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Presquevoix...
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2 janvier 2008

La petite boîte à névroses

- Oh, c'est pas parce que vous êtes tout nu qu'il faut faire le malin*, lui dit-elle d'un ton agressif qu'il ne sembla pas comprendre.

Il était debout près du lit alors qu'elle était encore allongée, et il la toisait d'un regard lointain, comme s'il était déjà parti, comme si ce qu'il venait de vivre à l’instant n'avait plus aucune importance pour lui. Elle savait parfaitement que si elle lui avait dit ça, c'était à cause de sa petite boîte à névroses qui tournait à une vitesse folle. Une fois de plus elle allait se sentir abandonnée, une fois de plus elle pleurerait toutes les larmes de son corps quand il serait parti, une fois de plus elle aurait le sentiment de ne pas avoir été comprise.
Si elle ne lui avait pas proposé sa table ce jour-là, au déjeuner, alors qu’il cherchait désespérément un endroit  où s’asseoir dans la salle enfumée du café restaurant, elle ne serait pas dans cette chambre d'hôtel minable, mais chez elle, avec son mari et son fils. Elle s’en voulait d’avoir eu à  imaginer une histoire ridicule d'inventaire de dernière minute pour faire l’amour avec un nouvel inconnu.

- Je vais prendre ma douche, s'excusa-t-il.

Qu'il aille prendre sa douche, pourquoi il me dit ça ? de toutes façons je m'en fiche, pensa-t-elle. Bien sûr il avait l'air gentil, bien sûr elle avait eu du plaisir avec lui, mais elle lui en voulait. Sa relation aux hommes était désespérée ; était-ce normal de demander à des inconnus de lui donner autre chose, toujours ?
Il sortit  de la salle de bain et commença à s'habiller lentement en la regardant à la dérobée.

- Si vous voulez on pourrait se voir de temps en temps, lui dit-il presque hésitant.
- Quoi ? Baiser  à date fixe ? Non, merci ! répondit-elle avec une violence dont elle ne s’étonna pas.

Il n'insista pas et finit de passer ses vêtements en silence. Quand il fit mine de s'approcher du lit pour lui dire au revoir, elle le repoussa violemment.

- Inutile ! On doit vous attendre !

Il sortit et tira la porte derrière lui sans un dernier regard. Une fois la porte refermée, elle pleura tout son saoul. Elle l’avait congédié sans appel, comme les autres. Elle prit son portable sur la table de nuit, appela un numéro et au bout d’un instant, elle dit d’une voix neutre.

- Michel, j'arrive dans une heure, l’inventaire a été plus long que prévu. Tu as fait manger Bruno ?

* Phrase de R. Dubillard

Commentaires
L
Ben zut ! Me suis trompée de mot !<br /> Je pensais à "La douleur était infinie" ... <br /> <br /> j'étais aveuglée par mes pensées, en écrivant ce texte !
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G
Vous dites "La douleur était infime", ne chosissez-vous pas là un oxymore ? ceux qui choisissent "l'empreinte du faux"(titre d'un livre de Patricia Highsmith)n'ont-ils pas leurs vies brûlées par l'aveuglement ?
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L
La douleur était infime, car elle savait que le temps allait passer, inexorablement … et tous ces moments inoubliables où elle avait croisé le désir dans ses yeux s’en allaient … pour toujours … comme une vague, un instant, parti dans l’océan du temps … et qu’on ne rattrape jamais …<br /> <br /> Ils avaient choisi de ne pas penser à eux, mais à ceux qui les regarderaient … de ne pas laisser leurs yeux parler, mais ceux des autres …<br /> <br /> Mais les autres ne savent pas les trainées de larmes, d'angoisse, de déchirures qui en découlent, d’elle ou de lui … comme celles des avions, dans le ciel …<br /> … qui suivent l’objet reflétant le soleil, fuyant inlassablement … n’arrivant jamais à le rejoindre …. mais restant dans son sillage aussi longtemps que dure le voyage …<br /> <br /> Comme un amour inaccessible<br /> <br /> Il n’y a malheureusement rien de faux …
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T
"C'est trop vrai et fait trop mal"<br /> <br /> Réalité que ce que tu racontes ? Où est le vrai ou est le faux, je n'ai aucun moyen de savoir si c'est autobiographique :).<br /> <br /> C'est tellement vrai que la douleur de ne pas pouvoir aimer un autre est infime par rapport à la destruction de ce que le Moi de cette femme peut entraîner dans sa propre famille...<br /> <br /> La véritable tristesse (même si je passerais pour un moralisateur), elle est là. L'ego doit parfois savoir s'effacer, mais notre société et ses codifications ne le permettent pas.
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T
C'est le drame de ma vie.<br /> <br /> Mais je remercie mon éducation et mes tabous qui font qu'en matière sexuelle j'ai pu saisir la douleur de ce genre de "non relation". La souffrance non pas uniquement de Soi mais de toutes les personnes qui nous entourent. Et c'est au fond de mon coeur d'une capitale importance.<br /> <br /> Cette non rencontre tuera le mari, aura un impact énorme sur Bruno, pour le simple égoïsme et la lacheté d'une personne qui n'a pas le courage de s'avouer ses erreurs et qui les canalise en sombrant dans sa "névrose". De mon point de vue, céder à ses souffrances, angoisses est la meilleure façon pour soi de s'en sortir par un délic naturel qui arrive avec le temps. Mais c'est la pire façon de démolir tout ceux qui nous entoure. Choix cornélien entre courage et lacheté.<br /> <br /> <br /> Suite.<br /> <br /> Je suis rentré chez moi. Pas de femmes, mais ma petite Elodie, mon petit amour, le soleil de ma vie. Elle était encore rentrée toute seule de l'école et j'avais plusieurs messages sur mon portable - la garderie... Quel père indigne et irresponsable. Perdu dans les rêveries de l'acte sexuel avec cette femme, je l'avais à peine serrer dans mes bras, voyons encore l'image de l'inconnu. Elle aussi avait une petite larme de peur de croire que son papa l'avait abandonné. Il avait honte de la toucher après ce qu'il avait fait avec l'autre, honte de ce qu'il avait fait. Il avait gardé le numéro de téléphone de cette femme.<br /> <br /> En préparant le dîner, il regardait despéremment son portable. Il la croiserait peut être demain à midi... Il ne voulait pas la voir, il ne voulait rien d'elle si ce n'est des paroles, des paroles réconfortantes. Mais comment pouvait elle l'aider alors que lui même n'avait même pas le courage d'avouer ses propres erreurs. Il les comprenait désormais. Mais il les subissait toujours. Le pire, c'est que toute la nuit il rêverait d'elle, plusieurs jours durant le fantasme de la prendre dans les toilettes le hanterait, où dans la voiture. Il allait encore s'oublier et en oublier ceux qui l'entouraient et qui... L'aimer vraiment.
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