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14 janvier 2023

Le contrôleur

Mathieu Lemaire était contrôleur à la SNCF. Il dormait peu car il découchait souvent en raison de son poste de travail sur les TGV grandes distances. Sa femme s’en plaignait parfois en souriant et il lui répondait.

-          Si je découche, plains-toi à la SNCF.

-          La SNCF a bon dos, disait-elle, mais dès demain j’appelle le directeur.

-          Si tu l’as au téléphone, tu auras de la chance. Nous, on le voit pas, on l’entend pas. On se demande même s’il existe ce crétin !

Sa vie sociale s’effritait petit à petit et ses amis l’oubliaient. Restait sa femme.

Avant d’être contrôleur, il avait été professeur des écoles remplaçant. Il avait vite arrêté, les enfants l’insupportaient. Mais, au bout de douze mois à la SNCF, les voyageurs aussi l’insupportaient. Souvent il parlait d’eux en disant les RFI : Râleurs, Fraudeurs, Insatisfaits. Parfois, il rêvait d’une autre vie, une vie qui aurait un sens, une vie où il aurait l’impression d’être utile. Quand il en parlait à sa femme, celle-ci répondait.

-          Ouais. Ben deviens aide-soignant ou infirmier, comme moi ! Je ne te donne pas quatre mois pour en avoir marre aussi de soigner. Et question salaire…

Il avait envie de lui dire : Alors, qu’est-ce qui me reste ? Oui, que lui restait-il sinon accepter encore et toujours cette « Putain de vie ! » avec une retraite au bout de 43 ans de services rendus, comme ils disaient aux informations, puisqu’il était né en 1980.   

A moins qu’un jour, il ne se jette sur les rails de sa propre vie et devienne « liseur de visages » - une nouvelle profession sur le marché du travail - car, quand il observait son visage dans la glace, il se rendait compte que la vie laissait des traces qui en disaient long sur soi et son rapport aux autres. C’est ce qu’il s’était dit aussi en observant le visage du président de la république : des rides, un visage anguleux, des traits tirés... il était temps qu'il s'arrête, ou alors...

PS : prochain texte, mercredi.

15 octobre 2020

Le patron

Chaque fois qu’elle prenait le bus avec René, il lui donnait une petite leçon de vie ; elle était si jeune. Ce jour-là, il avait écrit la phrase du jour sur son journal : « Il faut désapprendre à obéir. »

Elle lui avait immédiatement répondu.

-          Drôle de boulot, non ?

Et il avait conclu, sur son journal : « Soit on résiste, soit on crève ! »

Résister, mais jusqu’à quand ? Lui avait soixante ans et elle vingt trois. Ils travaillaient dans la même entreprise où le patron – Un paternaliste disait René – avait sur ses employés un étrange regard, entre dureté et bienveillance.

Souvent, René disait à Solène.

-          Bienveillance mon cul. Un patron n’est jamais bienveillant, sache-le.

Sans doute avait-il raison. D’ailleurs, ce jour-là, à cause de la grève des transports, ils arrivèrent avec 15 minutes de retard et la première chose que le patron avait dit à Solène, c’était.

-          Grève ou pas grève des transports, on arrive à l’heure Mademoiselle

Et elle avait dit à voix basse, sans que le patron ne l’entende.

-          Alors c’est grève ou crève, quoi !

René avait souri, la petite commençait bien !

 

PS : prochain texte, dimanche.

19 novembre 2015

Le sosie

boulotTravailler lui paraissait si pénible qu’elle avait passé cette annonce dans Libération – " cherche sosie qui veut bien aller au boulot à ma place " -  suivie d’une photo d’elle, la plus « réaliste » possible.

Si trouver un sosie n’avait pas été une mince affaire, le fait qu’elle soit professeur n’avait pas arrangé les choses. Rares étaient celles qui, par ces temps troublés, souhaitaient entrer dans la fosse aux lions ; surtout pour un salaire de 1400 euros par mois.

Son choix avait fini par se porter sur une femme qui,  selon ses amis,  lui ressemblait comme deux gouttes d’eau.

Mais ce choix lui avait posé un nouveau problème  : comment était-il possible de ne pas se reconnaître dans un sosie que tout le monde trouvait aussi ressemblant ?

 

29 août 2012

Les feignasses

Revêtu de son inusable pantalon verdâtre et de son tee-shirt blanc-gris, il prenait son poste tous les matins devant le monoprix de Rouen. Les horaires étaient souples – il n’aimait pas les contraintes - et il hurlait toujours de la même voix éraillée.


-    Allez les feignasses, au boulot ! Après on s’étonne que les patrons embauchent pas. Si tout le monde se fout de tout, on risque pas de sortir de la crise !


Parfois, quelques pièces tombaient dans sa casquette, mais souvent, les gens faisaient le grand écart avant d’entrer dans le magasin. Ce vendredi-là, une  mamie avec un chariot à roulettes s’est approchée de lui menaçante.


-    Moi, j’ai commencé à travailler à 12 ans,  alors quand j’entends un branleur comme toi qui parle de feignasses, ça me fait bien rire ! A ton âge, t'as pas honte de faire la manche ? Avec un physique comme le tien on trouve du travail tout de suite.


Le type s’est arrêté de gueuler illico et s’est presque cru  obligé de s’excuser. Son mea culpa n’a duré que quelques secondes ;  une fois  la mamie  partie, il a recommencé de plus belle...

30 juin 2012

Les autres

Quand elle avait rencontré son collègue de philo dans la rue, elle lui avait demandé s’il allait mieux ; il faut dire qu’ il était en congé maladie depuis trois mois. Il l’avait regardée étrangement puis  avait dit, en laissant sa phrase en suspens.
-  Moi, je vais beaucoup mieux, mais les autres…
Et il avait conclu.
-  Les autres sont fous.
Elle s’était demandée s’il parlait d’elle, mais non, pourquoi aurait-il parlé d’elle ?

31 mai 2012

La majordome

Grâce à sa connaissance du chinois – appris à l’Institut des langues orientales – et aux cours reçus à l’International Butler Academy, elle était devenue « majordome » chez un riche chinois aux goûts étranges. Elle l’accompagnait du matin au soir, du...
27 avril 2012

Service à domicile

Licenciée par son patron, elle avait décidé de créer un service à domicile encore inconnu en France, mais très en vogue au Texas : le ménage érotique. Pour l’instant la promotion de sa petite entreprise se faisait de bouche à oreille. Elle avait quatre...
24 avril 2012

Le Directeur de Cabinets

Avant-hier, j'ai pris mon poste de Directeur de cabinets, en sous-sol, place de la Calende. Ces nouvelles responsabilités me conviennent à merveille, même s'il n'est pas facile de s'adapter à un nouvel emploi. Hier, un client m’a demandé si le travail...
23 avril 2012

La loi des séries

Depuis que les politiques d’austérité se multipliaient, sa petite entreprise prospérait. Il avait dû embaucher deux nouveaux agents à plein temps et investir dans un nouveau corbillard. Il se réjouissait de ce succès mais, au fond de lui-même, une petite...
28 janvier 2012

Le hamster

La dernière fois que son chef de service lui avait demandé de rester un peu plus tard, elle lui avait dit que vraiment c’était impossible, que son hamster était malade, qu’il était seul à la maison et qu’elle devrait rentrer.Le chef de service avait fini...
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