- Maman, je crois que papy est mort ! cria la jeune fille.
Elle se précipita dans la chambre et constata que Marion avait raison. Un mois qu'elle attendait cette mort. Elle n’osait pourtant pas s’approcher du corps.
- Regarde maman, il y a une enveloppe à côté de lui !
Elle bondit.
- Surtout, ne touche à rien !
- Mais pourquoi, il y a ton nom dessus !
Elle prit l’enveloppe et la glissa dans sa poche. Il ne lui avait tout de même pas fait le coup de la lettre ! S’il avait voulu lui parler, il aurait pu le faire de son vivant. Mais il n’avait jamais rien eu à lui dire.
- Tu la lis pas ?
- C’est pas le moment.
- Pourquoi ?
Elle ne lui répondit pas et l’ envoya à la pharmacie pour lui chercher de l’aspirine. Assise près du mort, elle ne ressentait rien ou si peu. Jamais ils ne s’étaient compris ; incompatibilité d’humeur.
Elle le regarda de plus près et se souvint qu’elle lui avait toujours trouvé un visage effrayant, sans doute des idées de petite fille qui ne s’étaient jamais effacées. Quand elle essayait de se rappeler quelque chose de précis à son sujet, rien ne lui venait : aucun geste, aucun regard, aucun amour. L’enveloppe était toujours dans sa poche, elle allait bien devoir l’ouvrir. Elle se décida à la prendre, la déchira, déplia le papier et constata qu’il n’y avait que trois lignes, tracées de l’écriture illisible de son père. Elle chaussa ses lunettes et lut :
« Te voilà enfin débarrassée, moi aussi. Ni moi, ni toi n’aurons de regrets, seule ta fille, peut-être…
On ne peut jamais forcer personne à vous aimer.
Ton père qui n’est pas ton père. »