Comment être heureuse ?
Dans sa cabane de l’été, elle avait tenu à mettre au dessus de la porte d’entrée : « Ici on est heureux chaque jour. »
- Pourquoi mentir ? lui avait dit son fils.
- Pourquoi pas ? lui avait-elle répondu.
Leur dialogue en général se réduisait à ça.
- Simples, mais profonds, vos dialogues, avait souligné sa fille.
Elle avait souri et avait répliqué qu’il valait mieux dire des choses superficielles que ne rien dire. Ce à quoi sa fille avait répondu.
- Comme avec papa ?
- Exactement.
De toute façon, dans cette cabane de l’été, plus de dialogues superficielles, elle serait seule. Ses enfants partaient loin, dans un étranger qu’elle ne voulait plus voir et son mari travaillait tout l’été ; enfin, c’est la raison qu’il lui avait donnée à son absence, absence qui se perpétuait en général l’année entière, en « présentiel ».
Lorsqu’elle s’est installée le premier jour de ses vacances dans sa cabane de la plage, elle a apporté un maillot de bain vieux comme le monde – « au cas où », comme disait son mari – un carnet pour écrire, et un livre.
Elle avait 55 ans et n’en paraissait ni plus, ni moins que 55. Ses cheveux raisonnablement longs avait gardé leur couleur châtain d’origine et parfois – si on savait trouver la phrase juste - ses yeux souriaient.
Cette phrase, c’est une femme – sa voisine de cabane de plage - qui l’a trouvée dès le premier dialogue. Elle lui a dit.
- Bonjour. Moi c'est Isabelle, je suis votre voisine. Contente de m’installer près de la cabane où on est heureux chaque jour.
- Enchantée, je m'appelle Elise.
- Joli prénom. Mon voisinage ne vous gênera pas, je suis seule.
- Le mien non plus, mes enfants et mon mari ne viendront pas.
- Parfait. L’idéal pour la lecture. Mon livre du moment : « La méthode Schopenhauer », d’Irvin Yalom. Vous connaissez ?
Elise sourit.
- Oui, une sacrée méthode que la sienne, d’ailleurs. Moi je lis « Mensonges sur le divan », du même auteur.
Sa voisine a conclu en précisant.
- Elise, je crois que nous allons faire un beau voyage toute les deux, et elle a commençé a ranger son immense pile de livre dans sa cabane qui, elle, s’appelait juste : « voyage à la plage ».
PS : Photo prise à Criel sur mer. Prochain texte, lundi.