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Presquevoix...
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21 janvier 2012

Le rendez-vous

Elle avait eu son premier rendez-vous avec le psychiatre à l’hôpital Saint Anne. Quand il lui avait demandé quel était son employeur, elle avait répondu : « Dieu ». Le psychiatre avait continué comme si de rien n’était et lui avait demandé l’adresse. Elle avait rétorqué : « rue du Paradis »
Il avait alors relevé la tête pour la regarder. Elle n’avait pas baissé les yeux et lui avait souri, de toute la candeur dont elle était capable.
-    Vous me dites donc que votre employeur vous harcèle sexuellement.
-    Oui, assura-t-elle, vous croyez peut-être que Dieu  n’ pas de désirs ?
Le psychiatre réfléchit un instant et ne put s’empêcher de faire errer un vague sourire sur ses lèvres.
-    Non, bien sûr, mais j’ai tellement entendu dire que Dieu était la perfection incarnée.
Elle répondit, énervée.
-    Ce n’est pas moi qui vous apprendrai qu’il faut savoir changer de regard sur les gens.
Il hocha la tête, et se dit qu’avec elle, il lui faudrait se montrer prudent...

20 janvier 2012

La « tristitude », c’est quoi ?

Elle se sentait accablée en permanence, sans raison aucune, avec cette envie de pleurer à chaque fois qu’une personne croisait sa route. Quelle imbécile elle faisait !  Etait-ce un virus qu’on lui avait inoculé ? Etait-ce la crise ? Etaient-ce ses séances chez le psy qui la perturbaient au point qu’elle se sentait  obligée de se remettre en question dès qu’elle demandait deux saucisses de Francfort chez le boucher ? Qu’avait-elle fait, au juste, pour en arriver là ?
Etait-ce ça,  la tristitude ?


19 janvier 2012

Les idées

Quand elle avait essayé de discuter avec son amie des problèmes qui se posaient actuellement dans l’éducation nationale, celle-ci lui avait répondu.
-    Ecoute, j’ai mes idées depuis longtemps et ne pense pas que tu vas me convaincre avec tes arguments !
Elle s’était tue, accablée, et n’avait pas osé lui demander si elle avait acquis son stock d’idées dès la naissance.

18 janvier 2012

Les seins

Quand le chirurgien plasticien l’avait interrogée, Marie avait dit.
-    Je veux les seins de Vanessa Demouy, et elle avait sorti la photo de son sac.
Le chirurgien sembla soupeser les seins du regard et  murmura un « parfait, parfait… » qui l’inquiéta presque.
-    C’est ça ou rien et ce n’est pas une question de fantasmes, c’est une question de bien-être ! Assura Marie.
Le médecin hocha gravement la tête et répondit simplement « Ainsi soient-ils » avant de remplir consciencieusement la fiche avec un stylo dont la couleur – rose fuchsia – surprit la future patiente.

17 janvier 2012

Lui

Elle ne tarissait pas d’éloges sur lui : il était intelligent, aimant, compréhensif et valait tous les hommes de la terre. Cette idylle prit fin le jour où, jouant de ses puissantes mâchoires, il transforma les serviettes de fête finement brodées en misérables lambeaux baveux. Il devint alors l’ennemi numéro 1. Elle voulut le rendre  à la SPA, mais celle-ci  lui laissa entendre que les problèmes ne venaient sans doute pas que du chien…

16 janvier 2012

Les pendules

Sa maison était envahie de pendules de toutes sortes. Il les avait volées dans les lieux les plus divers, souvent à ses risques et périls, et dans un seul but : les remettre à l’heure.

15 janvier 2012

Les soupirs des autres

couverture« D'après moi un étranger entrera dans votre tombe », c’est ce que lui avait dit une voyante,  en ce jour de vague à l’âme où elle avait eu envie de mourir sans en avoir le courage ; pourtant, son contrat obsèques était déjà prêt. Il lui aurait fallu juste un petit déclic pour sauter le pas.


Ce contrat, elle ne l’aurait jamais pris si l’employé de l’assurance n’avait pas été aussi jeune,  souriant et inexpérimenté. Elle lui avait même offert un thé et le jeune homme lui avait longuement parlé de ses parents, de sa nostalgie du Sud et de la rude concurrence qui régnait sur « le marché de la mort ». Elle n’avait pu s’empêcher de sourire en entendant cette expression. Il y avait des marchés pour tout. Quelle inconvenance ! Il la remercia chaleureusement pour le thé, pour l’assurance – ce devait être son premier contrat – et il lui assura que les prestations seraient parfaites. Elle sourit et referma la porte derrière lui.


Le jour où elle avala ses comprimés, en trois fois, elle ressentit un immense soulagement, sans doute parce qu’elle partait pour un long voyage et qu’elle ne serait pas seule, il y avait ce fameux étranger...


Le jeune homme ne lui avait pas menti. L’enterrement fut parfait et elle ne regretta pas son investissement. Dommage qu’il y ait eu si peu de monde. Mais  elle avait si peu d’amis. Elle les entendit cependant soupirer, surtout Ginette et Adèle, il faut dire qu’elles étaient très proches étant jeunes. Son ex-mari était là  aussi, toujours aussi raide, et son fils, Marc. S’il soupira, ce fut sans doute de soulagement. Et puis il y avait cet étranger aux cheveux blancs, juste derrière son mari. Mais celui-là, elle ne le connaissait pas ou elle ne se souvenait pas de lui.


Une heure plus tard, le cimetière avait retrouvé sa quiétude. Alors qu’elle croyait s’être endormie, quelqu’un frappa. Elle dit « Entrez », machinalement, et elle  vit l’étranger aux cheveux blancs. Il lui dit aussitôt.


-    Tu te souviens ?


Elle chercha en vain et lui répondit que non, vraiment, elle ne voyait pas qui il était malgré ses efforts.


-    Et si je te dis, Rouen, 1965 ?


Le souvenir lui revint alors, si parfait qu’elle en fut bouleversée. Il avait 20 ans, elle aussi.  Ils avaient fait l’amour pour la première fois et il lui avait dit, le lendemain, qu’il allait entrer dans la police. Elle avait répondu que dans ce cas, ils ne pourraient plus se revoir. Elle ne lui avait jamais expliqué pourquoi.


-    Je voudrais savoir pourquoi tu es partie, dit-il d'une voix émue.


Elle sourit. Il se glissa à l’intérieur et  referma le couvercle derrière lui. Elle se demanda ce qu’elle pourrait lui offrir, à part l’éternité…


PS : une couverture réalisée grâce à ce merveilleux site de Générateur de titres

14 janvier 2012

La nouvelle année pédagogique

Pour cette nouvelle année pédagogique, elle a préparé une « innovation » dont elle n’est pas mécontente. Dorénavant,  la colle traditionnelle sera remplacée  par un film. Chaque élève collé en 2012 devra voir  le dernier film de Manoël de Oliveira - « l’étrange affaire Angelica » -  du début jusqu’à la fin, sans pause aucune et en version originale non sous-titrée.

Ces jeunes êtres, épris de films d’action, ne manqueront pas d’être profondément perturbés  par la lenteur parfois insoutenable du film, sans parler du non-jeu du personnage principal.  Cette épreuve leur apprendra certainement à cultiver  patience et maîtrise de soi. Sans parler des progrès notables qu’ils feront dans la langue de Camões... s'ils ne s'endorment pas.



13 janvier 2012

Mike Brant

Il l’avait tuée parce que dans son portefeuille, il avait trouvé une photo de Mike Brant. « C’est ton amant, c’est ça ? » lui avait-t-il dit à plusieurs reprises. Elle avait eu beau lui répéter que Mike Brant était mort depuis longtemps, il n’avait rien voulu savoir.
Après l’avoir assassiné, pris de remord,  il vérifia sur wikipédia : Mike Brant était bien mort en 1975 ! Cette vérité eut raison de son cœur.


12 janvier 2012

La voix

J'ai la main sur la poignée de la porte, mais  je frappe trois coups, comme au théâtre. Quand une voix de basse me dit « Entrez ! », j’ai l’impression que Faust lui-même me donne la réplique. J’ouvre la porte. Dans la pièce il n’y a personne, juste une odeur d’encens et le lit où l’on a tendu une couverture rouge alors que d’habitude elle est noire.


La même voix de basse me demande de me déshabiller et de m’allonger. J’obéis.  C’est à ce moment que je vois la caméra fixée au plafond. Pourquoi cet imbécile a-t-il mis une caméra au plafond alors que d’habitude il est là en chair et en os, surtout en chair d’ailleurs. Et  pourquoi s’amuse-t-il à changer de voix ? Je ne comprends rien.


Je lui  annonce  le tarif  et la voix se fait dure : «  trop cher ! » Je précise que c’est le tarif habituel et que je ne suis pas prête à le baisser. La voix répond  «  Soit, mais ne prenez aucune initiative. ».  Je  demande à la voix qui elle est parce que d’habitude l’autre… Ma question l’énerve au plus haut point et elle me répond  que l’heure n’est plus aux habitudes, que l’autre n’existe plus, qu’elle l’a tué et que si je veux partir, la porte est ouverte. Malgré ma peur, je décide de rester,  j’ai trop besoin de cet argent pour payer mes deux loyers de retard, sans parler  de mon forfait et de la mensualité de mon crédit. Je reste immobile et j’attends, nue, allongée sur la couverture rouge.


Après quelques secondes de silence,  la voix commence à me susurrer des choses insensées et  un souffle chaud court  le long de mes jambes jusqu’à la pointe de mon pubis… c’est la première fois que je fais l’amour avec une voix.


PS : texte écrit dans le cadre des « impromptus littéraires »

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