La journée était belle, le jardin des Tuileries bruissait d’enfants et d’étrangers avides de sensations et la grande roue tournait, tournait. Les nacelles bleues et blanches brillaient dans l’azur laiteux.

La tête rejetée en arrière et les yeux  brouillés, elle regardait leur défilé. Sa vie n’était-elle pas aussi une roue, mais une roue qui ne tournait plus, bloquée sur son essieu ?

Elle était là, immobile sous un soleil de plomb. Sa tête a tourné, tourné au rythme de la roue puis elle s’est évanouie. Quand elle s’est réveillée, un homme âgé était penché au-dessus d'elle et lui passait un peu d'eau sur le visage.

- Ça va ma petite dame ? Ça va ?

Elle a  remué la tête en guise d’assentiment.

- Ya pas idée de rester comme ça immobile sous un soleil de plomb !

- C’est le bleu, lui a-t-elle répondu, trop de bleu, trop de souvenirs...

Il l’a conduite sur une chaise, à l’ombre, et a attendu qu’elle dise quelque chose. Rien n’est venu.

- Tenez, buvez. Vous disiez qu’il y avait trop de bleu tout à l’heure…

Elle lui a répondu en ravalant ses larmes.

- Il avait les yeux bleus, très bleus, et il m'a quittée.

L’homme lui a pris la main et l’a gardée dans la sienne. 

- Vous avez l’impression que tout s’écroule et vous vous écroulez, c'est normal.  Qui résisterait à une séparation ? Vous avez besoin de récupérer.  Je connais un bon glacier pas trop loin, je vous invite, c'est de bon coeur, quand on est retraité on a le temps de s'occuper des autres.

Et ils sont partis ensemble sous la voûte bleutée…

PS : photo prise au jardin des Tuileries,  début aout.