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Presquevoix...
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14 juin 2009

La femme de l’auteur (gballand)

pagenas12"Il s’est dépêché de disparaître avant que l’erreur ait un visage* ; depuis quelque temps, les erreurs avaient toujours le visage de sa femme. »

Oui, ça pouvait parfaitement être le début de son nouveau roman, mais aurait-il assez de souffle pour l’achever ? Au moment où il  relisait sa phrase pour la dixième fois, sa femme l’appela. Il fit la sourde oreille. Elle insista et frappa à la porte.

- J’écris, répondit-il sans bouger.

Elle riposta.

- Et alors ? Je  suis pas un personnage de roman, moi ! J’existe !


C’était son nouveau leitmotiv. Il se leva à regret, tourna la clef dans la serrure et elle entra. Sans hésiter, elle se dirigea vers l’ordinateur et lut la phrase inscrite sur l’écran.

- Tu parles de moi ?
- Non, quelle idée !
- Tu dis bien « sa femme » ?
- Oui, mais c’est la femme du personnage principal, pas la mienne ! Le personnage, c’est pas moi, c’est un homme âgé, blasé, qui veut mettre fin à ses jours.

Elle ne répondit rien mais s’assit devant l’ordinateur, sélectionna la phrase et la supprima.

- Tu es folle ? De quel droit tu touches à mon travail ?
- De mon droit de femme d’auteur. Tu peux bien me dire que l’auteur et le personnage sont deux personnes distinctes, je te dis, moi, que ce qui va guider ce personnage-là, c’est l’inconscient de l’auteur et l’auteur, c’est bien toi, non ?

Il la regarda d’un air méchant. Pressentant une catastrophe, elle préféra partir, mais elle n’eut pas le temps d’atteindre la porte ; il l’assomma  avec le presse-papiers qui trônait sur son bureau. Quelques secondes plus tard, il posa l’objet à sa place initiale, s’essuya les mains sur son pantalon et  revint  s’asseoir devant l’écran de l’ordinateur pour écrire le paragraphe suivant :
« Il décida de faire disparaître sa femme pour quelque temps, peut-être même définitivement, mais rien n’était encore sûr ; il avait un roman à écrire et les choses s’annonçaient difficiles. »

* phrase extraite d’un livre de Virginie Lou

P. S. Ce texte est illustré par Pagenas. Pour voir son site : www.sucrebleu.com

Commentaires
G
Pagenas : merci pour vos encouragements.<br /> <br /> D. Hasselmann : soulagé, alors.<br /> <br /> Frasby : j'ai lu attentivement votre suite. Des rapports vénéneux qui laissent entrevoir le pire...La voix indique la voie, donc.<br /> <br /> Thomas : ah, l'humanité... les larmes d'argent ne sont pas données à tout le monde. Merci pour la traduction.
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T
Goethe: <br /> pour moi Wolfi , ditais:<br /> <br /> O du Ausgeburt der Hölle!<br /> Soll das ganze Haus ersaufen?<br /> Seh ich über jede Schwelle<br /> doch schon Wasserströme laufen.<br /> Ein verruchter Besen,<br /> der nicht hören will!<br /> Stock, der du gewesen,<br /> steh doch wieder still!<br /> <br /> Créature de l'enfer, tu n'es pas humain!<br /> La maison entière va être inondée<br /> Du seuil au portail<br /> Des flots d'eau comme un orage<br /> - Balai maudit!<br /> Qui n'en fait qu'à sa tête<br /> Tu n'es qu'un morceau de bois<br /> Encore une fois arrête! Ne bouge plus!<br /> <br /> Bon dimanche, madame <br /> Sourire derriére mes larmes d´argent
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F
...Et quand au petit déjeûner au sortir d'un rêve agité, sa femme lui dit (tout en tartinant une craquotte avec un grand couteau de cuisine)<br /> -"Tu vas encore passer ta journée dans ton roman comme hier !<br /> De toute façon je suis sûre que tu dis du mal de moi !Ils disent tous du mal de leur femme !"<br /> Il ne répondit rien. Il sentit juste un picotement, un courant froid inhabituel dans sa main, jusqu'au bout de ses doigts.<br /> "Alors ? dis moi !" insista t-elle tout dévorant sa craquotte par accoups comme le ferait un petit rat : "Tu ne dis rien, tu fais la gueule ? <br /> Le son de la craquotte montait à ses oreille, il serra son poing sous la table. un poing qu'il contrôlait à peine..<br /> Puis le silence se fit de plus en plus pesant...<br /> <br /> "Tu ne dis rien c'est ça !!! vas-y ! fais moi la gueule ! au point où on en est ! de toute façon tu n'aimes que toi ! et ton roman , et moi je compte pas !"<br /> Elle reprit une autre tartine, le couteau posé à travers son assiette, elle regardait son petit écrivain de mari par dessus le bouchon de jus d'orange. elle marmonna "ça y'est ! voilà ! il fait la gueule!".<br /> Il s'aperçut qu'il ne maîtrisait plus vraiment le mouvement de son bras. Elle répéta plusieurs fois "ton roman pfff !". <br /> Il plongea mollement son bras dans le paquet de triscottes, il se dit que ce n'était pas son bras.<br /> "Alors ??? Tu ne m'as pas répondu, tu vas encore passer ta journée dans ton roman comme hier ??? elle fît du bruit exprès avec sa tasse et son assiette<br /> "mais réponds moi, qu'est ce que je t'ai fait ?<br /> Il sortit tout aussi mollement une triscotte du paquet. La regarda pendre au bout de sa main. "Bizarre, cette main..." pensa t-il ... Et puis il s'entendit parler distinctement, avec une drôle de voix... Une voix posée, au timbre lent, précis qui l'effraya. Une voix qu'il ne connaissait pas : <br /> "tu me passes le couteau s'il te plaît !"
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D
Le lendemain, quand il se réveilla au beau milieu du cauchemar, au contact de sa femme dans le lit conjugal, il pensa : <br /> <br /> "Heureusement que ce presse-papiers n'était que celui de mon micro-ordinateur !"
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F
Bon... J'aime votre efficacité ;-) déjà une bonne chose de faite !Si vous voulez un petit coup de main pour transporter le corps, je suis là . (c'est insupportable ces conjoints qui se mêlent de la vie des autres !). Il faut être drastique. Ne rien sacrifier à l'oeuvre. Vous avez fait votre devoir.<br /> <br /> Merci pour la bonne adresse, et je crois que pour l'apprécier bien il faut prendre son temps, ce site est captivant...
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