la photo tout en se faisant plaindre. Rien de telle qu’une femme muette pour développer le goût de la parole chez l’homme. Et le pire, c’est qu’elle semblait l’écouter. D’ailleurs ne hochait-elle pas la tête ?
Elle n’y tint plus et le héla du haut de l’escalier.
- Alors, c’est pas bientôt fini ton manège ?
Il ne se hâta pas de répondre et, au bout d’un temps qu’elle jugea trop long il articula.
- Tu n’es pas obligée de m’attendre. On se retrouve à la sortie.
La guerre était déclarée. Elle se détourna du couple, fit un tour du jardin à grands pas, n’admira pas les fleurs qu’elle aurait dû admirer, ne s’extasia pas sur le temple de l’amour, ne s’étonna pas de l’harmonie des couleurs.
La sortie fut atteinte en moins de cinq minutes. Elle pourrait ainsi lui dire qu’elle l’avait attendu une heure.
PS : photo prise à Gerberoy, dans l'Oise