Son truc
Son truc à lui, c’était le harcèlement textuel. Jusqu’à présent, aucune des femmes qu’il avait choisies n’avait été « séduites » par sa prose, mais le grand soir viendrait, il le savait.
Le week-end, après ses longues pages d’écriture, il regardait ses DVD préférés, le chapelet à la main, non parce qu’il se sentait déprimé mais pour que le Christ l’aide sur son chemin de croix textuel. Cette prière répétitive l’apaisait à tel point qu’il se disait que pour Noël il demanderait à sa sœur – qui, elle, ne croyait qu’en la Finance - de lui acheter un chapelet en argent.
Tous deux passaient Noël ensemble depuis le décès de leurs parents, il y a sept ans. Ni l’un ni l’autre n’avaient d’enfants ni de conjoint et, ce repas familial à deux, le soir de Noël, n’était suivi d’aucun autre repas le reste de l’année. Il faut dire que leurs professions – elle dirigeait une grande banque et lui était lecteur chez un éditeur parisien – les éloignaient, de même que leurs souvenirs d’enfance, si différents.
En général, il pensait à ce repas de Noël une semaine à l’avance afin d’éviter que leur conversation de Noël ne sombre dans le silence. Il imaginait en boucle les sujets à aborder : ceux du travail, des loisirs et des vacances. Sauf qu’en cette période de COVID, les vacances et les loisirs il n’y en avait point eu.
Et s’il lui parlait de ses lettres aux femmes aimées en lui disant qu’il s’agissait de son premier roman ? Bien sûr, il lui faudrait ajouter que le personnage lui avait été inspiré par l’un de ses amis. Oui, une très bonne idée, et le chapelet l’aiderait dans cette conversation « spirituelle » avec sa soeur …
PS : prochain texte, lundi prochain.