L’envol
- Alors, c’est pour quand ? Lui avait-il dit en l’observant du coin de l’œil car elle détestait qu’il la regarde en face.
- Je ne sais pas, ça dépendra.
- Enfin quand même, tu dois bien avoir une idée.
Evasive, elle lui avait répondu « on verra » et elle avait glissé sur le quai brumeux, tel un fantôme dans une ville endormie.
Son plan était préparé depuis longtemps – 3 ans peut-être - mais l’exécution se faisait attendre. Quand serait-elle assez aguerrie pour le grand voyage ? Son voisin – ancien navigateur revenu à quai pour une étrange histoire de mal de mer - lui avait dit que les goélands argentés mettaient quatre ans à acquérir leur plumage d’adulte.
Tous les jours, elle s’entraînait de bon matin. Après de très courts vols d’essai, elle partait au travail. Il n’y avait rien de plus réjouissant que d’arriver au lycée par la voie des airs. Elle survolait le parc un long moment, puis elle se posait discrètement au cœur des arbres. Jusqu’au jour où son collègue de philosophie – un grand brun rêveur à l’air mélancolique – l’a surprise dans son plumage argenté.
Il ne lui a rien dit mais, dans son casier, il a laissé le message suivant orné d’une plume dorée : « L’oiseau en cage rêve toujours de nuages. »
Depuis, ils se sourient à chaque rencontre…
PS : photo prise sur les quais à Rouen